
Sur les réseaux sociaux les vidéos qui abordent des thématiques de santé mentale se normalisent et encouragent à l'autodiagnostic. Pour le pire ou le meilleur ?
« Red flags », « Love bombing », « Dissociation », ou encore « Benching » … Ces concepts, largement popularisés sur Instagram et TikTok séduisent particulièrement la génération Z. Pourtant, derrière cette apparence positive de care, la « thérapie Instagram » se heurte à parfois ses propres limites. Et si au lieu de résoudre les problèmes, elle les amplifiait ?
Quand la santé mentale devient contenu
Confrontée à des problématiques personnelles ou relationnelles, la GenZ se tourne spontanément vers Instagram et TikTok pour trouver des réponses. « Trop d’attachement tue l’amour », « Apprenez à repérer les signaux d’alarme », ou encore « Dissocier : pourquoi cela nous arrive à tous »... Les vidéos proposant des diagnostics clés en main pullulent.
À l’image de Carmen, 21 ans, qui témoigne dans El Pais, ils sont nombreux à s’autodiagnostiquer en ligne. Après avoir passé des heures à visionner des vidéos explicatives, le verdict tombe : elle présente des symptômes « d’attachement anxieux ». Une enfance marquée par une surprotection parentale et des débuts de relation amoureuse trop intenses, tout s'explique. Béa, 20 ans, a quant à elle identifié qu'un de ses amis pratique le « benching ». Une nouvelle tendance malsaine de l’univers du dating consistant à maintenir quelqu’un « sur le banc de touche ». Un second choix en quelque sorte. Sur la base de diagnostics express, les deux jeunes femmes repèrent les « red flags » de leurs partenaires, justifient l’absence de réponse à leurs messages par une « dissociation », comprenez une surcharge émotionnelle, ou tolèrent certains comportements sous couvert d’hypersensibilité.
Thérapie Instagram : un premier pas, mais pas une solution
Pour la psychologue Silvia Sanz, ces contenus offrent une « première porte d’entrée à la santé mentale et permettent de démocratiser des sujets longtemps considérés comme tabous ». Mais attention, « il y a une différence entre une thérapie personnalisée avec un professionnel et des diagnostics psychologiques adaptés au format TikTok destinés à attirer l’attention, les likes et l’argent », indique Luis Muiño, psychothérapeute et chroniqueur du podcast Entiende tu mente (Comprenez votre esprit). « Il y a des pépites d’informations sur TikTok, mais les réseaux sociaux sont conçus pour donner la priorité aux contenus qui provoquent les réactions les plus fortes, et non aux contenus les plus qualitatifs. »
Plus inquiétant, selon le psychologue américain Scott Lyons, 60 % des jeunes qui utilisent TikTok finissent par s’autodiagnostiquer un problème de santé mentale. Selon l'auteur d'Addicted to Drama, en proposant des diagnostics express, les réseaux sociaux assigneraient des étiquettes aux individus et limiteraient les capacités d'évolution personnelle. Il observe que beaucoup de ceux qui se sont autodiagnostiqués finissent par rejoindre des groupes en ligne pour partager leurs expériences avec d’autres personnes souffrant des mêmes maux. « C'est ce que nous appelons une union dramatique. Si nous nous réunissons autour d’une symptomatologie commune et que nous nous nourrissons les uns les autres, il nous est difficile de vouloir ensuite abandonner l’étiquette et les relations que nous en tirons. » Une inquiétude que partage María Arias, psychologue clinicienne, qui met en garde : « Être en thérapie est devenu tendance. Pourtant, recourir à un autodiagnostic ou à une thérapie simplifiée révèle souvent un mal-être plus profond », explique-t-elle. Car si une vidéo TikTok ou un post Instagram peuvent être bénéfiques et permettre d’amorcer une réflexion, il ne s’agit que d’un point de départ. « Reconnaître un schéma ou un symptôme, c’est bien, mais cela doit être suivi par un accompagnement professionnel », indique la psychologue.
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