
Pour lutter contre les fake news, des ingénieurs tentent de passer les articles à la moulinette d'algorithmes. Mais détecter de fausses informations est-il suffisant pour empêcher leur propagation ?
On le sait, les fake news sont un véritable fléau. Elles ont le pouvoir de déformer notre réalité, mais aussi d’influencer nos élections ou d’hystériser nos débats de société. Pour lutter contre ce problème, les journalistes sont en première ligne pour « debunker » les théories du complot et autres rumeurs. Le problème est que ce travail s’effectue « à la main » et nécessite un certain temps d’investigation. Le temps qu’une contre-enquête soit diffusée, la fake news a déjà été largement partagée.
Pour pallier ces délais, le monde de la tech propose des solutions. En octobre 2018, le MIT annonçait la création d’un système de machine learning pouvant détecter automatiquement les fake news. Cet outil analyse surtout les sources de publication et détermine un indice de fiabilité en fonction du nombre d’informations fausses déjà publiées. En France, un système similaire est justement en train de voir le jour grâce au travail de trois étudiants de l’école d’ingénieur l’EPITA.
Quand les articles qui parlent de « fake news » sont justement... des fake news
Jonas Bouaziz, Arnaud Henric et Jérémie Zimmer, ont créé Neutral News dans le cadre de leurs études. Après avoir été sélectionnés pour les finales de l’Imagine Cup de Microsoft, ils ont été contactés par le Ministère des Affaires étrangères pour développer leur application à destination des ambassades. « Au début, ce projet permettait surtout d’agréger et de contextualiser n’importe quelle information en 8 langues, racontent-ils. Le ministère nous a demandé si on pouvait s’en servir pour détecter les informations manipulées. Depuis on travaille avec eux pour leur fournir un outil permettant de donner un indice de fiabilité à n’importe quel article de presse. »
Pour faire la distinction entre un article classique et une fake news, Neutral News s’appuie sur la base de données Decodex. Mis en place par les journalistes du Monde, cet annuaire répertorie plus de 5000 articles, tweets, vidéos YouTube ou posts Facebook véhiculant de fausses informations. À partir de là, l’algorithme des étudiants de l’EPITA y détecte des patterns pouvant être appliqués à d’autres articles. « Il peut s’agir de mots ou de groupes de mots particulièrement utilisés, explique Jérémie Zimmer. On peut aussi repérer certaines tournures de phrase ou l’utilisation excessive de points d’exclamation ou d’interrogation. Certains mots de vocabulaire très forts comme « massacre » par exemple sont de bons indicateurs d’articles bidonnés. On a aussi remarqué que les articles utilisant l’expression « Fake news » sont majoritairement… des fake news » .
Une course perdue d'avance
Le système devrait être utilisé au sein des ambassades afin de permettre au gouvernement de produire rapidement des démentis. Pour cela, Neutral News peut retracer le parcours de ses articles d’un site à l’autre. « Notre outil peut déterminer quel est le sujet de l’article, indique Arnaud Henric. Du coup même si ce dernier est réécrit différemment ou traduit du russe à l’anglais par exemple, on peut toujours retracer son origine. » Grâce à cette fonctionnalité, le système de deep learning peut aussi comparer la vitesse de propagation d’une fake news avec son démenti. « Malheureusement, c’est souvent le mensonge qui gagne la course », conclut Jonas Bouaziz.
Pour Tristan Mendès France, Maître de conférences associé à l’université Paris Diderot et spécialiste des cultures numériques, ce genre d’outil risque aussi de posséder plusieurs angles morts. « Les algorithmes peuvent nous aider à identifier certains contenus bidon plus rapidement, explique-t-il. Mais il faut se rappeler qu’il n’y a pas de limite bien définie entre une fake news et un article factuel. Il s’agit plutôt d’un continuum sur lequel il faut placer un curseur. Une opinion politique ou une publicité peuvent être considérées comme des fake news. N’importe quel propos militant ou politique peut jouer avec la vérité. Si vous passez un article déclarant que la politique de Macron est un échec total, je ne suis pas sûr que l’algorithme puisse déterminer s’il s’agit d’une fake news ou non. »
Le grand public sera-t-il réceptif ?
