Pour faire écho au meurtre de George Floyd, Instagram s’est couvert ce mardi 2 juin d’images noires. Et dans le même temps, TikTok est devenu la plateforme où la génération Z forge ses opinions politiques. Le second semestre s'annonce chaud !
Depuis l'affaire Cambridge Analytica, vous pensiez que Facebook et Twitter étaient les seules plateformes à jouer des claquettes sur nos débats politiques ?
Que nenni !
Depuis le Brexit, l'élection de Trump et celle de Bolsonaro, nous nous sommes enrichis de deux nouveaux canaux pour alimenter nos guerres de tranchés idéologiques : cette semaine, Instagram et TikTok sont officiellement entrés dans la danse.
#BlackOutTuesday : le 2 juin 2020, Instagram s’est enflammé pour George Floyd
Peut-être l'avez-vous remarqué : mardi 2 juin, Instagram s’est couvert d'une multitude de photos noires. L’initiative serait partie du compte Twitter @pausetheshow. Créé le 1er juin 2020, on y trouvait un premier hashtag - #TheShowMustBePaused, l'adresse d'un site internet et un manifeste fort explicite :
"En réponse aux meurtres de George Floyd, Breonna Taylor, Ahmaud Arbery et d'innombrables autres citoyens noirs en prise avec la police, #TheShowMustBePaused a été créée par deux femmes noires travaillant dans l’industrie musicale touchée par le racisme et les inégalités qui existent depuis longtemps, dans les salles de réunion comme dans nos rues. Nous ne pourrons plus continuer nos business comme si de rien n’était, et sans tenir compte de ce qui se passe réellement dans la vie des Noirs."
Et de poursuivre...
"L'industrie musicale est une industrie qui pèse plusieurs milliards de dollars. Et c'est une industrie qui a profité principalement de l'art noir. Notre mission est d'interpeler l'industrie dans son ensemble, y compris les grandes sociétés et de leurs partenaires qui bénéficient tous des efforts, des luttes et des succès des Noirs."
Le texte se termine par l'annonce que d'autres manifestations suivront.
Le manifeste a été largement partagé, y compris par un certain nombre de stars. Des dizaines de hashtags ont complété le dispositif. On retrouve ainsi #BlackOutTuesday, #BlackLivesMatter, mais aussi #byanymeansnecessary, #handsupdontshoot, #blackoutday2020, #nojustice, #blacklivesmattertoo, #breonnataylor, #naacp, #endpolicebrutality, #theblackman, #❤️??...
Instagram ne communique pas sur les chiffres de l'ensemble de ces initiatives – mais Visibrain, l’outil de veille des médias sociaux, a confirmé que le seul hashtag #BlackOutTuesday avait déjà obtenu le mardi 2 juin à 11 heures 2 108 338 posts tandis que #ICantBreathe continuait sa progression avec 743 729 publications.
Évidemment, l'agitation sur Instagram reste loin de ce qui se passe sur Twitter où 35 millions de tweets ont déjà été échangés sur George Floyd depuis le 25 mai dernier. À titre de comparaison c’est 35 fois plus que ce qu’avait généré le #Metoo, sur une même période de temps. Quant au hashtag #BlackLivesMatter, il comptabilisait le 2 juin 27 803 392 tweets.
Quoiqu'il en soit, il faut maintenant considérer qu’Instagram n'est plus seulement le réseau du partage de photos d'avocado toasts, ni même celui de comptes militants jouant sur le temps long des débats entre engagés... La plateforme confirme ici qu'elle entre dans la houle des actions de masse capables de se mobiliser autours des drames de l'actualité.
TikTok, la plus grosse influenceuse entre en résistance
Et ce qui est vrai pour Instagram l’est aussi sur TikTok. La plateforme chérie par la Génération Z était connue pour ses concours joyeux et son goût prononcé pour les danses acrobatiques réalisées en jogging et de préférence le nombril à l’air.
Mais ce dimanche 31 mai, les choses ont changé. Charli D'Amelio, la plus grande star de TikTok avec 60 millions de followers au compteur, a posté une vidéo qui faisait directement référence à l'injustice de la mort de Floyd. Elle a déclaré :
"En tant que personne qui a reçu de TikTok le droit d'être une influenceuse, j'ai réalisé que je me dois d'informer les gens sur les inégalités raciales qui sévissent dans le monde en ce moment." Le message a été visionné par près de 54 millions de personnes.
Mais Charli D'Amelio a cru bon de laisser une trace de cet engagement en changeant l'image de son profil. À la place de son joli minois, on voit désormais un cercle noir portant les mots suivants : Black lives matter (la vie des Noirs compte).
@charlidamelio
Certes, cette agitation est moins spectaculaire - et impliquante - que les combats menés dans la rue et sur la scène de l'engagement politique. Mais elle en dit long sur notre sortie de confinement.
1. Les inégalités du monde n'ont pas été aspirées dans un vortex,
2. Les débats qu'elles suscitent s'expriment avec beaucoup de virulence,
3. Le terrain de jeu des réseaux sociaux s'est encore élargi, et leur impact s'est renforcé.
Et dans cette période pré-électorale pour l'Amérique où tous les coups sont permis, la conjugaison de ces trois facteurs ne nous promet pas un second semestre apaisé.
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