
Entre désillusions et licenciement massifs, les yuppies désertent les grandes villes côtières.
Leur nouvel eldorado, une ville peu connue des touristes : Boise, capitale de l'Idaho, à l'est de Portland, l'une des villes les plus isolées des États-Unis. Mais aussi animée, bon marché, chaleureuse et proche de la nature, s'enthousiasment les nouveaux arrivants. De plus en plus de jeunes se détournent du littoral pour explorer l'intérieur du pays, laissant derrière eux grandes métropoles et boulots dans la tech, indique un rapport.
Au revoir les logiciels, bonjour les semi-conducteurs
Avec sa rivière, ses montagnes et ses multiples coffee shops, Boise est devenue au cours de la dernière décennie le foyer d’un boom technologique. Micron, spécialiste des semi-conducteurs, y construit une usine qui devrait ouvrir ses portes en 2025, et deux sociétés locales ont été rachetées par des grands noms du secteur : Kount a été acquis par Equifax en 2021, et TSheets par Intuit en 2017. Une étude analysant les « tech migrations » a aussi révélé que l'Idaho était l’État avec la plus grande augmentation d'emplois technologiques, rappelle Wired. Sur Handshake, site destiné à la recherche d'emplois pour les étudiants et jeunes diplômés, les candidatures pour les postes localisés à Boise ont augmenté de 116 % l'année dernière. Ce phénomène fait de la capitale de l'Idaho la deuxième ville où les recherches de travail se sont le plus accrues, après Columbia dans le Maryland.
En outre, les jeunes s'écartent des emplois traditionnellement populaires proposés par les compagnies du Web. Désormais, beaucoup préfèrent rejoindre l'industrie manufacturière, des entreprises de matériel informatique et de semi-conducteurs, ou candidater pour des postes de fonctionnaires. En 2021, plus de 40 % des candidatures soumises sur Handshake ont été adressées à des sociétés d'Internet et de logiciels, un chiffre tombé à 25 % en septembre 2023. Dans le même temps, les candidatures à des emplois gouvernementaux ont doublé. Un constat aussi dressé par Fortune, qui souligne : « La génération Z et la génération Y tentent d’éviter les licenciements en se tournant vers des emplois gouvernementaux mal payés mais "stables" ». En cause : la grosse claque de la désillusion. Les jeunes diplômés spécialisés dans l'informatique s'attendaient à embrasser une carrière lucrative chez Meta, Amazon et compagnie. À la place, ils ont été confrontés aux gels d’embauche et aux licenciements massifs. Entre 2022 et 2023, plus de 400 000 personnes ont été licenciées dans la tech. Les dernières entreprises concernées : Twitch, Discord, Duolingo, Amazon et Google.
« Ici, vous pouvez très facilement vous permettre d’avoir le style de vie dont vous rêvez »
Si une partie de la croissance économique de Boise est imputable à la tech, elle est aussi stimulée par la culture entrepreneuriale locale. Boise, c'est un peu le Nashville ou Austin d'il y a 20 ans, affirme Clark Krause, à la tête du Boise Valley Economic Partnership. Les restaurants gastronomiques fleurissent, la ville a son propre festival de musique et les pistes de ski ne sont pas loin. Pour un petit appartement, il faut débourser en moyenne 1300$ par mois, contre 3 400 à San Francisco. « Ici, vous pouvez très facilement vous permettre d’avoir le style de vie dont vous rêvez », explique Clark Krause. Une croissance qui a un coût. Les prix des logements ont augmenté de 50 % depuis 2019. La ville a aussi investi 340 millions de dollars pour rendre son centre-ville plus accessible à pied et a annoncé l'année dernière son intention de réaménager des centaines de logements abordables.
D'après certains experts, la roue devrait tourner dans le secteur de la tech, les recrutements reprendre. Pas sûr que cela suffise à regagner le cœur d'une génération Z en quête de sécurité et de confort. « Lorsque vous recherchez la stabilité et que vous voyez ensuite les gros titres sur les licenciements, cela n'évoque pas la stabilité », relève Christine Cruzvergara pour Wired. « Aux États-Unis, le déménagement vers des villes plus abordables et non côtières est attrayant pour une génération qui a vu les millennials se débattre sous l’endettement étudiant et la hausse des coûts du logement », souligne le média.
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