
Travis Kalanick, l'ancien PDG controversé d'Uber, a récemment levé 400 millions de dollars. De quoi développer CloudKitchens, une start-up spécialisée dans la conception de restaurants sans devanture, ni salle, ni serveurs : ils sont uniquement dédiés à la livraison. Et il est loin d’être le seul à s’intéresser à ce nouveau business.
Travis Kalanick est de retour. L’ancien sulfureux patron d’Uber (poussé vers la sortie après une série de scandales) se lance dans le business de la livraison à domicile. Sa discrète start-up CloudKitchens a récemment fait parler d’elle. Elle a obtenu un financement du fonds souverain d’Arabie Saoudite de 400 millions de dollars, a rapporté le Wall Street Journal début novembre. Pour rappel, le fonds était aussi l'un des premiers investisseurs d'Uber.
CloudKitchens se spécialise dans le rachat de bâtiments à bas prix pour y construire des cuisines uniquement dédiées à la livraison de repas. La start-up les loue ensuite à des chaînes de fast-food, des food trucks ou des restaurants qui souhaitent se spécialiser dans la livraison. Ce type de structure sans salle ni serveur appelé cuisine fantôme ou restaurant fantôme (ghost kitchens en anglais) est une conséquence de l’essor des plateformes de livraison en ligne comme Deliveroo et Uber Eats. CloudKitchens a également lancé ses propres marques de restauration aux noms un peu provocateurs (trop marrant ça, Travis) : Egg the F* Out, B*tch Don’t Grill My Cheese et Excuse My French Toast.
Par ailleurs, l’ancien patron d’Uber voit déjà grand. Il ne vise pas seulement le marché américain : sa société est déjà implantée en Chine, en Inde et au Royaume-Uni.
Travis Kalanick n’est pas le seul à avoir eu l’idée de ce nouveau business à la frontière de la foodtech et de l’immobilier. D’autres acteurs se sont positionnés sur ce marché : Reef Technology, qui transforme d’anciens parkings en cuisines, Virtual Kitchens Co. créé par d’anciens d’Uber Eats, l’Allemand Keatz ou les Français Dark Kitchen et le groupe Taster. Ce dernier comprend trois enseignes : Mission Saigon, O Ke Kaï et Out Fry, trois « marques pensées pour la livraison » dixit son fondateur, Anton Soulier, interrogé par Les Echos. Impossible de venir y manger, on ne les trouve que sur Deliveroo, Uber Eats et Glovo.
Des algorithmes pour prévoir les commandes
En plus de concevoir les cuisines, certaines de ces entreprises créent des outils pour adapter leur organisation à la livraison à domicile. Taster a notamment mis au point un algorithme qui permet d’anticiper précisément les commandes. « Deux intérêts à cela : préserver ses marges et limiter au maximum le gaspillage alimentaire », explique Anton Soulier dans Les Echos. L’objectif de cet ancien cadre de Deliveroo : devenir le McDo du XXIème siècle.
Les plateformes de livraison elles-mêmes se sont lancées dans les « restaurants virtuels » (l’autre petit nom des cuisines fantômes). En 2017, Deliveroo lançait sa filiale Deliveroo Éditions : des cuisines partagées mises à disposition des restaurants présents sur la plateforme. Plus de 70 sites ont déjà été construits. L’un des plus grands, plus de 700 mètres carrés partagés par 12 restaurants, se trouve à Saint-Ouen. L’intérêt pour Deliveroo est de s’implanter dans des zones où l’offre de restauration est moins importante.
Pour le moment, les restaurateurs semblent bien accueillir l’arrivée des cuisines fantômes, qui leur permettent d’accéder à une nouvelle clientèle à moindre frais. Dans une tribune pour Forbes, Douglas Bell, président du réseau d’investisseurs et d’entrepreneurs London Investors, les met toutefois en garde contre la déferlante ghost kitchens. Il estime que les restaurateurs sont trop naïfs de penser que les plateformes sont « leurs amies ». Pour lui l’arrivée massive des cuisines fantômes signifie que Deliveroo et les autres prennent peu à peu le contrôle sur tous les aspects de la restauration : le service client, la livraison, la cuisine... En automatisant et supprimant des postes au passage. Une stratégie qui donnera certainement lieu à une guerre des prix en défaveur des restaurateurs traditionnels. Ces derniers pourraient devenir des « serviteurs » des plateformes de livraison, qui définiront toutes les règles du jeu. De la même manière qu’Amazon a pris le contrôle sur les revendeurs de sa plateforme.
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