
Des capteurs de glucose aux perfusions de jouvence, en passant par la fertilité sur ordonnance… Biohacking et médecine se confondent toujours plus. La preuve par trois signaux faibles qui bousculent nos certitudes sur la santé.
La santé métabolique passe à la vitesse supérieure
Comment va votre métabolisme ? C'est la question de santé publique qui monte, à l'image des cas de syndrome métabolique (SMet). Celui-ci touche entre 20 et 25 % de la population mondiale. Ce syndrome, qui réunit des conditions allant de l'hypertension à l'excès de graisse viscérale, en passant par l'hyperglycémie, est une rampe de lancement vers les maladies cardiovasculaires, le « foie gras » ou le diabète de type 2. Sa prévalence a explosé à la faveur de nos styles de vie occidentaux, qui encouragent l’alimentation ultratransformée, la sédentarité, le tabagisme. Le phénomène inquiète jusque dans les rangs de l'armée : ce que les Américains appellent le Too Fat to Fight ( « trop gros pour combattre » ) est aussi identifié comme un risque par l’armée française.
La santé métabolique devient un marché de masse, se déclinant en plusieurs segments. Les capteurs de glycémie, d'abord destinés aux diabétiques, sont adoptés par ceux qui traquent la glycation chère à Jessie Inchauspé, aka Glucose Goddess, qui diffuse ses pics de glycémie à 4 millions de followers. Des entreprises comme Signos, Nutrisense ou Zoe mettent ces CGM (continuous glucose monitor) au cœur de leurs modèles. Le développement des technologies numériques facilite cette tendance : qui d’Apple ou de Samsung sera le premier à l’intégrer dans une smartwatch ?
L'impact s'étend à la santé mentale avec l'émergence à l'université de Stanford d'un nouveau champ, celui de la « psychiatrie métabolique » , explorant les interventions diététiques pour traiter les troubles mentaux. Comme l'explique le Dr Shebani Sethi : « La thérapie métabolique nutritionnelle peut servir d'intervention médicale significative pour les maladies mentales. »
Autre sujet : la lutte contre la sarcopénie. Ce mot, qui désigne la fonte musculaire liée à l'âge, est l'obsession de ceux qui valorisent le health span (espérance de vie en bonne santé). Leur bras armé sera la musculation. L'Américain Peloton a ainsi lancé Guide et Strenght+, des initiatives destinées à faire sortir le « Netflix du vélo » de sa mauvaise passe. Des biotechs cherchent aussi des réponses médicales, notamment à l'ère Ozempic, le médicament antiobésité qui aurait tendance à accélérer cette fonte.
IV Drips, ou la régénération en intraveineuse
Les seringues sont de sortie, avec le succès des IV drips aux États-Unis. Ces perfusions intraveineuses, censées améliorer la santé, booster l'énergie et ralentir le vieillissement, sont devenues un phénomène de mode, popularisées par des célébrités comme la famille Kardashian-Jenner ou Gwyneth Paltrow. Cette dernière a même participé au podcast de son naturopathe avec une intraveineuse de glutathion dans le bras. Selon le Wall Street Journal, la tendance pour 2025 est de recevoir son « cocktail de Myers » (une formule de vitaminothérapie populaire) dans un spa de luxe, à domicile ou sur son lieu de vacances, à la demande. Comptez entre 150 et plus de 1 000 dollars la perfusion, pour traiter un large éventail de symptômes, de la déshydratation à la léthargie, en passant par la gueule de bois (oui, oui).
Un cran plus loin, l’échange plasmatique, ou plasmaphérèse, gagne du terrain. Cette procédure, qui consiste à filtrer le plasma sanguin pour éliminer les déchets métaboliques et les toxines, est utilisée dans certains contextes médicaux contre les maladies auto-immunes. Popularisées par les biohackers pour de prétendus effets régénératifs, comme avec le milliardaire libertarien Peter Thiel, ces pratiques alimentent fantasmes et controverses – mais aussi le compte en banque de ceux qui les proposent. Chez Next Health, à Los Angeles, il vous en coûtera 10 000 dollars la séance de TPE (therapeutic plasma exchange).
Malgré leur popularité croissante, ces méthodes suscitent le débat dans la communauté scientifique. La FDA (Food and Drug Administration) a averti dès 2021 que les allégations concernant les IV drips étaient exagérées et non soutenues par la recherche. L’organisation a également mis en garde sur les risques encourus par leurs consommateurs : « Les produits pharmaceutiques composés, contaminés ou de mauvaise qualité peuvent entraîner de graves maladies chez les patients, voire la mort. » Quant au remplacement de plasma et ses vertus anti-âge, si les résultats sur l’homme ne sont pas avérés, les risques d’infection et de réaction immunitaire sont, eux aussi, bien réels.
Fertilité et contraception : piloter ses options reproductives
Reprendre la main sur sa santé reproductive. Briser le stigma autour de l’infertilité. Ouvrir de nouvelles options de contraception aux individus. La santé reproductive s’émancipe et devient l’affaire de tous. Une personne sur six est touchée par l’infertilité dans le monde, selon l’OMS. Une chute de moitié du nombre de spermatozoïdes au niveau mondial sur les cinquante dernières années. Cette situation alarmante pourrait, selon les chercheurs à l’origine de cette dernière étude, « menacer la survie de l’humanité ». Si cette « crise mondiale liée à notre environnement et à notre mode de vie modernes » doit être traitée comme un enjeu de santé publique ou de « réarmement démographique », selon le choix des termes, le marché s’empare aussi de la question.
La biotech française Igyxos mise sur les anticorps monoclonaux, tandis que Wistim présente une application pour simplifier la vie des femmes qui suivent un parcours de PMA. Aux États-Unis, Modern Fertility propose des tests de réserve ovarienne. Le Suisse Ava a développé un outil de surveillance de la fertilité via un bracelet.
Côté contraception, les algorithmes envahissent les applications destinées à prédire les périodes de fertilité, pour celles et ceux à la recherche d’une méthode naturelle façon « Ogino » dopée à l’IA. Le Suédois Natural Cycles a levé en 2024 50 millions d’euros. En parallèle, la recherche sur les contraceptifs masculins avance. Parmi les projets en développement, le gel hormonal NES/T, en cours de phase II aux États-Unis, semble des plus prometteurs.
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