Une appli peut-elle nous obliger à s’expliquer si on ne veut plus parler à quelqu’un ? Tame l’a fait. Et ça ne convainc pas grand monde.
Swipe, swipe, date, swipe, date, ghost… Pour sortir de ce cycle éreintant, Tame, une énième application de rencontre, propose une nouvelle formule. Cette appli américaine (aussi disponible en France), lancée fin décembre, se veut plus « saine » que les autres. C’est en tout cas ce que son slogan « healthy dating » laisse entendre. Le logo est un petit cœur aux yeux implorants, plus chaste que la petite flamme de Tinder.
Avant d’accéder à l’application, l’utilisateur doit valider une dizaine de règles exigées par Tame. Ici, on ne discute qu’avec une personne à la fois, le ghosting (le fait de laisser son interlocuteur sans réponse au bout de quelques messages) est proscrit, il faut quitter une conversation en expliquant pourquoi, avant de pouvoir engager une discussion avec un ou une autre, pas de système de swipe à la Tinder. Pour passer à un autre profil, on doit faire défiler toutes les photos de la personne ainsi que le questionnaire qu’il propose aux autres. L’appli dit également avoir une tolérance zéro pour les propos toxiques et haineux.
Sur le papier, les intentions semblent bonnes : créer des liens plus humains, en finir avec le côté épuisant et mécanique des applis de rencontre. Tame cite dans sa description une étude publiée sur BMC psychology montrant que la fonction swipe est associée à « des taux plus élevés de détresse psychologique, d'anxiété et de dépression ». « Elle véhicule l'idée que les connexions que vous avez ne sont pas suffisantes, que vous avez besoin de plus, de mieux, immédiatement », peut-on lire sur le site de l’application.
Ce n’est pas une app de rencontre, c’est une prise d’otage
Mais leur démarche n’est pas vraiment bien comprise par les internautes. Sur Twitter et Instagram, Tame fait face à des commentaires surtout négatifs. Beaucoup lui reprochent d’imposer aux utilisateurs de se justifier, mentionnant notamment les comportements parfois problématiques que subissent les femmes sur les applis de rencontre (dick pics non sollicitées, harcèlement…). « Toute l’application est basée sur le contrôle. Les femmes ne vous doivent pas une explication si elles ne veulent plus nous parler », commente par exemple une personne sur Instagram. « Obliger quelqu’un à répondre n’est pas sain, c’est juste pathétique », dit un autre. Sur Twitter, Tame est comparée à une appli pour Incels qui demandent aux femmes de s’expliquer. Ou à « une prise d’otage ». D’autres critiques son nom « Tame » (du verbe apprivoiser en anglais), jugé « creepy » (gênant).
Pour la journaliste britannique Hannah Van De Peer, du média The Tab, Tame est tout simplement « son enfer personnel », l’application de dating la plus angoissante qu’elle connaisse. En plus de la fonctionnalité « no ghost », elle pointe d’autres règles gênantes à ses yeux. « Si vous êtes occupé et/ou inactif sur Tame pendant sept jours, cela est considéré comme un "comportement problématique" et votre compte sera masqué aux autres personnes. Vous avez donc intérêt de faire tourner l’appli en arrière-plan à tout moment, sinon vous faites perdre leur temps aux autres selon Tame », écrit-elle.
La multiplication des commentaires a incité l’appli à répondre à la polémique sur son compte Twitter. Tame explique qu’il est possible de quitter une conversation, en disant qu’on préfère ne pas donner de raison. Pas sûr que cela suffise.
Ce n'est pas la première appli qui tente de freiner le ghosting. Snack, une appli de rencontre vidéo ciblée pour la GenZ, met également cet aspect en avant. Mais son approche est un peu plus subtile. Un profil qui laisse régulièrement ses interlocuteurs en plan verra son compte progressivement invisibilisé par l’algorithme. Ainsi, le ghosteur finit ghosté.
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