femme tirant son mait dans son bureau

Le travail s’intensifie, le rôle parental aussi, et 77 % des parents galèrent

Être parent, se demander comment l’être, tout en aménageant sa vie professionnelle avec plus ou moins de flexibilité… Une étude de The Boson Project se penche sur le dur labeur des parents-travailleurs en France. 

La routine du matin, puis celle du soir. Les nuits trop courtes. Les rendez-vous chez le pédiatre. Les incessantes kermesses de juin. Les interrogations sur la bonne façon d’être parents. Tout cela combiné à une vie professionnelle elle aussi chargée. Être parent et travailleur aujourd’hui donne lieu à des souffrances et des frustrations, mais celles-ci sont assez peu chiffrées. C’est de ce constat qu’est parti The Boson Project.

Ce cabinet de conseil spécialiste de l’engagement au travail a mené une enquête aux côtés de YouGov, 123 Kids et The Helpr. Près de 1 000 parents et une vingtaine de directeurs des ressources humaines ont été sondés. Résultat : 77 % des parents affirment que c’est un défi au quotidien de concilier les deux. Ils utilisent des termes comme « parcours du combattant », « jeu d’équilibriste ». Beaucoup ont le sentiment de ne jamais être à leur place au bon moment, note Jana Horakova, consultante en transformation pour The Boson Project et coautrice de l’étude. Pour s’adapter, 61 % disent travailler en dehors des horaires. 

Est-ce vraiment pire aujourd’hui ? 

Mais c’était déjà le cas avant, non ? Oui, mais cela s’est complexifié, estiment les autrices de l'enquête. « De nombreux chiffres et études rapportent une intensification du travail professionnel ces dernières années », précise Rose Ollivier, directrice de l’Observatoire de The Boson Project. Effectivement, 60 % des travailleurs déclarent que leur charge de travail a augmenté ces 5 dernières années selon une étude de l’Institut Montaigne de 2023. Selon l'Insee et Eurostat, la population des « gros travailleurs » (désignant ceux qui travaillent plus de 49h par semaine) ne cesse d’augmenter en France, la plaçant au-dessus de la moyenne européenne.  

D’autre part, le travail parental s’est lui aussi intensifié. Des recherches en neurosciences ont souligné l’importance des premiers âges de la vie sur le développement du cerveau, amplifiant la pression mise sur les parents. Avec la progression des divorces, le couple est plus instable qu’auparavant. Sans compter qu’en plus d’être parent, il faut se demander comment l’être. « Il n’y a aucun modèle dominant qui ressort vraiment, donc cela suscite beaucoup d’interrogations », explique l’autrice. En témoignent les dernières polémiques autour de l’éducation positive.

Ce sentiment de vivre un défi quotidien concerne tous les âges, et toutes les catégories socio-professionnelles. Mais toutes ne s’adaptent pas au phénomène de la même façon. Sans grande surprise, l’étude note un ressenti et des stratégies différentes pour les femmes, qui demeurent majoritairement en charge des responsabilités parentales malgré la naissance d’une « nouvelle génération de père », dixit l’étude. Interrogées sur leur plus grande difficulté rencontrée, les femmes élisent en premier « trouver du temps pour moi / souffler », suivi de « la gestion de la logistique à la maison ». De leur côté, les hommes relèvent moins ces difficultés. Pour eux, le plus dur est « de se rendre disponibles pour leurs enfants ». « On remarque que ce sont les femmes qui souvent sont les plus enclines à réduire leur temps de travail pour arriver à concilier enfants et vie pro », note Jana Horakova, Consultante en Transformation pour The Boson Project. En effet, 25 % d’entre elles disent avoir réduit leurs horaires pour aménager leur quotidien, contre 11 % des hommes. 

Les millennials en souffrance, les Z prêts à se reconvertir pour plus de facilité

Les cadres, qui bénéficient d’une plus grande flexibilité, parviennent à s’en sortir en jouant sur leurs horaires. Ils sont 81 % à travailler hors de leurs horaires contractuels, tôt le matin ou tard le soir. 

Les parents millennials sont ceux le plus en souffrance. Ils sont le plus souvent parents de jeunes enfants (entre 1 et 4 ans), ce qui donne lieu à un sentiment de difficulté accru. Par ailleurs, « beaucoup d’attentes en France se situent entre 30 et 40 ans, qu'il s'agisse de faire carrière ou d’avoir des enfants », remarque Jana Horakova. La génération Y est aussi celle qui déclare le plus que le travail a moins d’importance dans leur vie, depuis leur parentalité. 

La catégorie des jeunes parents (entre 18 et 24 ans) formule des réponses beaucoup plus radicales face aux difficultés. Pour pouvoir mieux concilier vie pro et perso, ils n’hésitent pas à déménager pour se rapprocher d’un moyen de garde, à changer d’employeur ou à se reconvertir. Quand leurs aînés (les 30-40 ans) jouent surtout sur leurs horaires.  « C’est un signal faible car nous n’avons eu que peu de répondants pour cette catégorie, qui mériterait d’être creusé. »

En finir (enfin) avec la culture du présentéisme

Une large majorité (69 %) des sondés déclare être satisfaite de la manière dont ils vivent leur parentalité en entreprise. « Cela peut paraître élevé par rapport aux difficultés ressenties. C’est en partie parce qu’ils estiment que le sujet est individuel, mais aussi parce que les entreprises mettent en place certains dispositifs », estime Flore Villemot, DRH et consultante pour The Boson Project. Ce ressenti varie par ailleurs beaucoup d’un secteur à l’autre. La banque/finance et les télécoms/tech sont les secteurs où la parentalité est le mieux vécue. Ce sont des secteurs où non seulement les salaires sont élevés, mais où les avantages (primes etc.) sont nombreux. Le domaine de la santé/médical arrive en dernière position : cela concerne principalement des femmes et des CSP –, qui bénéficient de peu de flexibilité tout en devant composer avec des horaires de travail élargis et des rémunérations parfois basses. 

