
L'Autrichienne Marlene Engelhorn a décidé de distribuer 25 millions d'euros. Objectif : réduire les inégalités grâce à une meilleure redistribution.
Marlene Engelhorn se bat depuis des années pour un système fiscal plus équitable dans son pays. C'est donc en cohérence avec son militantisme que l'héritière autrichienne du géant des produits chimiques et pharmaceutiques BASF a décidé de redistribuer une partie de sa fortune. « 25 millions d'euros peuvent être redistribués parce que l'État ne les redistribue pas. J'ai cet argent parce qu'il n'est pas imposé », a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse.
La loterie de la naissance
Si certains peuvent y voir un coup de com, ceux qui la connaissent et s'intéressent à son parcours ne seront pas surpris. Depuis de nombreuses années, l’héritière exhorte le gouvernement autrichien à imposer plus largement les grandes fortunes. En août 2022, elle a rejoint l'événement Millionnaires for Humanity à Amsterdam, faisant campagne pour une augmentation des impôts sur les riches. La jeune femme est également cofondatrice du mouvement « Taxmenow ». Une initiative de personnes fortunées des pays germanophones pour plus de justice fiscale.
À défaut d'impôts sur les successions dans son pays (l'Autriche a supprimé en 2008 les droits de succession), la jeune femme a décidé de former un conseil de citoyens pour organiser la répartition de sa fortune. « Si les politiciens ne font pas leur travail et ne redistribuent pas, alors je dois redistribuer ma richesse moi-même », a-t-elle expliqué. Elle ajoute : « De nombreuses personnes ont du mal à joindre les deux bouts avec un emploi à temps plein et paient des impôts sur chaque euro gagné grâce à leur travail. Je considère cela comme un échec de la politique, et si la politique échoue, alors les citoyens doivent y faire face eux-mêmes. »
50 personnes pour redistribuer les richesses
Le Conseil « Guter Rat für Rückverteilung » (Bons conseils pour la redistribution) sera constitué de 50 membres dont 15 suppléants, de tous âges, de tous Länder, de toutes classes sociales et de tous horizons. Leur objectif : apporter leurs idées pour développer ensemble des solutions dans l'intérêt de la société. Les personnes sélectionnées participeront à des réunions à Salzbourg aux côtés d'académies et d'organisations de la société civile entre mars et juin 2024, tous frais couverts. À titre d'indemnisation, chaque participant recevra 1 300 dollars par week-end de présence afin de couvrir des frais inhérents à leur participation (garde d'enfants, frais de déplacement et d'hébergement…). Pour Marlene Engelhorn, les pourparlers seront un « service à la démocratie ». « Je n'ai aucun droit de veto », a-t-elle déclaré. « Je mets mon patrimoine à la disposition de ces 50 personnes et je leur accorde ma confiance. »
« Fiers de payer plus »
Marlene Engelhorn n'est pas un cas isolé. De plus en plus de super riches plaident en faveur d'une augmentation des impôts sur la fortune. À l'occasion du Forum de Davos qui débute aujourd'hui, 260 millionnaires et milliardaires ont signé une lettre intitulée « fiers de payer plus » (Proud To Pay More*) demandant aux gouvernants mondiaux de les taxer davantage : « Notre demande est simple : nous vous demandons de nous taxer, nous, les plus riches de la société. Cela ne modifiera pas fondamentalement notre niveau de vie, ni ne privera nos enfants, ni ne nuira à la croissance économique de nos pays. Mais cela transformera une richesse privée extrême et improductive en un investissement pour notre avenir démocratique commun. »
Ils pourraient bien sûr, passer par les voix de la philanthropie. Mais le collectif estime que ce n’est pas aux riches de choisir à qui distribuer leur fortune en fonction de leurs intérêts ou de leurs goûts. « La solution à ce problème ne peut être trouvée dans des dons ponctuels ou dans la philanthropie ; l’action individuelle ne peut pas remédier au déséquilibre colossal actuel. Nous avons besoin que nos gouvernements et nos dirigeants prennent les devants. C’est pourquoi nous revenons à vous pour vous demander d’agir de toute urgence – unilatéralement au niveau national et ensemble sur la scène internationale », indiquent-ils. Selon Marlene Engelhorn : « 2024 pourrait être le début d’un véritable changement si le G20 prenait au sérieux l’idée de faire payer plus d’impôts aux personnes comme moi. Dans un contexte de montée parallèle du populisme et de la richesse excessive, nous ne pouvons pas nous permettre une autre année de négligence économique sans mettre davantage en péril la démocratie. Le G20 brésilien peut contribuer à résoudre cela s’il dirige les efforts mondiaux pour nous faire payer plus d’impôts, à nous les ultrariches. »
Plusieurs millionnaires se trouveront à Davos pour remettre la lettre et inviter les dirigeants à réfléchir : « La véritable mesure d’une société réside non seulement dans la manière dont elle traite ses membres les plus vulnérables, mais aussi dans ce qu’elle exige de ses membres les plus riches. Notre avenir est celui de la fierté fiscale ou de la honte économique. C’est le choix que nous devons faire. »
*Coordonnée par Patriotic Millionaires, Patriotic Millionaires UK, Taxmenow, Millionaires For Humanity et Oxfam
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