
Sur les étagères, dans les sacs des jeunes femmes et sur les réseaux sociaux… Les Sonny Angels sont partout. Pourquoi ces bébés potelés ont-ils gagné en popularité 20 ans après leur création ?
En septembre, Fioko.Shop, un concept store parisien, a inauguré la première expo consacrée aux Sonny Angels. Ces mini-figurines à l’esthétique kawaii ont littéralement fait craquer la planète. À quoi ressemblent-ils ? À de petits chérubins aux ailes d'anges, au regard espiègle, coiffés de couvre-chefs improbables : fraises, tulipes, requins... les collections se multiplient toujours plus. Chaque boîte, vendue autour de 12,50 euros, cache son contenu jusqu'à l'ouverture. Depuis l’ouverture de Fioko.Shop en 2022, son propriétaire affirme que les Sonny Angels sont incontestablement son produit phare.
L'aaaaamour du kitch
Du haut de leurs 7,5 cm, les Sonny Angels ont conquis toutes les sphères. Sur TikTok et Instagram, le hashtag #sonnyangel cartonne avec des millions de vues. L'engouement est surtout féminin, mais on retrouve aussi bien des anonymes exhibant fièrement leurs collections que des célébrités comme Bella Hadid ou Victoria Beckham. Sur Reddit, les fans partagent leurs trouvailles rares et des vidéos d’unboxing, tandis que dans les grandes villes, des meet-ups s’organisent pour faire des échanges. Les boutiques spécialisées ont rapidement saisi l’opportunité, face à une demande en pleine explosion. Même l’émission culte Saturday Night Live a consacré un sketch entier à ces petits anges en plastique.
Près de 3 millions de Sonny Angels ont disparu des étagères en 2023. Pourtant, elles existent depuis 2004. Leur créateur, le Japonais Toru « Sonny » Soeya, s’est inspiré du bébé tout mignon du logo de la mayonnaise Kewpie pour donner vie à ces chérubins à collectionner. Alors, pourquoi ces petites figurines ont-elles mis près de 20 ans à exploser ?
Des anges du réconfort
À l’époque où les Sonny Angels voient le jour, le Japon est en légère récession, et la situation économique se dégradera encore plus quatre ans plus tard. C’est dans ce contexte que Soeya imagine ces petites figurines, conçues pour remonter le moral et apaiser le stress des jeunes femmes japonaises qui travaillent. Leur slogan, « Il peut vous apporter le bonheur », capture parfaitement cette idée : offrir un petit compagnon de poche capable de redonner le sourire. Sur le site du fabricant, on peut lire la promesse : « Sonny Angel vous apportera des instants de réconfort dans votre quotidien ».
Konrad Lorenz, éthologue, a théorisé le « Kindchenschema », ou schéma du bébé, un ensemble de traits physiques comme une grosse tête, un visage rond et de grands yeux, qui éveillent chez les êtres humains une envie primitive de protection. Ce concept est à la base de l'esthétique kawaii et éclaire aussi la « folie Sonny Angels ». « Le regard du bonheur à l’état pur », commente @arianna.i sur TikTok, dans une vidéo où elle déballe un carton rempli de figurines.
Frénésie de collection et fièvre des reventes
Ce qui alimente réellement la frénésie autour des Sonny Angels, c’est le concept plus large de « Blind box ». Comme pour d’autres tendances récentes, vous n’avez aucune idée de ce que vous allez obtenir avant d’ouvrir la boîte. À l’instar des cartes Pokémon, un business qui joue sur la nostalgie des millenials, les Sonny Angels comptent des figurines rares, des collections limitées, et même des pièces ultra-spéciales comme Robby, l’ami insaisissable du bébé ange. Acheter devient un pari : plus vous collectionnez, plus vos chances d’obtenir le Sonny convoité augmentent.
De surcroît, cet aspect aléatoire, couplé à l’adrénaline addictive de l’ouverture d’un Sonny Angel, s’aligne parfaitement avec les attentes de TikTok et Instagram. Les vidéos d’unboxing ont un potentiel viral indéniable, ce qui a sans doute propulsé les ventes vers de nouveaux sommets en 2023 et 2024. Avec la viralité croissante et un fabricant qui produit un nombre limité de bébés ailés, la pénurie n’a pas tardé à se faire sentir, ce qui augmente encore la demande.
Tout comme pour le marché des sneakers, un marché secondaire a vu le jour. Sur des plateformes comme Amazon, Leboncoin, Vinted ou Depop (son concurrent américain), des reventes à des prix exorbitants commencent à fleurir. Par exemple, une figurine de la collection Dog Time est mise en vente par l’utilisatrice Sara_bqr à 180 euros sur son compte Vinted. Les « resellers » sont devenus un véritable enjeu, poussant certains magasins à restreindre leurs ventes en ligne pour endiguer cette course au profit. « Je déteste les revendeurs », s’indigne un membre de la communauté r/SonnyAngel, qui compte 33k abonnés. Pour les aficionados, il ne s’agit plus d’argent, mais de passion.
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