Dans les plus petites entreprises, les parents semblent mieux s’en sortir : 79 % des salariés des entreprises de moins de 10 personnes expliquent que leur organisation leur permet de vivre une parentalité dans de bonnes conditions, contre 66,5 % dans les sociétés de plus de 1000 salariés. Pourquoi ? Les arrangements se font à l’amiable de manière plus flexible, estime Flore Villemot.

Les entreprises peuvent répondre de deux manières face aux contraintes parentales de leur salarié. D’abord, en proposant des avantages. « La petite enfance est la période la mieux prise en charge (place en crèches d’entreprises, coaching pour reconversion…), mais il y a aujourd’hui une tendance à accompagner les parents quand leur enfant grandit, avec de l’aide financière pour des activités, du coaching scolaire », explique Flore Villemot. (À noter : 51 % des personnes interrogées répondent ne pas être suffisamment au courant de ces dispositifs.)

Tu as le droit d’être parent, mais continue d’être efficace, merci

Ensuite, jouer sur la culture d’entreprise. Cela passe par combattre la culture du présentéisme, en permettant à chacun d’être flexible dans l’organisation de sa journée. Pour les professions où le télétravail est impossible, la solution peut être d’instaurer une semaine de 4 jours, suggère le rapport. « Il faut aussi que les entreprises commencent à rendre visible le travail parental », estime Flore Villemot. Trop souvent, une fois le retour de congé parental passé, les managers n’y prêtent plus tellement attention. Un des répondants résume bien la situation : « La règle, c’est qu’on a le droit de s’organiser comme on le veut à la condition que l’on continue à être performant et de bien faire son travail. C’est là que réside le piège. Car oui, on part à 17h chercher ses enfants, mais la contrepartie de la performance c’est de retravailler systématiquement le soir. »

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Notre époque essentiellement basée sur la consommation et le "paraitre" est désastreuse pour nos enfants dont parait'il on n'a plus le temps de s'occuper et qui "s’épanouissent" devant leur téléphone ou PC devant des jeux le plus souvent de tuerie ou de possession .
    Pour consommer et paraitre il faut de l'argent et donc travailler et si le salaire du pére ne suffit pas il faut dans ce contexte que la mère travaille .
    En conséquence plus de demandeurs d'emploi , des salaires moins élevés .
    Je suis pour l’égalité homme /femme mais une mère est une mère elle a donné la vie et est certainement plus a même d’élever son enfant que le géniteur .Ne parle t'on pas d'instinct maternel ?
    Une maman doit pouvoir élever et éduquer ses enfants et y consacrer tout le temps nécessaire et il en faut.
    Faut'il que le salaire de son mari soit suffisant pour permettre une vie descente.
    Si les maman restaient chez elle pour éduquer leurs enfants , il y aurait moins de demandeurs d'emploi , les salaires augmenteraient et les enfants seraient les premiers bénéficiaires.

  2. Avatar Anonyme dit :

    C'est l'ADN des problemes sociaux actuels,les jeunes générations sont pretes à tout pour leurs carrieres professionnelles en sacrifiant la vie familiale ,ne plus faire d'enfants pour préserver leur liberté
    Il y a plus de 45 % de divorces ,des familles décomposées et recomposées donc autant d'enfants livrés à eux memes vivants en marge de la société et dans la délinquance

  3. Avatar Anonyme dit :

    Vous avez raison : que les femmes continuent à travailler gratuitement au sein du foyer et qu'elles continuent à être pénalisées dans leurs carrières et pour leur retraite!
    Après tout elles ont décidé d'avoir des enfants (seules ???), qu'elles les assument !!

    Sinon, les charges peuvent aussi être réparties au sein du couple et chacun peut lever le pied pour être plus présents pour les élever

  4. Avatar Anonyme dit :

    Intéressant comme article 🙂 Personnellement je prône la glandouille au travail quand les aménagements horaires avec révision de la charge de travail afférente n'est pas réelle. Je suis un homme et j'ai décidé de travaillé 4 jours/semaine (payé) pour pouvoir garder mon fils le mercredi et passer du temps avec lui (travail non payé). Je pense comme la personne plus haut qu'il faudrait mieux partager le temps de travail pour que chacun (père et mère) puisse s'occuper de ses enfants. Plutot qu'un pere qui travaille avec un bon salaire autant avec un père et une mère qui travaillent à temps partiel ça revient au même et c'est moins sexiste.

  5. Avatar Anonyme dit :

    Parler d'instinct maternel en 2023 est vraiment d'un autre temps... Heureusement ces pensées passéistes disparaissent petit à petit... Laissez nous être des femmes libres de nos choix, travailler ou non, faire des enfants ou non. Merci !

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