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Autolib' et Vélib' sont morts et c'est peut-être une bonne nouvelle

Les déboires d’Autolib’ (et de Vélib’ dans une moindre mesure) ont fait bondir les Parisiens. Ils étaient prêts à abandonner voiture et vélo perso pour croire à cette belle idée de mobilité en libre-service ! Leur aurait-on menti ?

Autolib’, c’est fini ! Cette résiliation anticipée – le service ne devait pas s’arrêter avant 2023 – coûte cher (Bolloré réclame 46 millions d’euros), déçoit (19 000 personnes ont signé une pétition pour réclamer le maintien du service) et pose plusieurs questions.

Pour commencer, qui est responsable ? Certains pointent du doigt le vandalisme dont étaient victimes les véhicules. D’autres la mauvaise communication de la Mairie de Paris, qui n’a pas suffisamment éduqué les utilisateurs potentiels. Et puis il y a ceux qui accusent l’entreprise elle-même, qui aurait tout fait de travers.

On a essayé d’y voir plus clair.

Un business model qui avait passé la date de péremption

Ross Douglas est un entrepreneur sud-africain. Il est le fondateur d’Autonomy, le salon qui présente les solutions technologiques capables de réduire les embouteillages et la pollution. Pour lui, il était évident qu’Autolib’ allait mourir. « L’entreprise fonctionnait selon un vieux modèle. Pendant plusieurs années, elle était dans une situation de monopole. Aujourd’hui, tous les investisseurs se dirigent vers les nouvelles solutions de mobilité : forcément, c’est difficile de rivaliser ». Entre autres problèmes, il évoque le système de fonctionnement des Autolib’, dont les batteries ont besoin d’être constamment « chauffées » pour fonctionner. Résultat : les voitures doivent être branchées en permanence. « C’est très contraignant pour l’utilisateur qui doit trouver une borne disponible pour se garer. On retrouve les mêmes inconvénients que lorsque l’on utilise son propre véhicule, c’est un non-sens ».

C’est ce manque de flexibilité qui est selon lui à l’origine de la faillite d’Autolib’.

Pour autant, il serait prématuré d’annoncer la mort du transport en libre-service !

« On le voit, les fonds d’investissement n’hésitent pas à financer les startups du secteur. Vélos, trottinettes, scooters… et voitures ! » Avis aux déçus : Autolib’ se fera très probablement remplacer par d’autres acteurs. C’est d’ailleurs le constat d’une réunion qui a eu lieu le 11 juin 2018 à l’Hôtel de Ville. Anne Hidalgo y a réuni les professionnels de l’autopartage qui se sont montrés optimistes quant au potentiel du marché. Renault, PSA, BMW, Volkswagen, mais aussi des startups comme Drivy ont témoigné leur intérêt pour investir le créneau. « Avec une technologie et des batteries plus adaptées, ce sera un succès. On peut imaginer que la Zoe de Renault ou l’i3 de BMW remplaceront les Autolib’ dans Paris. Mais sans bornes de rechargement contraignantes ».

Le futur du transport ? Le free floating

Ross Douglas est formel : le futur de la mobilité, c’est le free floating, ce système qui permet aux utilisateurs et utilisatrices de laisser leur véhicule là où ils arrêtent de l’utiliser. On le connait aujourd’hui surtout pour les startups qui arrivent sur le marché des vélos en libre-service, mais il se décline sur les scooters, les voitures et même les trottinettes ! Maureen Houel, Directrice Générale de COUP – le service de scooters électriques en free floating de Bosch – en France, adhère à ce point de vue. « Il y aura toujours besoin de transports publics », explique-t-elle. « C’est important, et c’est le rôle des villes. Mais nous avons un comportement multimodal : il faut pouvoir choisir son mode de transport en fonction d’où l’on va, de combien nous sommes, de la météo… c’est cette liberté qui permettra de décongestionner les villes. Mais pour cela il faut pouvoir se libérer des contraintes de bornes imposées ». Pour Ross Douglas, c’est le principal point faible des Vélib’. « C’est désagréable pour les utilisateurs… Et ça coûte très cher à entretenir ».

A l’avenir : une application pour tous les services, et des espaces aménagés

Soulagée d’Autolib’, la Mairie de Paris pourrait finalement avoir l’opportunité d’investir ailleurs. Ross Douglas imagine ainsi le déploiement d’une application qui centraliserait les données de tous les acteurs de la mobilité en libre-service. « Les applications qui existent aujourd’hui ne prennent pas du tout en compte le comportement multimodal du citadin. On me propose un trajet en bus et en métro, puis de marcher. On ne m’indique pas qu’il y a un véhicule en libre-service à côté, ou que je peux commander un Uber facilement ». Pour tout rassembler au même endroit, il faudrait un acteur « neutre » : Uber ne confierait jamais ses données à Chauffeur-privé, et vice-versa. « En revanche, la Mairie pourrait très bien décréter que pour utiliser ses routes, les services doivent lui confier leurs données. Ça permettrait une super-appli qui faciliterait les trajets de tout le monde ».

