Pope Adrian VI

Parier sur un pape "nain", "noir", "trans"… derrière ces paris en crypto, la culture incel de Polymarket

© Pope Adrian VI by Jan van Scorel - Centraal Museum of Utrecht

Alors que l’élection d’un nouveau pape s’annonce, sur Polymarket, où l’on parie en crypto, des spéculations grotesques jouent du blasphème pour monétiser l’attention.

Qui gagnera la course à la papauté parmi les 135 cardinaux éligibles ? C’est la question à plusieurs millions de dollars. Si certains se (re)découvrent une passion pour le film Conclave (qui cartonne), d’autres misent de l’argent sur les véritables tractations qui agitent le Saint-Siège.

Immoraux pour l’Église, les paris d’argent sur le futur pape existent depuis au moins quatre siècles. Mais cette fois, l’équation est inédite : une élection imprévisible, des prétendants de tous les continents et une plateforme crypto prête à transformer ce rituel religieux en événement hautement spéculatif.

Quand le conclave se joue en crypto

Si le Vatican s’était déjà essayé aux NFT, il y a peu de chances que les paris en crypto sur le prochain pape reçoivent sa bénédiction. C’est pourtant l’offre de Polymarket. Ce site de “marché prédictif” veut être un oracle collectif, dopé au jeu d’argent. La plateforme permet de miser aussi bien sur la météo, le cinéma ou la politique… à condition de le faire en cryptomonnaie.

Profitant de la mort du pape pour se faire un billet, Polymarket se targue d’être devenu « le plus grand marché prédictif de l’histoire des papes ». Ici, les courbes de probabilité ont valeur de signes divins : « La vérité n’est pas délivrée par un nuage de fumée blanche, mais par un pic de liquidité sur Polymarket », s’enthousiasme un trader, sur X. Les cotes s’affinent en temps réel, comme on suivrait une course de chevaux. En tête : le cardinal Pietro Parolin (22 % de chances), Luis Antonio Tagle (19 %) ou encore Peter Turkson (15 %).

En tout, Polymarket enregistre 12 millions de dollars misés sur la question centrale : « Qui sera le prochain pape ? ». Autour de ce pari principal, 3,5 millions sont joués sur des sous-marchés : Combien de tours durera l’élection ? Le nouveau pape aura-t-il plus de 70 ans ? Mais d’autres, plus baroques, interrogent.

Pape Nain, noir, trans… la culture incel de Polymarket

Car derrière sa façade ludique, Polymarket agite surtout la provocation comme levier d’attention : “pape noir”, “pape trans” “pape gay” — autant de propositions exotiques qui flirtent avec l’humour de forum pour choquer… et attirer les parieurs. 

On peut ainsi parier sur la probabilité que le pape soit un manlet, soit un homme trop petit pour être un “vrai homme”, mais trop grand pour être un nain, selon le folklore incel. « Arrêtez de propager ces bêtises. C'est hilarant, mais agaçant », commente Bertapotamous, trader qui a misé 980 dollars sur le cardinal Peter Tuckson, parmi les 17 000 dollars de paris qu’il détient sur la plateforme.

Avec sa ligne éditoriale qui rappelle celle du forum 4chan, Polymarket reprend ainsi les obsessions malsaines des trolls. Et semble avoir une cible bien précise en tête : les jeunes adultes amateurs de cryptos, qui ne s’embarrassent pas de questions morales. Car ces propositions de paris loufoques, accompagnées d’images caricaturales de pape queer, trahissent un certain mépris de la communauté LGBT, voire une transphobie assumée de la part de la plateforme. Tout ce qui est un peu woke devient ainsi une punchline à traduire en pari.

« Sacrifier votre argent et votre âme en un clic »

À 27 ans, Shayne Coplan, le CEO de la plateforme, s’amuse des polémiques qu’il génère. Et assume une communication à la limite de la décence. « Grâce au pouvoir de la blockchain, vous pouvez sacrifier votre argent et votre âme en un clic », fanfaronne Polymarket dans sa newsletter. Chez les fidèles comme chez les non-croyants, cette attitude scandalise. « Dieu vous jugera dans l’au-delà pour avoir capitalisé sur la mort de ses serviteurs », menace un chrétien. « Plus personne n’a de dignité ou de morale ? Plus rien n’est donc sacré ? », s’indigne un autre.

Le prochain Habemus papam fera sans doute le bonheur de quelques parieurs. Mais surtout celui de ces bookmakers sans scrupule. « Ceci n’est pas un conseil spirituel », nous prévient la plateforme. On avait compris, merci.

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