
Des artistes de la GenZ qui réinventent l'art sacré, un procès retentissant autour de manuscrits rares, ou encore des mèmes et images d'IA élevés au rang d'œuvres d'art... En 2025, le monde artistique ne cesse pas de créer.
Dieu leur a donné la foi : comment la religion inspire les artistes de la GenZ
Repérée par le New York Times, une nouvelle vague d'artistes réintroduit la spiritualité et les symboles religieux dans l'art contemporain, mêlant technologies de pointe et questionnements existentiels. Ce mouvement, porté par des créateurs comme Chris Lloyd, Brian Oakes, Rachel Rossin ou Harris Rosenblum, rompt avec l'image d'un art séculier, voire cynique.
11-septembre, crise financière de 2008, pandémie de Covid-19, polarisation de la société, populisme rampant… Ces artistes, nés dans les années 1990, ont grandi dans un monde marqué par l'instabilité. Face à ces bouleversements et à l'omniprésence des technologies, ils cherchent à créer de nouveaux récits visuels, traversés par les motifs religieux et baignés de culture geek.
Leur approche est éclectique, mêlant les références chrétiennes, bouddhistes ou New Age à l'esthétique des jeux vidéo et de l'animation. Chris Lloyd crée des collages issus d’images trouvées en ligne, combinant imagerie médiévale et poèmes chrétiens un peu kitsch, tandis que Brian Oakes conçoit des sculptures électroniques et cinétiques évoquant des anges ou des roues enflammées, façon Ancien Testament. Rachel Rossin, quant à elle, a transformé une galerie en chapelle high-tech avec des peintures d'anges animés et de « mechas » (personnages de science-fiction aux armures robotisées). Les médiums utilisés sont variés : peinture, sculpture, mais aussi impression 3D, électronique et intelligence artificielle. Harris Rosenblum pousse cette fusion à l'extrême en créant des « reliques » imprimées en 3D inspirées de glitches de jeux vidéo, ou en générant des manuscrits par IA sur du parchemin véritable.
Cette tendance reflète-t-elle un besoin de transcendance et de sens dans un monde jugé trop matérialiste et technologique ? Elle interroge en tout cas notre rapport aux algorithmes, parfois perçus comme une nouvelle force du destin (Lloyd) ou comme une réflexion sur la spiritualité et le hasard (Oakes).
Mèmes, slops…, as a courant artistique
Et si l’on regardait les mèmes sous le prisme de l’histoire de l’art ? C’est la thèse d’Aidan Walker, expert du site Know Your Meme, qui offre une lecture nouvelle de ces images virales, modifiées et partagées massivement en ligne. Il compare les deep fried memes, images volontairement dégradées et saturées, au mouvement post-impressionniste. Tout comme Van Gogh utilisait des coups de pinceau visibles pour rappeler la matérialité de la peinture, ces mèmes exagèrent leur pixellisation pour souligner leur nature numérique. Sorte de friture visuelle, ces images disent ainsi l'absurdité de l'usage intensif de mèmes auxquels plus personne ne comprend rien.
Walker va plus loin en qualifiant Wojak, omniprésent sur les forums en ligne, de « Mona Lisa de la génération Z ». La versatilité de ce personnage chauve au demi-sourire énigmatique en fait un miroir unique de la société numérique, comparable à l'œuvre de Vinci. Souvent anonymes et oubliés dans les limbes du Web, les mèmes en racontent beaucoup sur la manière dont on projette ses identités sur Internet. Un jour, peut-être, un musée leur sera consacré.
L'intelligence artificielle engendre, elle, une nouvelle forme de surréalisme digital. Nous connaissons ces images générées par IA qui inondent les réseaux, créant cet univers fascinant et malaisant – typique de l’Uncanny Valley (Vallée de l’étrange). Ce phénomène que certains appellent « slop » ( « bouillie », qualifiant tout type de contenu médiocre créé par IA, possiblement à terme le carburant d’un Internet devenu « zombie » ), tandis que d’autres parlent de « Boomer Trap » pour leur capacité à duper une certaine tranche démographique, pourrait-il aussi constituer un courant artistique ?
Dans son Manifeste du surréalisme en 1924, André Breton pose comment ce genre peut combiner rêves et réalité pour créer en quelque sorte une réalité plus « vraie » que nature. Pour The Washington Post, ces images au style kitsch et mélodramatique, bien que souvent créées à des fins publicitaires, politiques (voyez MAGA aux États-Unis) ou d'escroquerie, savent aussi jouer sur cette veine – et sur nos émotions. Certains artistes explorent déjà cette voie. Grands-mères avec des queues de sirène, grenouilles fumant des cigarettes, pizzas au pepperoni poussant comme des fleurs sauvages…, l’Ukrainienne Polina Kostanda, qui signe sous le nom de Polly in Wonderland, crée et vend (en tirage ou en NFT) le genre d’images qui ne dépareillerait pas dans un groupe AI Boomer Trap sur Facebook…
L'affaire à suivre en 2025 : le « Madoff français » et ses manuscrits devant la justice
C’est un procès hors du commun qui se tiendra du 8 au 30 septembre 2025, à Paris. Dans le cadre de l’affaire Aristophil, Gérard Lhéritier, président de la société du même nom, et sept autres personnes comparaîtront devant le tribunal judiciaire, accusés d'escroquerie en bande organisée et de pratiques commerciales trompeuses. Des agissements qui lui ont valu le surnom de « Madoff français » .
Cette affaire, qui a vu 18 000 épargnants investir près de 850 millions d'euros dans des manuscrits anciens et lettres rares (Einstein, Gary, Sade, Proust, Hugo, Saint-Exupéry, Baudelaire, Napoléon, Van Gogh, Gauguin…), promet d'être un évènement juridique et financier majeur. Aristophil proposait aux investisseurs de devenir propriétaires, en pleine propriété ou en indivision, de ces pièces – avec à la clé un rendement attractif de 8 % par an. Issu d’une famille de plombiers dans la Meuse, l’intrigant M. Lhéritier est aussi un personnage balzacien, à l’histoire peu commune. Séduisant le Tout-Paris de la culture, créant un musée des Manuscrits à Paris, organisant des rencontres et des remises de prix avec moult personnalités, faisant des dons à la Bibliothèque nationale de France, il arriva à créer une aura de prestige autour d’Aristophil qui acheva de convaincre les investisseurs.
Mais derrière la promesse d’un « eldorado financier », la justice soupçonne une pyramide de Ponzi, où les investisseurs entrants paient sans le savoir les intérêts des sortants – un dispositif frauduleux rendu célèbre par l'affaire Madoff. Dix ans après les premières plaintes, près de 5 000 parties civiles espèrent être reconnues comme victimes et obtenir une indemnisation, pour avoir parfois perdu les économies d’une vie.
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