Alors que les femmes iraniennes se découvrent pour protester contre leur gouvernement, un haut dirigeant déclare que les algorithmes peuvent être utilisés pour identifier toute personne ne respectant pas les codes vestimentaires.
Après plusieurs mois de révolte inédite suite à la mort en garde à vue de Mahsa Amini, le gouvernement iranien durcit sa répression contre les manifestants. Selon Wired, ce dernier pourrait aujourd'hui déployer la reconnaissance faciale dans les espaces publics afin d'identifier les femmes ne portant pas le hijab, dont le port est obligatoire depuis 1979.
Les mollahs et la reconnaissance faciale
En août dernier, le président iranien Ebrahim Raisi a imposé de nouvelles restrictions quant à la manière dont les femmes pouvaient s'habiller. Après que les législateurs iraniens aient suggéré que la reconnaissance faciale devrait être mise en place pour faire respecter le port du hijab, le chef d'une agence gouvernementale iranienne veillant au respect des « lois de moralité », a déclaré en septembre 2022 que la technologie serait utilisée « pour identifier les mouvements inappropriés et inhabituels », y compris « le non-respect des lois sur le hijab ». Les individus pourraient être identifiés en comparant les visages à une base de données nationale pour imposer des amendes et procéder à des arrestations, a-t-il déclaré. Deux semaines après sa prise de parole, Mahsa Amini mourait en garde à vue, déclenchant plus de 19 000 arrestations et 500 morts.
D'après Wired, des lanceurs d'alerte locaux auraient observé que de nombreuses arrestations avaient lieu non pas dans la rue mais au domicile des particuliers, plusieurs jours parfois après les manifestations où les Iraniennes sans hijab auraient pu être aperçues et directement interpellées. Pour quelques lanceurs d'alertes, le procédé témoigne du déploiement de la reconnaissance faciale. Si tel est le cas, l'Iran serait le premier pays à utiliser cette technologie pour imposer une loi vestimentaire aux femmes sur la base de croyances religieuses.
Une possibilité étayée par Mahsa Alimardani, qui étudie la liberté d'expression en Iran à l'Université d'Oxford. D'après elle, plusieurs femmes iraniennes auraient reçu par courrier postal des citations à comparaître pour violation de la loi sur le hijab, et ce, alors qu'elles n'avaient eu aucune interaction avec les forces de l'ordre, souligne le média américain. Selon la chercheuse, le gouvernement iranien a passé des années à construire un appareil de surveillance numérique. Crée en 2015, la base de données d'identité nationale du pays comprend des données biométriques et est utilisée pour les cartes d'identité nationales et pour identifier les personnes considérées comme dissidentes par les autorités.
Une brève histoire de la surveillance iranienne
Un propos soutenu par Cathryn Grothe, chercheuse pour Freedom House, une organisation à but non lucratif soutenue par le gouvernement américain qui travaille sur les Droits de l'homme. D'après elle, un changement s'est opéré ces dernières années en Iran, qui s'éloigne d'un système de surveillance misant sur des informateurs et des patrouilles physiques et embrasse une forme de contrôle numérique automatisé. D'après Wired, plusieurs branches du gouvernement iranien ont accès à reconnaissance faciale. Les agents de la circulation iraniens ont commencé à l'utiliser en 2020 pour distribuer des amendes et envoyer des avertissements aux femmes par SMS concernant le port du hijab à l'intérieur d'un véhicule. Toujours selon le média américain, une partie de la technologie utilisée actuellement en Iran provient de la société chinoise Tiandy, l'un des plus grands fabricants de caméras de sécurité au monde, dont la plupart des ventes sont réalisées en Chine.
Légalement, les contrevenantes iraniennes peuvent perdre l'accès à leur banque, aux transports en commun et à d'autres services gouvernementaux essentiels. Les récidivistes peuvent passer des années en prison ou dans « une école de moralité forcée. » Mousa Ghazanfarabadi, le chef de la commission parlementaire juridique et judiciaire du pays, s'est prononcé l'année dernière en faveur de « l'exclusion des services sociaux et des amendes financières » dans les cas de non-respect du code vestimentaire.
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