
Et la vedette d’un dessin animé que deux générations prennent réellement plaisir à regarder.
Bandit danse dans la queue du supermarché sous le regard amusé de ses deux filles. Il se laisse maquiller sans trop broncher, se met dans la peau de divers personnages pour faire partie de leurs jeux. Il le fait, parfois avec un air légèrement blasé, mais il le fait quand même. Bref Bandit est le papa idéal des années 2020 : il est impliqué. Mais il n’est pas trop parfait non plus, il fait des erreurs. Bandit est un bouvier australien. Il n’existe que dans le dessin animé Bluey, australien lui aussi, récompensé aux Emmy Awards. Cette série disponible sur Disney+ met en scène une enfant chien, Bluey Heeler, et sa famille. Et Bandit Heeler est devenu une sorte de mascotte pour les pères d’aujourd’hui.
Mieux que Papa Pig, le sexiste, et papa Trotro, le relou
Ce papa chien vient après une longue lignée de pères de dessins animés plutôt décevants. Papa Pig (paternel du petit cochon Peppa Pig) est fainéant et inutile, alors que Maman Pig s’affaire autour de lui. Il accumule les clichés sexistes – il s’offusque de voir son t-shirt de foot devenu rose après un passage en machine, par exemple. Homer Simpson est alcoolique et étrangle son fils à l’occasion. Le père de l'âne Trotro est attentionné, mais plutôt boring bien que son fils soit « trop trop rigolo ». Bandit, lui, trouve toujours le temps pour jouer avec ses enfants, même si c’est parfois en soupirant un peu et en levant les yeux aux ciels.
En 2019, trois docteurs en psychologie consacraient un article au dessin animé dans The Conversation. Ils y vantaient les mérites de la parentalité selon les parents de Bluey. Car oui, la mère, Chilli Heeler est super aussi, mais bizarrement on la remarque moins. Au-delà du jeu (dont l’importance est primordiale pour les enfants pointent les psychologues), tous deux savent écouter les émotions de leurs filles, et les laissent affronter les conséquences de la vie, détaillent les auteurs.
Pour certains pères, Bandit est donc devenu un role-model, suscitant un engouement surprenant. Un groupe Facebook à son effigie rassemble plus de 60 000 pères s’échangeant des mèmes et conseils de parentalité inspirés de Bandit. Dans les colonnes de Business Insider, George Watkins, un entrepreneur texan et père de famille développe sa passion pour le dessin animé : « En tant que père quarantenaire occupé, Bandit m’a appris à jouer et à redevenir un enfant. Il m’a appris à me connecter à ma fille d’une façon nouvelle. » Dans le podcast « Two Bandits watching Bluey », Greg and Miek, deux pères de famille, débriefent chaque nouvel épisode du dessin animé avec un ton bien trop enthousiaste pour deux adultes commentant en détail les aventures de petits chiens.
Les références des papas 2023 : CBD, hip-hop et... Bluey
Consécration : récemment, Le New York Times citait Bandit comme faisant partie des références communes des pères d’aujourd’hui (disons de 30 à 50 ans), aux côtés d’une collection de vinyles de hip-hop, d’un joint de CBD et d’un certain goût pour scroller aux toilettes. Le quotidien américain juge que le personnage est « une représentation nuancée de la paternité moderne et responsable ».
Comme toute égérie, Bandit a ses détracteurs. Dans une chronique pour le New York Magazine, le journaliste Ellis Rosen avoue son agacement pour le personnage. Notamment quand sa fille lui demande de faire comme s’il était le père de Bluey. « En fin de compte, je n'ai tout simplement pas la largeur de bande nécessaire pour prétendre être un robot, un pirate ou l'un des millions de rôles auxquels Bandit peut se consacrer pleinement, écrit-il. Je suis désolé de ne pas avoir une équipe d’auteurs qui s'assure que tout ce que je dis est charmant et plein d'esprit, ou un virtuose de la musique qui compose des mélodies magnifiques pour rehausser chaque moment merveilleux de ma vie. Je suppose qu'il vous faudra accepter le fait que je suis un père irritable et imparfait qui laisse ses enfants utiliser trop souvent le téléphone. »
Modèle ou non, le dessin animé réalise un autre exploit : celui de pouvoir être regardé par les parents et les enfants avec un réel plaisir. Et c’était l’intention du réalisateur, Joe Brummer. Il explique au Guardian vouloir susciter un « co-visionnage authentique où deux générations ne rient pas l’une de l’autre, mais observent comment chaque génération se perçoit mutuellement ».
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