Une jeune fille en jaune dans les rues de New York

Work Island : ils enterrent la réputation cool de Manhattan

© Only Murders in the building

« Pourquoi est-ce que je viendrais ici pour le plaisir ? »

Après la raie sur le côté, les skinny jeans, Harry Potter et l'émoji pouce en l'air, les moins de 25 ans s'en prennent au dernier tropisme de la génération Y, relique des films et séries des années 2000.

Work Island : plus aucun respect pour Manhattan

Les cocktails à 28 dollars sirotés à l'Apotheke, le carton de cupcakes red velvet confectionnés à la Magnolia Bakery et le burger Shake Shack dévoré à l'ombre du Flat Iron Building. Ce sera non, sans façon. Après avoir été successivement détrôné par Brooklyn et Harlem, Manhattan, à l'aura déjà vacillante, est définitivement enterré par les cool kids. Trop cher, trop touristique, trop fatigant. Parmi les coupables : une culture du travail hégémonique qui dénature l'île désormais dominée par les hustle bros et autres financiers en costume. Les efforts du collectif Dime Square pour redorer le blason de China Town n'auront pas servi à grand-chose. Sur TikTok, les moins de 25 ans ricanent allégrement après avoir rebaptisé Manhattan « Work Island », l'île du travail. En d'autres termes : un lieu il faut péniblement se trainer pour venir travailler et que l'on s'empresse de fuir dès 17h pour rejoindre un borough plus affriolant. Comme il se doit, le surnom est né en ligne. « À partir de maintenant, Manhattan est Work Island », a décrété Jared, 24 ans, créateur de contenus passionnés par le métro, les ponts en zone urbaine. « Et pourquoi est ce que j'y rendrais pour le plaisir ? »

Le terme a bien vite été adopté par les jeunes new-yorkais. Sur TikTok, le #workisland commence à prendre doucement. Une internaute a d'ailleurs affiné le concept : « si Manhattan est Work Island, alors Murray Hill est sa capitale. » Situé à Midtown, quartier d'affaire et de commerces de Manhattan peuplé de gratte-ciel et de Starbucks, Murray Hill est désormais l'antichambre de l'horreur pour tous ceux que la hustle culture fatigue.

La revanche des B&T

Sous les publications, le terme bridge-and-tunnel ressurgit régulièrement. Originellement utilisée par la fine fleur de Manhattan, l'expression argotique (abrégée aussi en B&T) désignait avec mépris les habitants des quartiers extérieurs à Manhattan, contraints de rejoindre l'île élitiste par le biais de ponts (bridges) et tunnels depuis Brooklyn et le Connecticut. Ou pire (frisson d'horreur) : Long Island. D'après l'Urban Dictionary, le terme aurait été inventé par l’entrepreneur Steve Rubell, copropriétaire de l'iconique Studio 54, pour caractériser spécifiquement les habitants du Queens et de Staten Island. « Ironiquement, ceux qui utilisent le terme Bridge and Tunnel ou B&T ne sont généralement pas originaires de New York. Si vous sondez, vous découvrirez souvent qu'ils ont déménagé à Manhattan après l'université, depuis une banlieue de poule mouillée où ils ont grandi », précise un internaute. Avec l'émergence de l'expression Work Island, railleuse et dédaigneuse, les B&T et leur code postal tiennent leur revanche.

« Du jamais vu depuis l'époque Mad Men »

Sauf que les chiffres racontent une autre histoire que celle contée sur les réseaux. Selon les données du Census Bureau, plus de 42% des personnes ayant déménagé à New York entre 2021 et 2022 appartenaient à la génération Z, et 39 % étaient des millennials. Selon Fortune, l'obsession des jeunes pour New-York a provoqué un taux d'inoccupation des logements qui n'a historiquement jamais été aussi bas : 1,4%. Un très faible taux qui fait grimper les prix des locations : le loyer moyen d'un appartement d'environ 70 mètres carrés à New York dépassent les 4 700 dollars. Seulement 1 % des appartements coûtent moins de 2 000 dollars par mois. « Du jamais vu depuis l'époque Mad Men », avance le média.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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