
En montrant le soin maniaque qu'ils mettent à la préparation de leurs colis, les « small businesses » ont inventé un format vidéo ultra-efficace pour faire craquer leurs clients.
« Emballons ensemble une commande de 200 dollars pour Elizabeth ! » ! Ainsi débutent les vidéos d’Aaliyah Arnold, propriétaire de la marque Boss Up Cosmetics : un produit, un prénom et tout son matériel pour composer un joli paquet. La mise en scène est soignée, le son du carton qu'elle plie et du scotch qu'elle tire, bien audible. Un à un, elle détaille les produits qu’Elizabeth a commandés et ceux qu’elle lui offre en récompense de tous ses achats – une façon de la remercier. Des vidéos de packaging, semblables à celles d’Aaliyah, on en trouve des centaines de milliers sur TikTok. Elles émanent de « small businesses », ces microentreprises qui se développent sur et par les réseaux sociaux et qui on fait de leur préparation de paquets de véritables outils marketing.
Packaging et ASMR : le match parfait
Si la préparation de commandes s’impose dans les tendances TikTok, ce type de contenu fait bon ménage avec l'ASMR. Car faire un joli paquet peut produire de ces petits sons satisfaisants qu'adorent les amateurs de chuchotements – avec craquements, frottements et clappements en tous genres. Le #asmrpackaging sur TikTok compte près de 1,3 milliard de vues. Lisa adore ce format asmrpackaging. Elle est détentrice du compte MermaidStraws (2,4 millions d'abonnés sur TikTok), une entreprise spécialisée dans la vente de gourdes, et de mugs en plastique ultra-colorés, et chacune de ses vidéos correspond à un nouveau colis attestant à la fois du succès de son entreprise et du temps qu’elle accorde aux gens qui la soutiennent. Pour ce qui est du bruit, chaque étape de la préparation est divisée, étirées, à grand renfort de claquements, de cliquetis et d'une débauche de papier, de cartons, de plastique.
Moins de bruit et plus de blabla
Les vidéos de « packing » ne jouent pas forcément sur de l’ASMR. Souvent, nous avons aussi à faire à des « conteuses d’histoires ». Tout le long du visionnage, la voix off de l'entrepreneur relate des anecdotes ; sur sa vie, celle de ses acheteuses ou encore de l’histoire du produit qu’il ou elle est en train d’emballer. Parfois, le récit n'a rien à voir, au point qu’on ne comprend plus très bien ce que nous regardons. Le but est de capter l’attention jusqu’au bout. Sonia, par exemple, gère le compte TikTok Gislerjewellery (29,6 k followers), du nom de sa marque de bijoux. Elle commence ce type de vidéos par une phrase d’accroche : « Aujourd’hui, j’ai commis une grosse erreur ». Puis, elle s’embarque dans le récit des péripéties d’une « propriétaire d’un commerce de joaillerie depuis 4 ans... ». Nous comprenons alors qu’elle a oublié de faire payer une cliente dont elle avait déjà expédié la commande, qu’elle lui a désespérément envoyé un message, ne pensant pas qu’elle ferait acte de bonne foi. Elle s’était trompée ! La cliente a procédé au paiement, sans que rien ne l’y contraigne, car « elle adorait sa nouvelle bague ». En moins d’une minute, on a pu voir les articles que Sonia proposait, la manière dont ils sont protégés lors de l’envoi et à quel point ses acheteurs sont heureux de ce qu’ils reçoivent. Avec près de 5 millions de vues, la publicité se fait toute seule. Dans une autre vidéo, elle explique que le bijou qu’elle est en train d’emballer va servir à acter le divorce d’un couple, une histoire susceptible d’éveiller notre intérêt. Le fait d’emballer s’inscrit dans le storytelling qui gravite autour de ces petits commerces des réseaux sociaux. Savoir conter, c’est aussi capter l’attention d’un potentiel client, qui, désireux de connaître le fin mot de l’histoire, finira surtout par en savoir plus sur la marque.
Vous prendrez bien un supplément d'amour ?
Ces vidéos apparaissent donc comme un des outils de communication de ces nouveaux « small businesses ». Dans les commentaires, on peut lire : « Les small businesses mettent juste un peu plus d’amour dans chaque commande et c’est ça qui vous rend si spéciaux » – ou encore « cela me donne envie de monter mon entreprise ». Pour d’autres acheteurs, ce type de vidéos tourne à l’obsession. Ils espèrent que, s’ils commandent, leur nom sera prononcé, que leur colis sera emballé en vidéo. Sous les #asmrpackaging de Lisa, on peut lire : « J’ai passé commande et j’aimerais beaucoup que vous la filmiez pour que ma fille puisse la voir, elle adore regarder vos vidéos ! » Ce à quoi Lisa répond : « Envoyez-nous un mail avec le numéro de votre commande pour avoir une chance qu’elle soit filmée ! ». D’autres clients déçus de ne pas voir leurs achats sur la page du compte préviennent que toutes les commandes ne sont pas filmées.
Beaucoup de bruits (et de papiers) pour rien !
Quelques-uns s'émeuvent. Dans un monde de ressources limitées, il est évidemment absurde de prôner la surenchère des emballages. Face aux questions, certains entrepreneurs parviennent à se justifier – « Pourquoi tu mets un colis en carton dans une boîte en plastique ? Ça ne sert à rien ! » – « La boîte en carton n’est pas imperméable et tout ce que j’utilise est recyclable ! » Quelques curieux ne sont pas dupes, insistent et comprennent que l’emballage est souvent là pour cacher des produits qu'on trouve facilement ailleurs, moins cher. « On trouve tout chez Action, [là] il y a seulement beaucoup de papier. »
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