Tristan Mendès France met aussi en avant le fait que certains sites comme Fdesouche ou Russia Today France arrivent à produire une certaine forme de propagande sans pour autant avoir recours à des fake news. « Ils sont généralement assez prudents sur ce plan-là, indique ce spécialiste de la fachosphère. Ils ne vont pas mettre en avant de fausses informations, mais plutôt accumuler des articles factuels. Pris séparément, ces articles sont totalement vérifiables. Mais mis bout à bout, ils créent une sorte de réalité alternative fausse, alors indétectable par les algorithmes ».
Au-delà des limitations « techniques », la question de la légitimité des algorithmes se pose aussi. Les trois étudiants de l’EPITA assurent que leur outil sera totalement transparent pour les utilisateurs. Ces derniers pourront accéder aux sources utilisées pour reconnaître les fake news. Si la démarche peut s’avérer utile pour les personnels d’une ambassade ou des fonctionnaires, elle risque de ne pas rencontrer le même succès auprès du grand public. Comme constaté avec les manifestations des gilets jaunes, beaucoup de gens se montrent méfiants envers les institutions et les médias. Pour lutter contre les chambres d’écho et les bulles d’informations qui propagent de fausses informations, il n’existe pour le moment aucun algorithme miracle.
Droit de réponse de la société RT France :
« RT France réfute fermement les propos de M. Mendès France cités dans l’article « D’après les IA, les articles qui parlent de « fake news » sont souvent… des fake news » qui lui imputent de « produire une forme de propagande » qui aurait pour finalité, en accumulant des « articles factuels », de créer « une sorte de réalité alternative fausse ».
Son traitement de l’information est objectif et pluraliste. Sa chaine, son site internet et ses journalistes n’ont en effet d’autre vocation que d’informer le public de la manière la plus professionnelle, sérieuse et impartiale qui soit.
RT France rappelle par ailleurs qu’elle a conclu une convention avec le CSA et que sa chaîne a toutes les autorisations d’émettre en France.
RT France déplore enfin d’être mise sur le même plan qu’un site internet notoirement connu pour véhiculer des idées identitaires et d’extrême droite. Une telle comparaison atteint sa probité et celle de ses journalistes, dont elle rappelle qu’ils sont tous des professionnels, titulaires de cartes de presse françaises. »
"Tristan Mendès France met aussi en avant le fait que certains sites comme Fdesouche ou Russia Today France arrivent à produire une certaine forme de propagande sans pour autant avoir recours à des fake news. « Ils sont généralement assez prudents sur ce plan-là, indique ce spécialiste de la fachosphère. Ils ne vont pas mettre en avant de fausses informations, mais plutôt accumuler des articles factuels. Pris séparément, ces articles sont totalement vérifiables. Mais mis bout à bout, ils créent une sorte de réalité alternative fausse, alors indétectable par les algorithmes »."
Pour résumer, des articles factuels vérifiables mis bout à bout créent alors une sorte de réalité alternative fausse sous forme de propagande.
Merci de nous prendre pour des chèvres!
Une realite alternative fausse qui se construit uniquement a partir de faits reels. Comme dirait Nabila: "non mais allo, quoi !"
Il oublie de noter de plus terrifiantes encore réalités alternatives comme le mensonge par omission qui fait des ravages a la tv. Exemple le forcing sur les gilets jaune d'un flic qui se fait molester (apr_s avoir jeté un glif4 au milieu des gens - faut rappeler que la glif4 c'est bien une grenade a fragmentation avec des éclats qui te charcutent) et là pas un commentaire ou image ni de ces visages d'enfants complétement défoncés au lbd40. A chacun sa réalité alternative on dirait.
Que dire aussi des philo politiques comme ferry qui demandent a pouvoir faire usage des armes a feu sur la foule? Quand je les entends je se demande a quelle réalité alternative ils sont biberonnés. A priori celle de bfm. Et permet aussi de constater que le manque qu'en fait, ces réalités alternatives que vous dénoncez sont en fait le produit direct de l'absence de pluralisme, d'information et de la censure qui semblent toucher jusqu'au hommes politiques. Bien que eux on peut se demander si c'est pas volontairement qu'ils le font pour diverses raisons bien peu morales.
L'enfer est pavé de bonnes intentions