Kamala harris sur un fond de noix de coco

« Kamala Harris va-t-elle dire “noix de coco” dans son discours ? » Parier sur la politique, nouveau dada des Américains (et des Français)

On savait les paris sportifs addictifs. Voici leur évolution maléfique. Sur Polymarket, les paris ont remplacé les sondages politiques.

Les paris sportifs, c'est dépassé. Place aux paris politiques. Vous vous demandez si les États-Unis confirmeront l'existence des extraterrestres en 2024 ? Pas de problème,Polymarket a une cote pour ça. Fondé en 2020, le site est rapidement devenu le premier « marché de prédiction », en offrant de parier sur tout et n’importe quoi : politique, pop culture, sciences… Des centaines de millions de dollars transitent chaque mois. Mais le best-seller du moment, c’est le duel entre Donald Trump et Kamala Harris. Au total, plus d’un milliard de dollars ont été joués autour de cet évènement. Sur la page d’accueil, un compte à rebours affiche les jours restants avant le scrutin de novembre : 85 % des mises du site concernent désormais l’élection américaine

Cryptos, trading et politique : le cocktail explosif de Polymarket

Polymarket ne se limite pas à prédire le vainqueur. Beaucoup de paris politiques annexes, souvent absurdes, s’y multiplient. « Kamala Harris va-t-elle dire “noix de coco” dans son discours ? » Ou encore : « Donald Trump répétera-t-il au moins 15 fois le mot “border” (frontière) lors de sa conférence à New-York ? » (80 % de chances). Et à chaque fois, ces paris mobilisent des millions de dollars.

Mais si la plateforme est aussi populaire, c’est qu’elle permet aussi de faire du trading en temps réel. On peut acheter et vendre son pari comme s’il s’agissait d’une action, dont le prix est compris entre 0 et 1$ en fonction de sa probabilité. Ainsi, la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle est actuellement cotée à 49 cents, contre 51 cents pour Kamala Harris. Ce marché, ouvert 24/24 et 7 jours sur 7, ne dort jamais. De plus, toutes les transactions sont effectuées en cryptomonnaies. Une couche spéculative supplémentaire qui parachève un cocktail spéculatif particulièrement addictif.

Dans la peau d’un parieur

Polymarket n’a pas seulement conquis les Américains. En France aussi, la plateforme séduit. Mathieu, 26 ans, est l’un de ces traders. Il utilise le site depuis un an, principalement pour boursicoter avec ses cryptomonnaies. Le jeune homme se qualifie lui-même d’ « un peu degen » (c'est-à-dire, avec un léger penchant pour les investissements burlesques). Avec une mise de départ de 100$, il raconte qu’il est aujourd’hui « un peu en perte », même s’il a réalisé quelques bons coups.

En juin dernier, il a même misé sur la politique française : « J’ai parié sur ” François Ruffin 1ᵉʳ ministre” » s’amuse-t-il. « Je m’étais placé quand il était encore à trois centimes. Je suis ressorti vers les 20 ou 30 centimes. Je monitore. » Traduction : il surveille en direct les variations, pour revendre ses paris au bon moment. « Ce qui est intéressant sur Polymarket, c’est que l’on peut vraiment suivre son pari jusqu’à la dernière seconde. La cotation en direct 24/24, je trouve ça génial, je pense que ça va changer le monde des paris. » À présent, il se consacre presque entièrement aux élections américaines. Il s'est tellement pris au jeu qu'il suit désormais l'évolution de la course à la Maison-Blanche et écoute attentivement les discours de Donald Trump, un habitué des déclarations farfelues.

« Faites confiance au marché, pas aux sondages » Et si les paris disaient vrai ?

Mais là où Polymarket est peut-être le plus novateur, c’est dans sa fonction de thermomètre des tendances électorales. En fournissant en temps réel les cotes des parieurs, la plateforme donne un aperçu continu des intentions de vote. Un outil de prédiction plus fiable que les sondages traditionnels ? C’est l’avis de Shayne Coplan le fondateur de Polymarket qui s’en remet à la « sagesse des foules » pour justifier son business. Fan d’Ethereum, adoubé par la Silicon Valley, à 26 ans à peine, son profil (et sa coupe de cheveux) n’est pas sans rappeler l’ascension fulgurante de Sam Bankman-Fried, à l’origine du scandale de la plateforme crypto FTX.

La vision du jeune CEO se résume en un slogan simple : « Faites confiance au marché, pas aux sondages ». Une approche qui semble pour l’instant lui donner raison. Polymarket s’invite en effet sur les plateaux télé et tend à remplacer les traditionnels sondages, comme le fait CNN dans ses émissions. Sur l’AppStore américain, l’application Polymarket Forecast, classée dans « journaux et magazines » vient même de dépasser le New York Times en termes de nombre de téléchargements. Signe que de plus en plus d’Américains l’utilisent, non par pour faire du trading, mais bien pour s’informer sur l’évolution des probabilités.

Le CEO de Polymarket, s’est réjoui de voir sa Plateforme dépasser le New York Times en termes de téléchargement sur l’App Store. Source :

Prédire l’avenir, mais à quel prix ? Pour la chercheuse Molly White, qui documente les dérives liées au Web 3 et aux cryptomonnaies, Polymarket est problématique. « Les journalistes commencent à utiliser les données de la plateforme comme s’il s’agissait d’un sondage fiable, alors qu’il y a des biais énormes. De plus, les parieurs ne votent pas comme ils misent. » Ces considérations éthiques sont toutefois bien loin des préoccupations des millions de traders qui espèrent faire fortune sur la prochaine couleur de chemise de Donald Trump.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire