des flares de lumières dans le noir

Oui, la VR peut faire pleurer. La preuve avec le film Vestige

© Vestige - Aaron Bradbury

À la Galerie Cinéma à Paris, le documentaire en réalité virtuelle Vestige bouleverse. Il raconte l’histoire vraie de Lisa Elin, jeune femme dont le mari, disparu dans des circonstances tragiques, hante encore sa mémoire.

C’est bien la première fois qu’un film en réalité virtuelle réussit à nous arracher une larme. Voire deux. Voire quelques-unes de plus, ok. Autant vous dire qu’avec un casque hermétique vissé sur la tête, lâcher les grandes eaux n’a rien de vraiment pratique. On ressemble à ces personnages de cartoon dont les larmes s’accumulent à l’intérieur de l’œil, allant jusqu’à noyer leur pupille. Loupé au VR Arles Festival de 2018, présenté au Tribeca Film Festival la même année, c’est à la Galerie Cinéma, à Paris, que nous découvrons Vestige, court-métrage documentaire en VR et jolie cause de nos tourments.

Voyage à travers la mort, le deuil et la mémoire

Plongée immersive dans la mémoire d’une jeune femme, Lisa Elin. Le film retrace les souvenirs qu’elle a d’Erik, son mari brusquement décédé en 2016. Au téléphone, la narratrice nous raconte les anecdotes, les voyages, les détails et les contradictions qui ont rendu son histoire d’amour aussi singulière, et sa disparition aussi brutale. L’écran est noir, mais nous percevons des flares de lumière mouvants, sortes de fragments colorés matérialisant ses souvenirs et évoluant au fil de la conversation.

En réalité, ce que l’on entend est un enregistrement audio. Il provient d’appels téléphoniques échangés entre Lisa et le réalisateur du film, Aaron Bradbury. Les deux ont commencé à discuter en novembre 2016, soit six mois après la mort d’Erik.

« Au cours de ma dernière année d'entretiens réguliers avec Lisa, j'ai été témoin de sa transformation à travers le deuil, rapporte le réalisateur anglais sur son site. Elle parlait souvent de cet "abîme noir" dans lequel elle était plongée, de ses souvenirs cycliques de la mort d'Erik. Des souvenirs déclenchés par tout ce qui était même légèrement lié à lui ; Noël, les anniversaires, le ski, le canapé, un bar à salades... Dans nos entretiens les plus récents, un an après sa mort, elle parle des changements positifs que lui a apporté le processus du deuil. Elle saisit aujourd’hui des occasions pour expérimenter de nouvelles choses, elle essaie de vivre le moment présent, de donner un nouveau sens à sa vie ».

Quand la VR décuple le processus d’identification

Durant une quinzaine de minutes, la version française du film est portée par la voix de Marion Cotillard. L’expérience, minimaliste et puissante, ne requiert aucune interaction physique. On déambule seul à travers les souvenirs épars de Lisa, de la chambre d’hôpital dans laquelle elle accompagne les derniers soupirs d’Erik à l’appartement où ils se sont aimés. Le thème est universel et l’on s’identifie facilement à son histoire, certes, mais le medium de la VR n’a jamais paru aussi évident. Avec, c’est aussi la puissance de la mémoire et la cruauté nécessaire du deuil que l’on se prend en plein visage. On pense inévitablement aux êtres qui nous sont chers et notre capacité d’empathie atteint son paroxysme. Certains décrivent un moment cathartique à l’issue du film, d’autres une expérience étonnamment positive, le sentiment d’avoir pris une leçon de vie sans frôler un instant le misérabilisme. L’immersion, sensorielle et émotionnelle, conférée par la réalité virtuelle est totale.

Si vous vivez la chose comme nous, vous en sortirez bouleversés, mais sereins. Casque de VR et mouchoir à la main.

Vestige : à voir au studio VR de la Galerie Cinéma
26, Rue Saint Claude
75003 - Paris

Environ 10 euros les 15 minutes et 25 euros l'heure. 


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Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.

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