des vidéos extraites du compte de l'avocate

Procès Mazan : Pourquoi les avocats font le show sur les réseaux ?

Entre un karaoké douteux et une communication agressive, les vidéos de l’avocate de la défense Nadia El Bouroumi bouleversent le Web. Une nouvelle manière de défendre ses clients ?

« Je sors du procès Pélicot, woouh ! » Depuis le début du procès dans lequel sont poursuivis 51 hommes, pour la plupart pour des viols aggravés commis sur Gisèle Pélicot, droguée aux anxiolytiques par son mari, l’omniprésence numérique de certains des trente avocats de la défense secoue la toile et la profession. Chaque jour d’audience, l’avocate de deux des accusés, Nadia El Bouroumi, poste sur son compte Instagram — suivi par 53 000 personnes — des comptes rendus du procès.

Le 20 septembre dernier, Nadia El Bouroumi publiait par exemple en story une vidéo dans laquelle on peut la voir, au sortir de l’audience, face caméra. Elle y avance notamment que « finalement, la soumission chimique ne met pas K-O. » La veille, elle dansait, toujours en story, dans sa voiture au son de la chanson « Wake me up before you go-go » du groupe Wham!, que l’on peut traduire par « réveille-moi, avant que tu ne partes ».

Instagram, TikTok, tribunes, tout est permis

Il est loin le temps où les avocats en robe présentaient une mine grave en sortie de tribunal. À présent, les codes ont changé et lorgnent clairement du côté du contenu produit par les influenceurs. « Depuis 2014, les contraintes qui pesaient sur les avocats en matière de communication se sont assouplies », décrit Alexia Chiche, attachée de presse qui accompagne notamment des avocats. Jusque-là, aucune publicité proactive n’était admise.

Désormais, les avocats peuvent communiquer sur tous les canaux « dans le respect des principes de véracité, dignité, délicatesse et modération », précise la communicante. Intervention dans les médias, tribunes dans la presse, TikTok, tout est permis, ou presque. Face aux débordements, le bâtonnier et avocat Philippe Cano du Barreau d’Avignon a été sommé de réagir. Mais derrière ce chahut qui indignent les internautes, ne se cache-t-il pas aussi une savante stratégie de communication ?

« Un avocat qui communique répond à un besoin de dire qui il est et de se démarquer de ses confrères », décrit Alexia Chiche. « Chercher un avocat, c’est un peu comme chercher un psy. On ne sait pas trop vers qui se tourner, cela se fait beaucoup sur recommandation. » Comprenez ici : plus vous faites du bruit sur X et Insta, plus vous pourrez récupérer des clients et, pourquoi pas, participer à des dossiers d’envergure, plus médiatiques, et augmenter vos honoraires.

Des « maladresses » au service de l’influence

L’avocate de la défense dans le procès Mazan semble aussi vouloir s’appuyer sur le levier de l’influence. Les consultants en communication qui accompagnent les avocats restent convaincus que, dans une affaire comme celle-là, l’opinion publique et le climat général qui entoure le procès auront un effet sur les membres d’une cour d’assises : juges, jurés, mais aussi l’avocat général. De ce fait, un avocat maîtrise mieux le message qu’il souhaite faire passer lorsqu’il s’exprime à travers une tribune ou en prenant la parole sur ses réseaux sociaux, plutôt que sur un plateau télé où il sera confronté à ses contradicteurs. C’est sans doute pour cette raison que les nombreux avocats contactés dans le cadre de cet article n’ont pas souhaité s’exprimer sur ce sujet.

L’immédiateté et la volonté de faire le buzz ne sont peut-être pas forcément compatibles avec la justice. « Dans cette affaire, il y a des maladresses, et ce mot est un euphémisme », commente Alexia Chiche. « Les avocats ont le droit de s’exprimer publiquement pour défendre leur client, selon un principe de modération. Je crois que, dans ce cas, des limites ont été franchies. Peut-être est-ce lié à l’immédiateté des réseaux sociaux ? On réfléchit à deux fois quand on écrit une tribune, moins quand on poste une story sur Instagram. »

Exposition au harcèlement en ligne

Communiquer sur les réseaux sociaux expose aussi les avocats au risque de harcèlement en ligne. Nadia El Bouroumi évoque « des mails, des messages sur les réseaux sociaux, sur les comptes de mes filles » et a annoncé qu’elle allait déposer plainte contre X pour insultes et harcèlement. Là encore, la shitstorm peut servir les intérêts de l’avocat. En 2021, Naïri Zadourian, avocate au barreau de Paris, 57 000 abonnés sur X et 17 000 sur Instagram, avait subi les attaques de la fachosphère après avoir fait libérer pour vice de procédure son client, le rappeur français Da Uzi. Cet évènement qu’elle avait raconté au journal Le Monde aura eu l’avantage de lancer sa carrière et de remplir son carnet d’adresses. Peut-être que le téléphone des avocats de la défense dans le procès Mazan n’arrête pas de sonner.

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commentaires

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  1. Avatar Annick NAY dit :

    Nauséeux à souhait !

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