peinture de famille

Vous en avez marre de l'obsolescence programmée ? Allez au musée !

© Hans Peter Feldmann

De l’inspiration romantique du XIXème aux portraits d’apparat devenus désuets… l'Histoire de l’art fascine nos sociétés modernes. Une tendance qui fait sens à l’heure où l’obsolescence fait partie intégrante de nos processus de créativité. Une tribune signée Anaïs Montevecchi, spécialiste en art contemporain et Adobe.

*Cette tribune fait suite à cet article :

Le romantisme : étrangeté maîtrisée et retour du paysage

Le XIXème siècle voit apparaître de nombreux mouvements en réaction aux règles étouffantes du Néo-Classicisme. Ces mouvements souvent rassemblés sous le nom de Romantisme, puisent leur inspiration dans les mythes moyenâgeux et celtiques ou dans une esthétique exotique venue d’Orient. L’accent est porté sur l’expression de soi et de ses sentiments, l’irrationnel, le cœur et la passion. L’esthétique romantique révèle la part sombre de notre psyché, n’ayant pas peur de mettre en scène le macabre ou l’étrange. Œuvre emblématique du XIXème siècle, l’Ophélie de John Everett Millais inspire encore les artistes d’aujourd’hui. Mêlant fascination et effroi, elle représente le corps sans vie de la jeune héroïne d’Hamlet, flottant sur l’eau au milieu des fleurs. Par leurs compositions et l’atmosphère de leurs images, les photographes Milou Krietemeijer et Julie de Waroquier s’emparent de cette esthétique romantique et de l’étrangeté qui s’en dégage.

Depuis quelques années, le paysage fait son grand retour dans les créations contemporaines. Signe d’une génération qui exprime le besoin d’un retour au calme et à la nature, le paysage envahit les réseaux sociaux et les publicités comme en témoigne la tendance visuelle identifiée par Adobe Stock : « Silence et Solitude ». Le compte Instagram Insta Repeat créé par une jeune femme de 27 ans vivant en Alaska illustre ainsi parfaitement la tendance mondiale qui consiste à se faire photographier de dos, face à un paysage. Cette posture est une citation directe de l’œuvre majeure Le Voyageur contemplant une mer de nuages (1818) du peintre romantique allemand Caspard David Friedrich, qui dépeint un homme de dos, faisant face à un paysage grandiose.

Le portrait d'apparat : se moquer des conventions

© Markus Schinwald, Untitled

© Markus Schinwald, Untitled, huile sur toile, 82×71 cm, 2015 © Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac, Paris

Figure du conformisme, le portrait, qu’il soit de famille ou d’apparat, répond à des règles strictes et enferme souvent le sujet représenté dans les limites normatives de son statut social. Les créateurs contemporains s’amusent donc souvent à détourner les portraits afin de « casser les codes », de manière décalée. L’artiste autrichien Markus Schinwald a recours à des peintures anciennes, datant pour la plupart de l’époque Biedermeier, sur lesquelles il intervient en leur ajoutant des éléments incongrus tels que des prothèses dont on ne comprend pas la fonction. Correcteurs esthétiques ou médicaux, ils rendent ces portraits aussi étranges que dérangeants.

portrait de famille détourné

FELDMANN, HANS-PETER - Family portrait with Red Noses, Huile sur toile, 215.00 x 182.00 cm

Dans un registre plus léger, l’artiste Hans Peter Feldman ajoute des nez de clowns aux portraits de famille, cassant ainsi l’étiquette inhérente à ce type de représentation.

Peinture intemporelle VS obsolescence programmée

Sabine Pigalle – Tryptique – Vermeer - Raffaello, 2015

L’omniprésence des références directes à l’histoire de l’art et notamment à l’art classique, est une tendance de fond qui répond à différentes problématiques liées à l’évolution des sociétés contemporaines, à des usages et des processus de création d’images actuels. En effet, nos sociétés vont toujours plus vite et l’obsolescence fait partie intégrante du processus de créativité. Les images que nous créons et que nous postons sur les réseaux sociaux par exemple ont une durée de vie limitée. Utiliser et s’approprier les codes d’un courant artistique ou d’un chef-d’œuvre qui a traversé le temps et a perduré permettrait-il de « rallonger » l’espérance de vie de ces images ?

Cette tendance fait également référence à des techniques de création liées à un savoir-faire moins répandu aujourd’hui tels que la peinture à l’huile ou l’artisanat d’art qui s’inscrivent dans une temporalité longue et fastidieuse, conférant par effet de mimétisme la valeur de la rareté de l’œuvre d’origine à la nouvelle création.

D’autre part, citer un chef-d’œuvre de l’histoire de l’art, c’est aussi s’emparer de son aura, c’est-à-dire sa valeur immatérielle. La Joconde de Léonard de Vinci par exemple, est l’œuvre la plus connue au monde. Elle est ancrée dans la culture populaire et chacun a une histoire personnelle unique liée à ce tableau. Se l’approprier dans une création contemporaine permet de faire référence à une œuvre exceptionnelle, qui a perduré dans le temps, qui véhicule des valeurs liées au contexte dans lequel elle a été créée, mais également à l’histoire personnelle que chaque spectateur aura engagée avec cette œuvre.

Enfin, la référence à la peinture classique est liée de manière très étroite à notre vision du beau. Dans une époque où notre communication repose beaucoup sur l’image, la notion d’esthétique est centrale.

Les réseaux sociaux nous poussent à une certaine esthétisation du monde, où ce que l’on mange, les vêtements que l’on porte ou le décor dans lequel on se trouve doivent être photogéniques pour être relayés. Utiliser les codes de la peinture classique c’est donc s’appuyer sur une idée de la beauté validée et universellement reconnue.

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