Le Dalai Lama tire la langue

Sur le #MonkTok, les moines ne veulent plus renoncer à leur célébrité

De jeunes moines bouddhistes bousculent les traditions pour diffuser le Dharma, au risque de se faire de nouveaux ennemis.

Au pays khmer, TikTok anime aussi les débats. Sur les 17 millions d’habitants, près de 7 millions utilisaient l'application début 2022. Sur le TikTok cambodgien, défilent des influenceurs exhibant des vêtements de luxe, de miraculeux produits cosmétiques ou des adolescents dansant sur la musique du rappeur VannDa. Un peu comme partout finalement. 

À un détail près. Comme le raconte le média Restofworld, un groupe de moines bouddhistes y a également trouvé sa place sur les ForYou. Jeunes le plus souvent, encore novices au monastère, ils utilisent la plateforme pour diffuser le « Dharma », la loi faite pour maintenir l'ordre social et le chemin qui libère les êtres humains de la souffrance, et promouvoir le bouddhisme. 

Diffuser le Dharma coûte que coûte ?

Bo Pisey a 22 ans et compte plus de 155 000 abonnés. Pour lui, TikTok est un rituel qui s’ajoute à sa vie monastique. Il a commencé en publiant des photos de lui, de sa vie à Battambang dans ce monastère qu’il a rejoint à 12 ans. En avril 2021, en plein confinement, il tente un autre format : il lit un poème face cam, avec cette introduction : « On demande à tout le monde de rester à la maison. Les riches pourront le faire sans problème mais les pauvres ne peuvent pas se le permettre ». Sa vidéo devient très vite virale et Bo une figure du #MonkTok, un hashtag qui comptabilise plus d’un million de vues. 

@bopisey0

រាត្រីកំសត់🥺😢បើម៉ែល្ងង់សូមអោយកូនឆ្លាត🥺@kimtong63 @chhunsophors @sotsokkhim @128118pisey @sovanmunyneng @chenda968 @smeybro89 @vothy_kh

♬ សំឡេងដើម - ៚បូ ពិសី-Bo Pisey៚ - Bopisey Official

Pour Hak Sienghai, un MonkTok suivi par plus de 650 000 abonnés, les moines bouddhistes doivent vivre avec leur temps. « C’est comme ça que l’on va diffuser le Dharma. Plus besoin de se déplacer. Les gens n’ont plus qu’à allumer leur smartphone… C’est une nouvelle ère mais l’intention reste la même ». Selon lui, il va bien falloir s’y faire, le #MonkTok est parti pour durer. Mais les autorités bouddhistes ne sont pas convaincues. Selon elles, ces influenceurs violent la discipline monastique en adoptant les attitudes des influenceurs. Certains se montrent torse nu, chantent des chansons d’amour ou font la promotion de paris sportifs… Bo Pisey est d’accord, lui qui dit ne rien faire qui soit contraire au code.

Sur Tik Tok, tu ne posteras point

Ce qui semble être un conflit générationnel est une affaire sérieuse au Cambodge. Les moines, qui y pratiquent le bouddhisme theravāda, sont soumis à un code monastique qui ne compte pas moins de 227 lois, appliquées par une bureaucratie à plusieurs niveaux sous l'égide du conseil national des moines. Évidemment, aucune d’entre elles ne mentionne les pratiques concernant les réseaux sociaux.

De nouvelles voix s’élèvent et appellent le conseil à s’exprimer sur le sujet. San Pisith, un moine qui prépare un doctorat en Estonie, a récemment publié une tribune mettant en garde contre la célébrité sur les réseaux sociaux et interpelle les dirigeants pour qu’ils fournissent un code de conduite à suivre sur TikTok. Il souligne que cette adaptation n'est pas seulement cruciale pour l'avenir du bouddhisme khmer, mais aussi pour le bien-être de la société dans son ensemble, chamboulée par le réseau chinois. 

Interdire TikTok pour renouer avec l’instant présent ? Les moines ne sont peut-être pas les seuls à se poser la question.

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