Alors que la crise économique touche tous les secteurs du fait de l’inflation et des difficultés d’approvisionnement en énergie, la situation des jeunes doit faire l’objet d’une surveillance et d’une vigilance accrue des pouvoirs publics pour éviter des situations difficiles. En effet, elle est souvent en première ligne face à la pauvreté, à la précarité, au chômage, dans l’accès au logement et dans des obstacles à la mobilité. Tour d’horizon.
Pour aborder ces sujets, nous avons ont rencontré Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, une organisation spécialisée dans l’analyse économique et sociale.
Une jeunesse composite
Pour appréhender correctement le phénomène, nous devons considérer « qu’il n’y pas une jeunesse, mais en réalité des jeunesses françaises, qui sont soumises à des contraintes d’insertion et de revenus très différentes en fonction des milieux sociaux. Il existe un très grand écart entre elles, de la même façon qu’il existe des écarts très importants entre différentes catégories socio-professionnelles (CSP) au sein du reste de la population ».
Ainsi, LES jeunesses éprouvent des problématiques différentes en fonction des territoires, de l’accès aux écoles, aux grandes écoles et aux lieux d’établissement supérieurs.
De plus, une partie des jeunes travaillant depuis l’âge de 18 ans éprouve exactement les mêmes problématiques que les adultes. Louis Maurin nous rappelle à ce titre que les premières difficultés auxquelles les jeunes doivent faire face sont celles de la société en générale, notamment le peu de créations d’emplois, les difficultés pour se loger, pour accéder aux soins et un pouvoir d’achat faible.
Cependant, bien que la jeunesse possède des grandes divergences statistiques en son sein, il y a un premier enjeu qui la rassemble : l’emploi. « La problématique de l’emploi se pose véritablement pour la jeunesse, même pour une partie bien diplômée, qui ne trouve pas d’emplois facilement. À même niveau d’étude donné, on n’accède pas au même niveau d’emploi et de rémunération que le reste de la population ».
Le second problème majeur rencontré par les jeunes concerne le logement : « Il y a aussi toute une partie de la jeunesse qui éprouve des difficultés pour se loger, beaucoup plus accentuée que celles du reste de la population. Notamment car il n’existe pas de minimum social pour les jeunes comme le RSA. »
Un étudiant sur deux ne parvient pas à se loger ou à se nourrir correctement
Les inquiétudes exprimées se retrouvent dans les statistiques puisque le taux d’emploi précaire des jeunes qui travaillent a augmenté très fortement. Ainsi, la part d’emplois en intérim, en contrat à durée déterminée (CDD) et en apprentissage, rapportée à l’emploi total, est passé de 17,3% en 1982 à 52,6% en 2020. Si ce taux a augmenté pour les autres catégories, il a bien plus augmenté pour les jeunes. Le taux de précarité des 15-24 ans, qui était déjà assez haut en 2000, à 47,4% s’est lui aussi aggravé jusqu’à aujourd’hui pour s’établir désormais autour de 53%.
Les niveaux de formation affectent généralement fortement l’insertion sur le marché du travail, cependant, à diplôme égal, les jeunes sont structurellement moins employés que les autres catégories de la population. Et à parité de diplôme, on s’aperçoit que le taux de chômage des jeunes est en général le double de celui des 30-49 ans, et environ le triple des plus de 50 ans ! Les plus exposés au chômage demeurent aussi les jeunes puisque la catégorie des 15-29 ans sans qualifications, obtient un taux de chômage à 33,8 %, le taux le plus élevé !
Et maintenant ?
La conjoncture économique difficile post crise sanitaire risque d’alourdir encore plus ces chiffres. Louis Maurin résume ainsi et prévient : « L’immense majorité des jeunes veut s’insérer pleinement dans la société et recherche un emploi mais c’est difficile pour eux. Les difficultés de la vie quotidienne sont plus fortes pour eux et l’on peut rapidement se trouver marginaliser ».
Selon lui, les politiques spécifiques destinées aux jeunes devraient être renforcées en matière d’accompagnement, de formation, de logements et d’aide à l’orientation et à l’emploi. Parmi les solutions avancées pour lutter contre cette précarité : réduire la précarité sur le marché du travail, réduire davantage les inégalités à la base grâce à des politiques éducatives renforcées à l'école, contrôler les évolutions des prix des loyers et construire davantage de logements.
« La condition étudiante dans notre pays n’est pas normale. Le niveau des bourses dans l’enseignement supérieur n’est pas au même niveau que dans les autres pays européens, ce qui n’aide pas à l’égalité des chances. ». La revalorisation des bourses étudiantes constituerait ainsi un levier puissant contre la précarité étudiante.
Louis Maurin estime que la maîtrise des chiffres et la connaissance des réalités aident à comprendre les difficultés pour ajuster les politiques publiques et conjurer ce phénomène inquiétant, mais il ne se décourage pas et estime qu’il est possible de trouver des solutions sources d’espoir pour les jeunes et vraiment de changer les choses. C’est le message qu’il entend bien faire passer aux Popsi, l’évènement dédié à ce thème par la Caisse des Dépôts.
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