Chat gris et blanc avec airtag en collier

Comment les AirTags d’Apple sont devenus des outils de surveillance bon marché

© montage Apple & Cats

Les défenseurs des libertés numériques s’inquiétaient du détournement de ces traceurs d’objets perdus à des fins de surveillance. Leurs inquiétudes se sont malheureusement réalisées, raconte une enquête du New York Times

« Je suis littéralement en train de trembler, p*** (...) regardez ce que je viens de trouver sur ma voiture. » Dans une vidéo TikTok, Ashley Estrada, 24 ans, manipule un AirTag. Ces petits traceurs en forme de bouton ont été lancés par Apple en avril 2021 pour « repérer facilement les objets » et « garder un œil sur ses proches ». La jeune femme vient d’en retrouver un caché derrière la plaque d’immatriculation de sa voiture. « Je n’en ai jamais acheté », dit-elle à ses abonnés. 

« Je me suis sentie violée »

Quelques heures plus tôt, Ashley Estrada a reçu une notification sur son iPhone. « Un AirTag a été détecté près de vous ». Sur une carte enregistrée sur son téléphone, elle peut voir précisément tout le trajet qu’elle a effectué depuis quatre heures grâce à la géolocalisation du AirTag. Son propriétaire y a également accès. « Je me suis sentie violée », explique-t-elle au New York Times. « Je me suis demandée qui pouvait bien me suivre, quelle était l’intention ? C’était effrayant ». 

Selon le quotidien américain, le cas de la jeune américaine n’est pas isolé. Des expériences similaires sont racontées par des utilisateurs Reddit, TikTok et Twitter depuis plusieurs mois. Le média a interrogé sept femmes suivies par un AirTag qu’elles n’ont pas acheté elles-mêmes. L’une d’entre elles, âgée de 17 ans, a découvert qu’elle était trackée par sa propre mère à son insu. 

Si la personne possède un équipement Apple, celui-ci lui envoie directement une alerte lorsqu'un AirTag inconnu est détecté près de lui. Cette fonctionnalité a justement été pensée dans l’objectif de dissuader tout usage malveillant des AirTags. Malgré cette alerte, toutes les personnes interrogées par le journal ne sont pas parvenues à retrouver le AirTag signalé par leur appareil. En juin, Apple, alerté par les nombreux cas de stalking, a mis en place une alarme sonore qui s’active lorsqu’un AirTag est éloigné de l’appareil avec lequel il a été jumelé au départ. Mais le bip ne serait pas très fort, pointe l’une des femmes interrogées par le New York Times.

Des AirTags utilisés pour voler des voitures

Apple encourage les personnes qui soupçonnent d’être suivies à leur insu, de se mettre en relation avec les forces de l’ordre. Certaines autorités ont commencé à examiner de plus près ces cas. Le département de police de West Seneca à New York a récemment averti la population après la découverte d'un AirTag sur un pare-chocs de voiture. Au Canada, un service de police local a déclaré avoir enquêté sur cinq incidents de voleurs plaçant des AirTags sur « des véhicules haut de gamme afin qu'ils puissent plus tard les localiser et les voler ».

Dans les cas rapportés par le New York Times, les alertes reçues par les victimes ont rarement été prises au sérieux par la police, en particulier lorsque le AirTag n’a pas été retrouvé par la victime. 

Le business de la surveillance entre particuliers

L’autre problème, souligné par l’association Electronic Frontier Foundation (EFF), reste que les AirTags vendus 29 dollars (35 euros en France) permettent un suivi bien plus précis que les autres accessoires du même type. « Apple a automatiquement transformé chaque appareil iOS en une partie du réseau que les AirTags utilisent pour signaler leur emplacement, explique Eva Galperin, directrice cybersécurité chez EFF. « Le réseau auquel Apple a accès est plus vaste et plus puissant que celui utilisé par les autres trackers. Ce qui rend ces objets plus performants pour localiser une personne ou un objet, et donc plus dangereux en matière de harcèlement.

Ce n’est pas la première fois que des technologies sont détournées à des fins de surveillance. Avant les AirTags, des cas de harcèlements via la fonction partage de position de Google Maps ou Find My Friends d’Apple ont déjà été reportés. Dans un autre style, toute une série d’applications promettent de surveiller son conjoint, sa conjointe ou son enfant en scrutant son statut WhatsApp

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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