
Ce n'est pas parce que c'est le bordel dans votre vie que cela doit aussi être le cas dans votre téléphone. (Dixit les coachs en question.)
Un coucher de soleil orangé sur la plage en été, le selfie partagé sur Whatsapp pour montrer sa déconfiture face au dernier 49.3, et votre chat obèse en train de dormir roulé en boule. Entre les dossiers de vacances au ski sur l'ordinateur qui n'ont pas été ouverts une fois en sept ans, le téléphone assailli de photos sur toutes les applications de messagerie et le disque dur externe saturé qui ne montre aucun signe de vie depuis 2014, nous croulons sous les photos. Pour remettre de l'ordre dans tout ce qui s'entasse et déborde de partout, un nouveau métier a émergé.
Les coachs photo, qui sont ces gens ?
Après les coachs en rangement, astrologie ou deuil d'animaux de compagnie, voilà venus les coachs photo. Repris par Courrier International, le journal allemand Die Zeit se penche chaque semaine sur les coulisses d'un métier passion. Parmi eux, les coachs en organisation et rangement photo, sorte de Marie Kondo des clichés numériques qui se chargeront de décider si cette photo mal cadrée et un peu floue de vos pieds ensevelis sous le sable de la Méditerranée ou les multiples selfies que vous envoient vos amis lorsqu'ils s’ennuient au bureau méritent d'être conservés. En bref, les coachs photos, sans doute relativement peu nombreux, sont sollicités pour apprendre à dompter notre boulimie d'images. Et ce travail incombe principalement aux femmes, principales clientes des coachs photo. « Beaucoup d'entre elles ont endossé le drôle de reporter de la famille », rapporte Le Courrier International. Parmi les précieux conseils proposés par Dagmar Nürnberg, 49 ans, pour qui classifier ses photos s'apparente à un moi ordonné : faire le tri (ce qui ne vous apporte pas de joie, etc.) et refréner notre propension à dégainer son objectif pour capturer, à tout moment, tout ce qui nous entoure : pizza colorée, coupe de cheveux ratée, latte à la surface soyeuse, ciel nuageux, spectacle de fin d'année où sa progéniture joue pour la cinquième fois d'affilée le rôle de « Buisson numéro 2 ».
« Des fossiles préservés dans l’ambre »
Et le conseil de la coach s'applique aussi aux captures d'écran, souvent plus intimes et confidentielles que nos photos souvent pensées pour être partagées. À ce titre, elles méritent peut-être de vivre leur vie en paix. À l'inverse des photos, les captures d'écran seraient « des fossiles préservés dans l'ambre », des tranches de vies organiques et révélatrices. Dans The New York Times, la journaliste Clio Chang observe : « Quand je suis lovée dans mon lit la nuit et que je veux passer en revue mes souvenirs, je vais d'abord dans mon dossier de captures écran, pas dans mes albums photo. » D'après elles, les captures d'écran seraient la version expurgée des stratagèmes et de la mise en scène de nos photos, l'expression d'une identité plus brute et moins polie. Un avis partagé par Victoria Jaynes, anthropologue britannique. Dans son essai intitulé La vie sociale des captures d'écran : le pouvoir de la visibilité dans les groupes d'amitié pour adolescents, elle questionne la nature socioculturelle de cet objet numérique, dans lequel elle discerne un outil de construction de la psyché.
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