Quand on pense au monde de la communication et des start-up, on imagine souvent : 1. des parisiens bobos travaillant dans des open spaces 2. des êtres complètement digitalisés. Le premier stéréotype est peut-être vrai, mais le second mérite plus ample réflexion.
À Paris, nous avons tous un ami qui travaille dans le digital. Soyons honnêtes, si tu lis cet article, c’est très probablement que tu es toi-même cet ami. Tu as donc très probablement l’habitude d’expliquer (et de réexpliquer) ton métier à chaque repas de famille. Ce que l’on entend à l’apéro, c’est que ces jeunes personnes dynamiques possèdent trois comptes Instagram, achètent sur Internet, sont inondés de newsletters pro, incollables sur les outils (genre Slack, pas genre tournevis) et à l’aise sous une pluie de notifications incessantes. En bref, que ce soit dans leur vie professionnelle ou personnelle, ils vivent attachés à leurs écrans. Vraiment ?
Verbatims d’une génération hybride...
« Je ne suis plus sur Facebook, et j’ai mis Insta en veille pour quelques mois» ; « J’ai demandé un téléphone pro, perso je suis revenu à mon Samsung Solid de base » ; « Cet été ? Je vise tous les endroits zéro réseau » ; « Je ne travaille plus que 4 jours par semaine, j’ai besoin de longs weekends pour aller faire du surf ».
… entre trop plein et vertige du sens
Il semblerait que les excès de la digitalisation, notamment sur les lieux de travail, renforcent chez tout un nombre de jeunes diplômés un besoin de passer en mode off, de prendre des années sabbatiques et de s’initier aux randonnées dans l’Aubrac. Voire, pour les plus extrêmes d’entre eux, de se reconvertir de manière plus ou moins hasardeuse, mais c’est un autre sujet. Une génération d’êtres hybrides, qui avancent avec leur temps, qui saisissent les enjeux du digital, mais qui, si on leur laissait le choix, opteraient :
- pour des bouquins et des grands espaces, en opposition radicale au trop de tout, de contenu, de notifications, de sollicitations, de stimulations. #burnout
- pour un soutien aux bonnes causes à coups de projets personnels. S’il y a bien une chose qui caractérise les millennials dont font partie ces travailleurs du digital, c’est leur besoin de donner du sens à leurs actions et à leur travail. #purpose
Le digital est acquis. On s’y range, on y trouve sa place, on y trouve de quoi caser ses compétences, on n’y est pas trop mal ! Mais la plupart du temps on rêve de voir l’horizon un peu plus souvent. Et de reconnecter son activité plus systématiquement à quelque chose d’utile, créateur d’énergie positive.
Producteurs et consommateurs du contenu digital ne sont plus les mêmes
Ce constat est surtout intéressant en termes d’impact sur le travail fourni et les contenus produits. Car concrètement, on se retrouve avec le paradoxe suivant : ceux qui produisent votre contenu ne le consomment pas. Ou alors pour des raisons strictement professionnelles. Ceux qui façonnent le digital d’aujourd’hui et de demain sont ceux qui ont déjà appris à s’en méfier et à s’en émanciper. Preuve en est, les plus radicaux sur ce sujet sont ceux qui ont pensé les géants digitaux que sont Google, Facebook et tous les autres.
Il est nécessaire d’intégrer cette émancipation des travailleurs digitaux vis à vis de leur outil de travail lors de la définition de la cible. Cela ne sert à rien de multiplier les contenus vus et revus pour rassurer un client ou une direction marketing : il faut donner du sens et de la pertinence, quitte à faire des choix inattendus et radicaux.
C’est cette exigence qui fait de cette génération de travailleurs digitaux autre chose que des moutons.
Exigence salutaire : le digital gagne à se nourrir d’autre chose que du digital
Cette posture critique face au digital n’empêche pas de faire de la veille, d’utiliser les réseaux sociaux en outil de travail. D’être sensible à des sites intelligents, à des dispositifs bien pensés, à des opérations de communication malignes. Cette posture en demande davantage au travail : que l’on prenne plaisir à l’accomplir, qu’il préserve des espaces de créativités. Surprendre. Penser à l’envers. Prendre le temps de s’ennuyer pour être plus productif. Pour inventer des formats qui visent juste, qui tiennent compte de cette réalité bizarre dans laquelle on vit. Car le digital a besoin de se nourrir d’autre chose que du digital. De neurones oxygénés et de coeurs exposés à des expériences tangibles. Il faut juste re-brancher nos circuits.
Très juste. Head of digital d'une agence de design, je suis coupé des RS et vis en pleine campagne à m'occuper de mon potager le soir et we, donc dans le mille pour ma part !
C'est autant vrai que peu compris de mon entourage professionnel.