Une ville verte

Peut-on miser sur la construction pour une transition verte ?

© Photo de Nancy Bourque provenant de Pexels

Souvent pointé du doigt comme l’un des plus polluants, comment le secteur du bâtiment va-t-il se réinventer à la faveur de la crise ?

En France, la construction représente deux millions d’emplois et pèse 11% du PIB. On connaît bien sûr les majors françaises de calibre international, Vinci, Bouygues et Eiffage, mais la filière est forte de 650 000 entreprises, dont plus de 95% de moins de 9 personnes, selon l’Observatoire des métiers du BTP.

Année blanche

Après avoir encaissé un retrait d’activité de 88% début avril, au moment où les chantiers étaient à l’arrêt, la reprise s’est faite dès le mois de mai. Selon KPMG, 2020 sera une « année blanche » pour le BTP, avec une chute estimée de 15% du chiffre d’affaires. Selon la Fédération française du bâtiment (FFB), le retrait de l’activité en 2020 fait peser un risque sur 120 000 emplois.

Le BTP au service de la relance verte

Annoncé début septembre par le gouvernement, le plan de relance cherche à faire de la transition écologique à la fois un objectif et un levier de sortie de crise.  « Feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays », France Relance se destine à bâtir « la France de 2030 » et pour ce faire dédie trente milliards d’euros à la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité.

Selon les calculs du CITEPA (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en France en 2018 sont les transports à 31%, suivis par l’agriculture à égalité avec le résidentiel tertiaire (19% chacun), l’industrie manufacturière et la construction (18%), l’industrie de l’énergie (10%) et les déchets (3%).

À l’aune de ces chiffres, on voit bien le levier que constitue le BTP dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Atteindre les 90% de déchets BTP recyclés d’ici 2025

Même s’il peut nous mener vers un monde plus durable et résilient, il faudra aussi que le secteur mène et parachève sa propre transformation. Prenons par exemple la question des déchets : selon l’Ademe, le BTP en a généré 224 millions de tonnes en 2016soit environ 69% de l’ensemble des déchets français. 93% d’entre eux sont inertes, et donc à valoriser.

Consciente du problème, l’Union européenne avait fixé dès 2008 un objectif ambitieux de valorisation des déchets à horizon 2020 dans sa directive-cadre de l’ordre de 70%, repris ensuite dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Un objectif aujourd’hui dépassé, avec près de 80% de déchets valorisés via le recyclage, le réemploi direct sur les chantiers ou le remblaiement des carrières.

Démonstration par l’exemple d’une économie circulaire à l’œuvre, ce retraitement permet aujourd’hui de couvrir 28% des besoins en granulats pour la construction en France. Forte de ces résultats, la filière des carrières et des matériaux de construction, représentée par l’Unicem, s’est engagée à atteindre les 90% de recyclage d’ici 2025.

Le ciment à l’origine de 8% des émissions de carbone

Lorsqu’on sait que 4 milliards de tonnes de ciment sont produites chaque année dans le monde, avec une tendance haussière, et que cette seule activité serait à l’origine de 8% des émissions de carbone issues de l’activité humaine, on saisira l’enjeu à réduire l’impact du matériau de construction le plus utilisé au monde. En France, l’industrie cimentière a lancé Cement Lab, son laboratoire à idées en 2018 afin de catalyser les meilleures innovations en la matière.

Outre les matériaux et les procédés, qui ont longtemps constitué l’essentiel de l’innovation du secteur, le numérique a accéléré la dynamique de transformation d’une industrie souvent présentée – sans doute de par son ancienneté – comme rétive à la question. Dans une étude de décembre 2018, PwC datait ainsi à 2015 le début de cette accélération – coïncidant avec la reprise du bâtiment, suite à la crise de 2009.

Selon le cabinet de conseil, la « Constructech » se positionne sur cinq grands besoins principaux :  la sécurité, la productivité, l’expérience utilisateur, le développement durable et les villes de demain. Cet écosystème réunit à la fois des startups qui se lancent sur le secteur et les structures innovation des grands acteurs du BTP. Et les passerelles fonctionnent plutôt bien, puisque 90% des startups interrogées ont déjà travaillé avec un grand groupe.

Forces vives pour la construction de demain

Transformation de la filière, digitalisation des organisations, transition écologique, innovation… des enjeux sont de taille qui sont autant d’atouts pour renforcer l’attractivité des métiers de la construction auprès des jeunes générations – les forces vives qui permettront justement de relever les défis de demain, dans un secteur où l’être humain demeure le premier capital. Or la pénurie de main d’œuvre, notamment qualifiée, dans le BTP est bien identifiée.

Chaque année en France, 114 000 personnes suivent une formation aux métiers des TP. Pour ceux-là, mais aussi pour les formateurs, salariés, entreprises du secteur ou individus intéressés par ces perspectives, la FNTP la lancé tp.demain, le premier centre de ressources en ligne sur les métiers des travaux publics. Découvrir les métiers, attirer les talents, proposer des formations, contribuer à la montée en compétence sur les nouveaux savoir-faire, comme le BIM, le recyclage ou les technologies vertes… sont les objectifs annoncés de cette plateforme.

Dans une récente interview à Batiactu, Bruno Cavagné, son président, estimait – du fait de la pyramide des âges – à 200 000 personnes les besoins de la filière dans les prochaines années. Face à l’immense défi de la transition écologique, on le voit, les chantiers ne risquent pas de manquer. À la condition toutefois d’une année 2021 placée sous le signe de la relance effective, notamment pour le devenir des TPE/PME.

Retrouvez l'article dans son intégralité sur Et Demain Notre ADN.

Carolina Tomaz

Journaliste, rédactrice en chef du Livre des Tendances de L'ADN. Computer Grrrl depuis 2000. J'écris sur les imaginaires qui changent, et les entreprises qui se transforment – parce que ça ne peut plus durer comme ça. Jamais trop de pastéis de nata.

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