Zuckerberg en interview chez Lex Fridman sous forme d'avatar

Non, désolée, Mark Zuckerberg n’a pas complètement abandonné le métavers

Lors d'une interview avec le podcasteur Lex Fridman, le PDG de Meta a présenté une technologie permettant de créer un avatar très réaliste. Pour quoi faire ? Des réunions à distance dans un monde virtuel, bien entendu. 

Sur scène lors de l'évènement Meta Connect le 27 septembre, Mark Zuckerberg a pris soin d’éviter le sujet du métavers, devenu un terme marketing ringard en l'espace de quelques mois. Le PDG a choisi une scénographie très nature. Il était entouré d’arbres et de pelouse comme pour nous signaler son retour à la vie réelle. Welcome back Mark. Mais il a eu plus de mal à éviter son sujet favori lors d’une interview donnée au podcasteur Lex Fridman, diffusée le 28 septembre (et déjà vu 8 millions de fois). Pendant une heure, tous deux ont discuté, équipés de casques MetaQuest Pro, afin d’apparaître sous la forme d’avatars hyperréalistes, très loin des avatars cartoonesques présentés il y a deux ans par Meta

Cette conversation assez infernale est l’occasion pour le dirigeant de faire la démonstration d'une technologie encore en phase de recherche (déjà présentée en 2022) : Codec Avatar. Une technique qui consiste à scanner le corps, le visage et les différentes expressions d’une personne pour modéliser son clone numérique. Ensuite, grâce aux capteurs présents dans un casque de réalité virtuelle au niveau de la bouche et des yeux notamment, l’avatar hyperréaliste s’anime et change d’expression en temps réel. 

Un avatar pour que Mark Zuckerberg soit plus expressif et toujours bien rasé

« Mark et moi sommes à des centaines de miles l’un de l’autre, mais nous avons l’impression d’être dans la même pièce », nous assure Lex Fridman, visiblement bouleversé par l’expérience, en introduction de l’interview. À plusieurs reprises, le podcasteur qualifie la technologie de « géniale », « vraiment vraiment incroyable », « fondamentalement nouvelle », une « nouvelle façon de voir le monde ». Elle préfigure selon lui « le futur de nos interactions avec les autres ». En face on trouve un Mark Zuckerberg, acquiesçant lentement tout en semblant jubiler (c’est en tout cas ce que laisse penser son avatar). Ce dernier précise d’ailleurs qu’avec cette technologie il sera possible de choisir le degré d’expression que l’on souhaite donner à son avatar. « On me reproche assez souvent d’être rigide, (...) donc je pourrais paramétrer mon avatar pour qu’il exprime mieux mes émotions, mieux que ce que je peux faire physiquement. » Il y voit aussi un moyen de ne pas avoir à se raser un matin, puisque son avatar le sera toujours, lui. 

Mark Zuckerberg ne se confie pas à n’importe qui. Lex Fridman, scientifique peu reconnu par ses pairs mais devenu star des réseaux, est un habitué des figures de la tech. Elon Musk, Sam Altman (OpenAI), Vitalik Buterin (Ethereum) ou encore l’investisseur Marc Andreessen sont déjà passés dans son émission. Business Insider, qui définit son podcast comme le « safe space » des anti-woke, explique que l’intervieweur n’hésite pas à tendre le micro à des personnalités publiques dont les thèses frôlent parfois le climatoscepticisme et le complotisme. Il a notamment interviewé Ye (Kanye West) suite à la publication d'un tweet antisémite et le podcasteur controversé Joe Roegan. Il envisage aussi d’inviter Andrew Tate (masculiniste notoire qui influence les plus jeunes), et n’hésite pas à dire qu’il aurait de l’empathie pour Hitler. 

Il recommence avec ses réunions virtuelles

C’est donc au micro de cette personne que le patron de Meta a décidé de développer sa vision du futur. Celle-ci ne s’est pas réellement détachée de son idée initiale du métavers. Les applications qu'il envisage sont les mêmes qu'il y a deux ans. Reconnaissant qu’utiliser un avatar très détaillé pour une simple conversation alors qu’un appel vidéo aurait suffi n’est pas forcément le plus intéressant, il énumère d’autres cas d’usage : jouer à des jeux et… se rendre à des réunions virtuelles. C’étaient déjà les usages cités fin 2021. La différence, selon lui, c’est que le degré de réalisme permis par Codec Avatar permettra au public de mieux accepter la technologie. « Je pense qu’une fois que les gens seront habitués à interagir avec des avatars très réalistes, ils auront envie d’exprimer autre chose à travers la version numérique d'eux-mêmes. »

Lex Fridman imagine, quant à lui, vivre des expériences d’amitié « haute qualité » – siroter une bière sur une plage avec l’avatar très réaliste d’un ami qui n’est pas présent – ou bien parler aux morts. Sur cette dernière proposition, Zuckerberg semble moins convaincu, estimant que cela pourrait devenir « malsain ». En revanche, il pense ajouter une couche d’intelligence artificielle à ces avatars réalistes afin de permettre à des célébrités de créer un clone d'eux-mêmes, et ainsi interagir avec leurs fans. 

Le patron de Facebook ne s’éloigne donc pas tellement de la création d’un monde où nous porterions tous et toutes un casque de réalité virtuelle (ou au moins des lunettes, celles que Meta compte lancer en collaboration avec Rayban par exemple). Même s’il met aujourd'hui davantage l’accent sur une imbrication avec le monde physique, comme pour nous rappeler qu'il ne l'oublie pas complètement. « Nous allons vers un monde dans lequel nous porterons des lunettes pour voir le monde physique, mais aussi des hologrammes. (...) Beaucoup de gens considèrent que le monde physique est la réalité. Pour moi le monde réel est la combinaison des mondes numériques et physiques. Aujourd’hui les écrans distinguent ces deux mondes, mais ce que ces nouvelles technologies vont permettre (avatars réalistes, lunettes de réalité mixte) c’est de les assembler dans une expérience cohérente et unique de ce qu’est le monde réel aujourd’hui. »

Ces avatars très réalistes sont encore loin d’être accessibles au grand public (le procédé de scan est assez fastidieux) mais ils devraient être lancés d’ici quelques années, espère le PDG de Meta. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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