Quand on l’interroge sur la faisabilité d’un tel projet, Ross Douglas est optimiste – « d’ici 4 ou 5 ans, le temps que les villes se rendent compte du pouvoir que ça leur donnera et des économies qui seront réalisées ».

Mais il faudra aussi un peu d’aménagement. « Il est important de réinventer la répartition de l’espace public, qui est aujourd’hui quasiment exclusivement pensé pour les voitures », conclut Maureen Houel. Ça change, mais lentement : il y a encore quelques années, les pistes cyclables ou les couloirs de bus étaient inexistants. « Mais les deux roues sont encore lésés : c’est pour ça que tout le monde se gare sur les trottoirs. Quand les villes se rendront compte qu’il faut encourager la mobilité électrique, partagée et en libre-service, il faudra réinventer les routes et les places dédiées ». Pour un coût qui ne sera pas forcément mirobolant… « Les stations Autolib’ coûtent 50 000 euros. Aménager des places de parking pour les vélos, les scooters et les voitures, c’est beaucoup moins cher ».

Et enfin le vandalisme ? Une question d’inégalités… et de design

Entre ceux qui les cassent et ceux qui les cachent, les véhicules partagés – quels qu’ils soient – n’ont pas toujours la vie facile. Pour Ross Douglas, le problème est très européen. « Il existe de nombreuses inégalités d’un arrondissement à l’autre, d’un quartier à l’autre. Ça crée des frustrations qui se manifestent par de la casse ». Ce n’est pas du tout le cas en Chine, par exemple, où la population est plus harmonisée. « C’est pour ça que les nouveaux venus d’Asie ne sont pas du tout adaptés au marché français. Gobee.bike, par exemple, a annoncé se retirer du marché parisien : les vélos étaient hyper légers, peu robustes, et donc faciles à abîmer ». Même son de cloche côté Autolib’, qui n’a pas pris en compte du tout le défi que cela allait représenter. Pour Maureen Houel, ce sont des voitures qui n’ont pas été pensées pour le partage. « C’est vraiment très facile d’ouvrir la porte quand on n’est pas client… Évidemment qu’il faut prendre en compte le vandalisme dans le business plan, mais ce n’est pas censé être un problème majeur ». Pour celle qui a travaillé dans le monde du design pendant 15 ans, il est important d’imaginer des véhicules adaptés, solides, sécurisés. « Tout le monde râlait pour les premiers Vélib’, qui étaient très lourds. Mais finalement, ils étaient plus difficiles à briser ».

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.

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commentaires

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  1. Avatar SA dit :

    1 - Ross Douglas ne connait pas Citymapper
    2- le veritable avantage d'Autolib pour l'usager c'est la place qui est garantie. Un systeme d'autopartage de voitures en free floating où l'usager devrait tourner avant de trouver une place n'aurait aucun interet.
    3- Quelle faillite pour l'admnistration actuelle de Paris

  2. Avatar JB dit :

    Tout à fait d'accord avec le message de "SA" ci-dessus.
    - avec CitymapperLab, l'appli propose des parcours transports en commun + VTC (Uber) ou bien transports en commun + Velib' ou Autolib', etc. Bref, elle intègre déjà tout et continue de s'améliorer.
    - Citymapper est dispo dans 39 villes sur tous les continents.
    - la place de parking garantie et l'option RésaPop si il n'y avait pas de disponibilité étaient les vrais plus du service Autolib'.
    - Je n'ai jamais eu en 3 ans d'utilisation régulière de pneu crevé, de véhicule accidenté, de vitre brisée : la flotte était robuste et entretenue.
    - Quelle faillite en effet pour Paris. J'ai peur du montant que va représenter les travaux sur toutes les stations.

    Qu'il était bien le temps où avec uniquement mon Pass Navigo je pouvais prendre le métro, le RER, un Vélib' ou une Autolib'...

  3. Avatar FA dit :

    Je rejoins SA et JB
    Pouvoir réserver une place dans Paris, quel bonheur. Autolib' c'était tous les avantage du véhicule, sans les inconvénient.
    Place garantie, utilisation adaptée à la ville, pas d'entretien, pas d'assurance...
    Le free-flotting pour les voitures reviendra à tourner des heures pour trouver une place...
    Quel dommage !

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