
Vitrine de l’excellence à la française, l’artisanat d’art regorge de pépites et de savoir-faire uniques. Mais les artisans souffrent parfois de solitude et de manque de moyens. À l’heure où la profession est touchée de plein fouet par la crise, comment les acteurs des métiers d’art misent-ils sur la force du collectif pour s’en sortir ?
État des lieux d’une profession
En avril 2020, l’Institut national des métiers d’art (Inma) a publié son baromètre sur les métiers d’art. Dès l’introduction, l’institut soulève un point crucial : la définition de la profession. Ce secteur est situé à l’exacte intersection entre la culture et l'économie, entre l’art et le monde de l’entreprise. La Chambre de Métiers et de l’Artisanat a donc établi un périmètre autour des nomenclatures d’activité des entreprises déclarées, dont la majorité sont unipersonnelles.
Un chiffre se dégage alors : 51 000 entreprises sont actives en France. Parmi elles, deux secteurs se partagent l’affiche : l’ameublement (30%) et la bijouterie-horlogerie (20%). Toutefois, 281 métiers sont officiellement référencés. Les plus grands bassins d’activité se situent en Ile-de-France, Rhône-Alpes et région PACA.
Malgré une présence accrue sur le territoire, des spécificités régionales et des métiers d’excellence souvent complémentaires, un problème se pose : la solitude des artisans. Marc Aurel, designer et cofondateur de l’association des Lauréats du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main en témoigne : « Sans les associations et les initiatives locales, il est difficile de sortir de l’isolement, qu’il soit social ou administratif. Et nombreux sont les artisans isolés, oubliés de la société car le système français privilégie les métiers médiatisés. Parfois, le seul fait de s’éloigner de la capitale est un problème ». Et le rôle des territoires est extrêmement important, ils peuvent à la fois favoriser l’isolement ou le rompre.
De l’importance du maillage territorial
Dans Les pôles métiers d'art : des démarches empiriques de développement local relevant des réseaux de solidarité territoriale à finalité productive ? , Jean-Michel Kosianski, spécialiste de l’artisanat d’art et du patrimoine vivant, indique que « souffrant d’atomisation, d’isolement et d’une insuffisante organisation de leur offre, les entreprises métiers d’art peuvent avoir intérêt, a priori, à se regrouper au sein de territoires où, en plus des avantages d’une polarisation, leurs savoir-faire et productions sont valorisés, souvent à l’initiative d’une collectivité locale ». Une démarche importante pour les régions où l’artisanat fait office d’identité et favorise le rayonnement à l’instar de la coutellerie à Thiers, la tapisserie à Beauvais, ou encore la porcelaine à Limoges.
Depuis quelques dizaines d’années, les initiatives se développent. L’association Ville et Métiers d’Art, créée en 1992 à l’initiative d’élus municipaux soucieux de promouvoir toute la richesse et la diversité des métiers d’art dans leur ville, en est le parfait exemple, nous indique Jean-Michel Kosianski. Sans oublier, continue-t-il, la création un an auparavant de L’Archipel des Métiers d’Art, « une démarche résiliaire dans le secteur des métiers d’art : sous l’impulsion et avec l’appui financier et technique d’institutions régionales (services déconcentrés de l’État, Conseil Régional, Chambre régionale de métiers) », un projet porté par des communes, puis des intercommunalités en Languedoc-Roussillon.
Ce maillage régional s’appuie donc sur la présence de labels et d’associations afin de permettre aux artisans d’avoir un socle commun. Et de ce fait, d’être liés. Des initiatives plus micro réussissent également ce pari depuis quelques années. C’est le cas des fab labs.
La prophétie des fab labs
Pensés à la fin des années 1990 par le M.I.T, le très prestigieux institut de recherche américain, les fab labs sont des espaces où machines, compétences et savoirs se partagent. En France, c’est en 2012 que les fab labs commencent à devenir populaires. Six ans plus tard, en 2018, l’Hexagone en dénombrait plus de 400 sur son territoire.
2012, c’est également la date de création du fab lab « Make ICI » à Montreuil, lauréat 2020 de la récompense Parcours du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main de la Fondation Bettencourt Schueller. Aujourd’hui, la structure montreuilloise a fait des petits et s’est également installée à Marseille, Nantes et au Puy-en-Velay.
Alors pourquoi ces nids d’artisans s’essaiment-ils dans le pays et quels profils y trouvent-on en leur sein ? « Nous avons lancé Make ICI pour répondre aux besoins des artisans qui ne pouvaient pas se payer de machines pour produire, qui se sentaient isolés et perdus administrativement », nous indique Nicolas Bard, co-fondateur des manufactures. Et d’ajouter : « aujourd’hui, l’artisanat d’art se situe entre l’excellence et le système D. S’il n’y a pas d’aide ni de collaboration, il y aura moins d'artisans et de production, donc moins de rayonnement à l’international ». La collaboration est au cœur de ces fab labs. De nombreux projets ont d’ailleurs vu le jour entre les murs de Make ICI, comme Boys in the Wood, un studio de création multidisciplinaire autour du bois qui a le vent en poupe. « Nous avons vu naître de nombreux projets au cœur de nos ateliers. C’est le but de ces échanges dans les ateliers. Les manufactures sont ouvertes, les rencontres transverses grâce aux différentes formations que l’on propose à tous », conclut Nicolas Bard. De toute évidence, la collaboration est primordiale pour les artisans et relève du travail d’orfèvre pour les acteurs qui s'attèlent à la mettre en place.
Créé en 1999, le Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main® récompense savoir-faire, créativité et innovation dans le domaine des métiers d’art à travers trois prix donnant accès à un accompagnement financier et une dotation (50 000€) : « Talents d’exception », « Dialogues » qui gratifie la collaboration, et « Parcours », où personnalité, engagement et créations sont récompensés.
Pour y participer :
- Inscription et dossier de candidature en ligne sur ce lien
- 6 avril 2021 (à 23h59) : clôture des candidatures
- De mai à juin 2021 : étapes de sélection
- Octobre 2021 : annonce des lauréats et cérémonie de remise du prix
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