Peter Thiel sur des tonnes de billets dans un hangar avecd es silhouettes mystérieuses

Peter Thiel persiste : il invite toujours à renoncer à l'université en échange de 100 000$

© DJR via Dreamstudio

Depuis 2011, le fondateur de PayPal diplômé de Stanford propose aux étudiants d'abandonner leurs études pour développer leur potentiel hors des sentiers trop « woke » des universités.

L'initiative du milliardaire n'a pas toujours été bien accueillie. À ses débuts, Lawrence Summers, ancien président de l’Université Harvard, a par exemple qualifié l'offre de « philanthropie la plus mal orientée de cette décennie », rappelle The Wall Street Journal. À ce jour, le milliardaire libertarien, soutien de Donald Trump, a pourtant déjà octroyé de l'argent au travers de son programme à 271 étudiants. Parmi eux : Vitalik Buterin, cofondateur d'Ethereum, Laura Deming, célèbre investisseuse dans la longévité, ou encore Austin Russell, qui dirige la société Luminar Technologies. Dans les prochaines semaines, le fondateur de Palantir annoncera les noms de la vingtaine de nouveaux boursiers qui prévoit de lancer des entreprises dans les domaines en vogue du moment, comme l’intelligence artificielle et les cryptomonnaies. Avec le temps, Peter et son équipe ont appris de leurs erreurs. Plus question de miser sur les profils d'étudiants désireux de s'adonner à des projets jugés farfelus, comme l'exploitation minière des astéroïdes. Toutefois, les motivations intrinsèques du milliardaire n'ont pas changé.

100 000 dollars, ou l'école de la vie en somme

Avec son programme, Peter Thiel entend combattre deux idées : les études universitaires sont nécessaires aux étudiants, et les Ivy League, les huit universités privées du nord-est des États-Unis, doivent bénéficier d'une admiration indéfectible confinant à la vénération. Depuis que les premiers 100 000 dollars ont été distribués, l'opinion publique a muté, ralliant peu à peu la position du chantre du capitalisme détracteur de l’État. Plusieurs facteurs ont contribué à stimuler ce changement. Tout d'abord, le taux d'endettement des étudiants, ressenti de plus en plus durement dans un contexte de stagnation des salaires et d'inflation aiguë. Ensuite, le fait que l'obtention d'un diplôme universitaire ne garantit plus l'accès à un emploi correctement payé. Enfin, les récentes critiques émises à l'encontre des universités les plus prestigieuses du pays pour leur mauvaise gestion de l'antisémitisme sur les campus et le maintien de ce que les critiques considèrent comme « un double standard en matière de liberté d’expression. » Alors que le milliardaire primo investisseur de Facebook, OpenAI et DeepMind avait annoncé envisager la suppression du programme, Peter Thiel décide finalement de redoubler d'efforts. En cause : des campus « trop woke » et « corrompus » pour l'adepte du darwinisme social et des écrits d'Aynd Rand ; pas « assez méritocratiques » et « impossibles à réparer de l'intérieur » pour l'héritier fils de propriétaires miniers.

Pas de salut pour les Ivy League

Ainsi, le milliardaire aux très sonores velléités intellectuelles ne souhaite pas tenter de construire un meilleur système éducatif. « Nous ne pensons pas que les systèmes éducatifs fonctionnent, mais cela ne signifie pas que nous disposons d’une meilleure méthode d’éducation. Nous nous sommes donc efforcés d’identifier les talents et de les laisser se débrouiller », explique Peter Thiel. Au-delà de l'enveloppe et des coordonnées des autres boursiers, le programme du milliardaire ne propose pas d'autres formes d'accompagnement. Notons aussi qu'à l'instar de Boyan Slat, directeur général de The Ocean Cleanup, une ONG basée aux Pays-Bas qui développe des technologies pour éliminer le plastique des océans, certains boursiers admettent que le programme du milliardaire californien n'est pas pour tout le monde. « L'université représente un investissement important, mais pour de nombreuses personnes, c'est la bonne voie », explique l'entrepreneur. « La société a besoin d’ingénieurs et de scientifiques qualifiés (...) vous ne voulez pas 150 copies de moi. » In fine, près d'un quart des boursiers est finalement retourné à l’université pour terminer ses études.

L'homme est un loup et la fin du monde est proche

Peu importe, celui que l'essayiste Charlie Tyson qualifie dans le dernier numéro de la revue Tèque de « faux rebelle et escroc mégalomane » voit sa popularité croître parmi les cryptobros et autres aficionados de la tech. Prompt à cultiver une aura de pionnier et de maverick (esprit libre) antisystème, Peter Thiel incarne selon Charlie Tyso « le pouvoir des capital-risqueurs qui se positionnent contre la bureaucratie étatique, mais aussi contre celle des grandes entreprises classiques. » Et ce n'est pas tout. Il évoque aussi « The Straussian Moment », l'un des essais les moins connus de Peter Thiel, dans lequel l'Apocalypse tient une place centrale et où le milliardaire aux tendances accélérationnistes rejette la démocratie et les Lumières. « Le sens de la vie exprimé ici est pessimiste et anti-égalitaire. Thiel estime que l'ère moderne est toujours sur le point de basculer dans un torrent de violence. Un tel effondrement social généralisé viendrait prouver que les idées sur les conventions sociales et le potentiel de bonté de l'humanité ne sont que des fictions depuis le début », résume Tèque.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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