une banane sur laquelle on verse une substance visqueuse

Du kink au clic : comment l’esthétique porno a envahi Internet

© Deon Black

Les créateurs de vidéos virales incluent de plus en plus de codes visuels et narratifs qui viennent de la pornographie. L’objectif ? S’appuyer sur nos envies et nos dégoûts pour nous faire cliquer.

Du cheddar dégoulinant sur un plat hypercalorique, un pied de femme moulée dans de la cire chaude, des contenus odly satisfying ou ASMR dans lesquels on entend le caméraman pousser des encouragements langoureux… Sur Facebook, YouTube ou TikTok, il semble dorénavant impossible d’échapper à ces contenus qui empruntent les codes narratifs et visuels du fétichisme et du porno. La tiktokeuse américaine Lena Rae s'est fait une spécialité dans l’analyse de ce type de vidéos. Ses followers lui envoient des vidéos trouvées sur les réseaux qu'elle passe au détecteur de sa grille de lecture. Savoureux !

« It’s giving me the vibe »

Concrètement quels sont les tropes (clichés visuel ou narratif) les plus reconnaissables ? En premier lieu, la longueur ou le découpage des vidéos apportent les premiers indices. La plupart du temps, les contenus fétichistes jouent sur l’attente et la frustration, une pratique connue sous le nom d'edging dans le milieu BDSM (acronyme faisant référence aux pratiques de bondage et de discipline, de domination et de soumission, de sadisme et de masochisme). Les vidéos sont généralement découpées en trois, voire six parties et l’action prend un temps fou, comme dans cette vidéo ou un soi-disant médecin retire une chaîne dorée enfoncée dans une oreille (pas d’inquiétude, il s’agit d’un mannequin).

Outre la longueur des vidéos, le système narratif de beaucoup de contenus de ce type contient des dialogues entre le protagoniste et le (ou la) cameraman. La plupart du temps il s’agit de commenter ce qui se passe pour meubler, mais bien souvent, on a droit à des encouragements ou des exclamations de surprises et d’extases à base de « Oh My Goooood » langoureux.

Le troisième point, c’est l’esthétique de ces vidéos tout droit sortie de fantasme BDSM : des mains gantées de latex, des bruits organiques, des matières qui dégoulinent comme du fromage, de la cire ou du slime et qui remplissent des trous. Les postures des mains ou la manière de cadrer en gros plan des pieds sont aussi les signes que l’on a affaire à du porno suggéré.

Appuyer là où ça dégoûte

Facilement accessible sur TikTok, ce type de contenus n’est pas produit par des influenceurs classiques. La plupart du temps, ces vidéos fétichistes sont la spécialité de fermes à contenus dont les procédés de fabrication sont désignés pour maximiser le temps de visionnage. On pense évidemment à ChefClub ou Tasty, les entreprises ayant industrialisé la fabrication de vidéo foodporn à grand renfort d’astuces compliquées et de fromages dégoulinants. Le contenu est souvent médiocre. Les recettes de ChefClub ne font envie à personne et les vidéos faussement ASMR montrant des situations inconfortables comme l’extraction de cérumen ou de points noirs ont tendance à nous révulser. Et c’est justement ça le secret. Ce porno Safe For Work travaille moins nos envies que notre sentiment de dégoût qui s’avère extrêmement efficace pour susciter la fascination... et générer des millions de vues.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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