
Passerelles, variations idéologiques, ponts narratifs : quels sont les liens et dissemblances entre ces deux mouvements que tout semble opposer ?
« Blood and soil », le sang et la terre, la devise nazie qui établit une filiation entre la race et le territoire, est chantée sur la voie publique par un groupuscule suprémaciste, en 2017, à Charlottesville, en Virginie aux États-Unis.
Qui sont les écospirituels et les écofascistes ?
« Tuer les envahisseurs pour sauver l’environnement », « Sauvez les abeilles, pas les migrants. » Ces slogans s’échangent aujourd’hui en France via la messagerie cryptée Telegram sur de petits groupes nationalistes. Autre salle, autre ambiance : les écospirituels invitent paisiblement à se reconnecter à la nature, grâce à la sylvothérapie ou aux rites néochamaniques. De prime abord diamétralement opposées, ces deux mouvances ont chacune placé l'écologie au centre de leurs représentations. Pourtant, on constate qu'elles sont toutes deux traversées par des idéologies et croyances – anticapitaliste, spirituelles, naturalistes et essentialistes – qui se recoupent. Pour confronter ces mouvances, deux sociologues : Julia Itel, qui s’intéresse aux écospirituels, ceux qui entendent rétablir un lien avec une nature vivante et enchantée, au travers parfois de divers rites ancestraux réactualisés et Mathieu Colin, spécialiste des idéologies extrémistes, qui étudie les écofascistes, ceux désireux de combiner protection de l'environnement et agenda nationaliste.
Héritage historique, valeurs et esthétiques
Pour comparer ces deux mouvements, il faut tout d'abord comprendre la place qu'occupe la nature chez les écofascistes, chez qui l'écologie n'a pas tant à avoir avec l'environnement qu'avec la préservation d'une race et d'un biotope. Chez les écospirituels, la représentation de la nature est moins politisée : on a à faire ici à une nature animée, à laquelle il faut se reconnecter à titre individuel… Ces deux mouvances s’inscrivent chacune, dans un héritage historique bien précis, qui remonte à plus de deux siècles, qui commence avec le romantisme allemand et s'achève avec le new age dans les années 60. Aujourd’hui, ces deux mouvances se diffusent de plus en plus en France, notamment par le biais des réseaux sociaux et grâce à une imagerie soigneusement conçue, qui mise sur une esthétique alléchante.
Décryptage avec Julia Itel et Mathieu Colin. Bonne écoute !
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