
Selon une étude, les moins de 40 ans ont une vision plus négative à l'égard du capitalisme que les plus âgés. De plus en plus contesté, comment notre système économique peut-il évoluer ?
« Le capitalisme est à la croisée des chemins existentiels, et trouver comment le faire mieux fonctionner pour plus d'équité, nécessitera une coopération ciblée de la part des dirigeants d’entreprises et des décideurs politiques du monde entier », avance l'enquête Future of Capitalism* de Fast Company. Okay, mais comment ?
Plus de participation pour favoriser l'équité
Quelque 42 % des 40 ans et plus auraient une vision « positive » du capitalisme, contre seulement 24 % des moins de 40 ans. À l’inverse, les jeunes sont plus susceptibles d’exprimer une opinion négative (47 % d'entre eux) que les 40 ans et plus (30 %). Le capitalisme est-il perfectible ? Interrogés sur le « capitalisme des parties prenantes » (défini dans l'enquête comme un système dans lequel les entreprises cherchent à servir les intérêts des employés, des clients, des fournisseurs et des communautés locales, au lieu de simplement maximiser les profits des actionnaires), les avis des participants sont légèrement plus positifs : 41 % le perçoivent favorablement, contre 15 % négativement. Mais pour 72 % des répondants, c'est le « capitalisme participatif » (système économique dans lequel les décisions des entreprises profitent à tous les individus et à la planète) qui serait le plus désirable.
Un résultat à rebours des critiques émises contre cette dernière forme de capitalisme par des investisseurs qui estiment qu’il pénalise injustement certaines industries. Vivek Ramaswamy, ex-candidat républicain à la présidentielle, s'en était pris à ce que certains conservateurs qualifient de « capitalisme éveillé » (capitalisme woke) l’une des pierres angulaires de sa courte campagne présidentielle. Elon Musk n'avait – quant à lui – pas hésité à qualifier les critères ESG d' « arnaque », après que Tesla a été exclu de l’indice boursier S&P 500 ESG, pour des affaires de discrimination raciale notamment. « La note ESG dépend de la façon dont une entreprise se conforme à l’agenda de gauche », avait-il affirmé sur X (ex-Twitter).
Quelle est la plus grande menace pour le capitalisme ?
Parmi les sujets le plus souvent évoqués par les répondants : la politique d'extrême gauche, la DEI (Diversité, équité et inclusion), les médias, l'intelligence artificielle, les gouvernements et la cupidité. Pour une partie d'entre eux, c'est le capitalisme lui-même qui est le problème. L’inégalité des revenus, mentionnée par 13 % des interrogés, est également citée comme un problème connexe qui pourrait devenir une menace potentielle pour le capitalisme. Rien de surprenant selon Soulaima Gourani, cofondatrice de la société de logiciels Happioh : « Les inquiétudes concernant l’écart de richesses se reflétaient dans d’autres sondages, et à juste titre. » Elle cite les données du World Inequality Report 2022, qui révèle que plus de la moitié des revenus mondiaux sont captés par les 10 % des salariés les plus riches. « Il y a un appel à remodeler les cadres économiques pour favoriser l'équité et les opportunités pour divers horizons. Pour citer le lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz, "Nous devons réécrire les règles de l'économie pour la rendre plus juste" », ajoute-t-elle.
Qu'en pensent les chefs d'entreprise ?
Les chefs d'entreprise, ainsi qu'une bonne partie des super riches présents à Davos, se sont vus présenter les résultats de l'enquête lors d'une table ronde organisée par Fast Company. Ont-ils été surpris ? Pas vraiment, à l'image de Soulaima Gourani : « Le scepticisme croissant à l'égard du capitalisme traditionnel résonne profondément en moi en tant que femme de couleur et fondatrice de technologie aux racines dano-africaines vivant et travaillant dans la Silicon Valley. Il s'agit d'une crise plus large au sein du capitalisme, particulièrement évidente dans le secteur technologique où les considérations éthiques et morales entrent souvent en conflit avec l'innovation incessante. » De son côté, Nigel Vaz, PDG du cabinet de conseil numérique Publicis Sapient, plaide pour une vision plus globale du capitalisme qui serait en outre bénéfique pour les résultats des entreprises. « Aujourd'hui, les entreprises se concentrent de plus en plus sur la façon dont elles créent de la valeur pour leurs clients, et ces derniers se demandent également comment les entreprises contribuent à la société. Pour les chefs d'entreprise, établir le lien entre ces deux idées est essentiel pour créer un sentiment commun. »
Quel est l'avenir du capitalisme ?
Selon Rima Qureshi, directrice de la stratégie de Verizon et vice-présidente de l'Edison Alliance, la transformation du capitalisme passe par la confiance : « Il peut y avoir une peur ou une méfiance à l'égard du capitalisme, mais je pense qu'une partie de cette méfiance, et la façon dont nous atténuons une partie de cette méfiance, consiste à créer la confiance, la crédibilité et l'ouverture. » Un avis partagé par Anthony Tan, cofondateur de Grab, pour qui les entreprises doivent davantage communiquer sur la manière dont elles parviennent à résoudre efficacement les problèmes. « C'est particulièrement important pour atteindre les jeunes générations, qu'il s'agisse d'employés ou de clients, qui sont de "grands chercheurs de vérité " et qui veulent des informations claires, directes et honnêtes », a-t-il déclaré. Une adaptation au changement incontournable, selon Florian Hoffman, fondateur de The DO School, pour qui la question de la valeur est la clé : « Je pense que ce qui va vraiment changer et doit changer, c'est la question de savoir ce qu'est une entreprise de valeur. Comment parle-t-on de valeur quand on parle d’une entreprise ? Nous devons reconnaître qu’il n’existe plus d’histoire et de récit communs sur ce à quoi ressemblera le bien à l’avenir, et ce que signifie le capitalisme. »
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