Une équipe esport explose de joie après une victoire

Pourquoi l'eSport n'est pas (encore) un sport comme les autres

Avec Mastercard
© adamkaz

Agile, ambitieuse, fougueuse… l’industrie du eSport tente de se structurer et de grandir pour qu’on la regarde avec autant d’amour que le sport. Un défi de taille alors que la porte des JO de 2024 vient de se fermer brutalement sur cette discipline.

L’eSport est peut-être déjà prêt pour les JO, mais les JO ne sont pas encore prêts pour l’eSport. Peu d’équipes nationales, des jeux sous le régime de la propriété intellectuelle, des productions violentes… le président du CIO a récemment justifié sa décision de ne pas intégrer l’eSport au programme des Jeux Olympiques de 2024.   « La violence dans les productions en vogue entre en contradiction avec les valeurs transmises par les JO », a défendu Thomas Bach, fermant la porte à une discipline qui connaît pourtant de plus en plus d’adeptes et brasse de plus en plus d’argent. Mais que manque-t-il à l’eSport pour être aussi crédible que son grand frère ?

 

9,36 milliards d’heures de vidéos visionnées en 2018

L’eSport n’est encore, pour l’instant, qu’une discipline de niche. Mais sa vitalité pourrait vite changer les choses. « C’est un phénomène, le secteur est en croissance et ça prend une place toujours plus importante dans la culture des millennials et de la Gen Z », notait Nathan Lindberg, Senior Director Global Sponsorship Sales de Twitch, lors du Mastercard Innovation Forum, le 14 novembre 2019 à Paris.

Et la principale plateforme de streaming de jeu vidéo peut être optimiste. Selon le cabinet Streamelements, Twitch a enregistré une insolente progression avec 9,36 milliards d’heures de vidéos visionnées en 2018. On parle aujourd’hui d’un marché du eSport mondial de 905 millions de dollars, en hausse de 38 % en 2018. Et les perspectives de croissance des spécialistes du secteur font saliver les investisseurs et les annonceurs avec un marché qui pourrait avoisiner les 1 790 millions de dollars à l’horizon 2022.

 

La France, future championne de l’eSport ?

Et pourtant nous sommes encore très loin des chiffres affichés par le sport dit traditionnel qui, lui, pèserait plus de 800 milliards d’euros dans le monde. Comment accélérer la démocratisation de l’eSport ? Structurer, répondent les défenseurs de la pratique !  À l’instar de Jean-François Martin, adjoint aux Sports de la Ville de Paris qui, malgré son plaidoyer auprès du CIO pour une intégration du eSport, reconnaît un besoin de meilleure codification. L’eSport manque encore de structures nationales et internationales, avec des équipes et des compétitions normées.

Mais ça bouge ! Sensibilisation, clubs de eSport, hôte de la finale des championnats du monde de League of Legends… la capitale française multiplie les initiatives pour devenir l’épicentre européen du eSport. Boulogne-Billancourt va ouvrir début 2020 un centre d’entraînement à l’eSport, destiné aux jeunes et scolaires. Et les écoles et formations en eSport, elles, poussent comme des champignons sur le territoire. Comme le sport, la démocratisation du eSport passera bel et bien par son ancrage territorial et sa professionnalisation.

 

Quelles valeurs pour l’eSport ?

  « Vraiment, le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités » écrivait Albert Camus qui a disparu il y a tout juste 60 ans. Demain, les jeunes feront-ils de leur gaming house des écoles de la vie ? En attendant, la jeune industrie qui souhaite se démocratiser doit montrer patte blanche sur un sujet brûlant.

Qui se rappelle du gamergate qui a secoué la planète du eSport en 2014 ? Une banale affaire d’adultère a révélé l’insupportable sexisme que l’on trouve dans la communauté des gamers. Un milieu sexiste le eSport ? En tout cas il est bel et bien masculin avec 72% de consommateurs d’esport en France. Selon Thomas Versaveau, qui anime la chaîne Youtube Game Spectrum (série documentaire gratuite qui questionne et raconte le secteur), le jeu vidéo aurait été parasité par des imaginaires masculinistes.

 

Place des femmes et facture énergétique

Mais là aussi, des initiatives existent pour faire disparaître harcèlement, intimidation et fétichisation des femmes dans le milieu. Les femmes ont toute leur place dans cette discipline et la chinoise Xiaomeng l’a récemment prouvé en devenant la première femme championne du monde du jeu vidéo Hearthstone. Il faudra probablement de nombreuses victoires comme celles-ci pour offrir des rôles modèles en parallèle d’un travail de sensibilisation. Certains parlent d’un processus qui pourrait porter ses fruits dans 5 à 10 ans. Comme son grand frère, l’eSport doit impérativement s’engager sur l’inclusion pour prétendre à une démocratisation.

 

Sans compter un autre enjeu de taille pour demain : l’impact énergétique de l’eSport. La consommation électrique totale des consoles de jeux pourrait atteindre en 2020 les 700 gigawattheures, soit la consommation électrique totale de la ville de Nice. Bref, l’eSport n’est qu’au début de sa course d’obstacles.

 

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Sarah Sabsibo

Après un master de journalisme à l’IICP, Sarah Sabsibo débute sa carrière dans le développement durable, l’industrie automobile et les mobilités. Elle intègre plus tard La Côte Bleue et travaille sur des sujets liés à l'écologie, la finance solidaire et l’innovation sociale. Elle exercera à la communication du Mouvement des entrepreneurs sociaux avant de rejoindre L’ADN Studio.
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