
Difficile d'évoquer l'effondrement du vivant sans traverser une crise d'éco-anxiété carabinée, mais ces séries télé réussissent à aborder le sujet sans inviter à la défenestration.
À regarder lorsque la solastalgie submerge et pour contrebalancer les effets d’œuvres dystopiques ou post-apocalyptiques comme le roman La Route de Cormac McCarthy ou la série Black Mirror de Charlie Brooker. Avec Years & Years ou The Last Man On Earth, l'avenir ne manquera pas d'inquiéter, mais il ne plongera pas dans la prostration.
Ragnarök : fonte des glaciers, ados emos et mythologie scandinave
La série fantastique dano-norvégienne Ragnarök se déroule à Edda, petite ville montagneuse située près des glaciers du comté de Hordaland en Norvège. Abîmée par le réchauffement climatique et la pollution industrielle causée par une riche famille locale, la ville sert d'arène à un nouveau Ragnarök. Dans la mythologie viking, le Ragnarök (le « Crépuscule des dieux » ) marque la fin du monde annoncée par une série de catastrophes naturelles, entérinée lors de la bataille opposant les Ases, les Dieux nordiques, aux géants. Après avoir vaincu le clan d'Odin de la cité d'Ásgard, les Géants régnèrent sur la Terre. Des siècles plus tard, la mort d'une lycéenne militante écologiste et l'arrivée à Edda de Magne, adolescent dyslexique et renfermé, mettront en branle la reconstitution de Ragnarök, à laquelle prendront part les réincarnations des protagonistes de l'époque : loups, serpents, Dieux (les militants écolo) et Géants (les industriels). « Les géants sont toujours là. Ils détruisent le monde. Personne n'ose les combattre. Pour l'instant », prédit dès les premiers épisodes la caissière de la supérette, réincarnation d'une déesse prophète.
On a particulièrement aimé : la haute montagne norvégienne et les scènes où Magne, réincarnation de Thor, Dieu du Tonnerre, sort de son apathie et canalise sa colère pour dompter ses pouvoirs au son de Outro de M83. (I'm the king of my own land / Facing tempests of dust, I'll fight until the end). Plaisant, car il incarne de manière tonifiante la révolte des opprimés contre les riches tout-puissants qui se fichent bien de déverser des déchets toxiques dans les lacs.
The 100 : vaisseaux spatiaux, air pur et cannibales
Série de SF post-apocalyptique inspirée des romans de l'américaine Kass Morgan, The 100 raconte l'histoire des survivants embarqués à bord de L'Arche, une station spatiale envoyée en orbite à la suite de la guerre nucléaire ayant ravagé la Terre un siècle auparavant. Alors que la vie sur L'Arche devient impossible, 100 de ses habitants, tous mineurs et hors-la-loi, sont envoyés to the ground (au sol) en éclaireurs. Le but de leur mission : déterminer si la Terre est de nouveau habitable. Là, ils devront affronter de multiples dangers, entre hordes cannibales, fumées acides, retour dans l'espace et portail interdimensionnel.
On a particulièrement aimé : la manière dont les personnages se disent au revoir, May we meet again (que nous puissions nous revoir) ; la scène du premier épisode de la saison 1, lorsque les jeunes arrivent sur Terre et respirent pour la première fois l'air pur et frais d'une forêt luxuriante ; la ténacité des personnages, qui se cognent sans cesse aux difficultés et mettent tout en œuvre pour survivre ensemble.
Sweet Tooth : forêt, voyage et petits animaux mignons
Adapté des comics de l'auteur canadien Jeff Lemire, Sweet Tooth est une série de science-fiction à l'ambiance désuète et pastorale. Alors qu'un mystérieux virus décime lentement mais sûrement les Hommes, une nouvelle race émerge : des créatures hybrides mi-humaines mi-animales pourchassées, enfermées et tuées par des braconniers cupides. Alors que la société s'effondre et que des militaires surarmés s'emparent des villes, un père se retire dans la forêt pour protéger Gus, son jeune enfant mi-garçon mi-cerf. Sa mort inopinée conduira Gus à vivre toutes sortes d'aventures comme il tente de retrouver sa mère et de rallier un refuge dédié aux hybrides.
On a particulièrement aimé : les scènes du premier épisode où Gus et son père vivent leur meilleure vie dans une maisonnette de mousse et ramassent du bois pour le feu au son de Maple Sap de River Whyless. Et bien sûr, tous les paysages sublimes de l'Ouest américain qui donnent envie de les revoir un jour.
The Last Man On Earth : supermarchés déserts, mobile-home et bière tiède
Une fois n'est pas coutume, un étrange virus s'est abattu sur la planète. En 2020, Phil Miller parcourt les États-Unis à la recherche d'autres survivants avant de se rendre à l'évidence : il est le dernier Homme sur Terre. De retour à Tuscon, il passe ses journées à boire et à s'occuper tant bien que mal. Alors qu'il décide de se suicider, son chemin croise celui de Carol Pilbasian, une femme pétillante et optimiste, parfaite opposée de Phil l'anti-héros. C'est le début d'un monde nouveau.
On a particulièrement aimé : observer le héros déambuler sans but et faire main basse sur des tableaux de maître dans un musée, non sans y laisser par inadvertance des taches de beurre de cacahuète. Se rappeler que si l'enfer, ce sont les autres, l'affirmation marche aussi pour le paradis.
Years & Years : bacon grillé, Margaret Thatcher et drone livreur
Série d'anticipation britannique créée par Russell T. Davies, Years & Years démarre lors de la célébration de l’anniversaire de l’aïeule d'une famille unie et progressiste. Ce jour-là est retransmise en direct à la télévision l’attaque d’un missile atomique lancé par les États-Unis vers une île chinoise. Alors que Donald Trump est élu pour un second mandat, la série décrit sur une quinzaine d'années les divers bouleversements politiques, entre crises climatiques et financières, et dérive autoritaire sous la houlette d'un ersatz de Margaret Thatcher. L’avenir est sombre donc, mais pas dénué de joie : « C'est un monde absolument affreux. Mais je ne veux pas en rater une seconde », sourit la grand-mère.
On a particulièrement aimé : la transition qu'entend mener l'adolescente du clan, soucieuse non pas de changer de sexe mais de muter vers un corps augmenté pour ressembler à un avatar passé au filtre Snapchat. L'équilibre parfaitement réussi entre drame, comédie et fureur de vivre des personnages dans un monde de plus en plus hostile.
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