
Pointé du doigt, le chanteur Shane Lynch comme performant des rituels satanistes sur scène, Taylor Swift a déclenché une nouvelle panique morale. Mais c’est loin d’être la première star concernée.
Dans l’un de ses derniers concerts, Taylor Swift monte sur scène avec ses danseuses encapuchonnées dans une cape verte et tenant à la main un orbe doré. Cette esthétique qui emprunte au mouvement religieux et ésotérique de la wicca était déjà présente dans son clip Willow ou l’on voyait la pop star participer à un sabbat de sorcières autour d’un feu mystique. Il y a quelques mois, la star sortait un autre clip, Karma dans laquelle elle apparaissait dans un décor infernal avec un masque de créature à cornes.
Pour Shane Lynch, un ancien chanteur de boys band devenu chrétien fondamentaliste, tous ces indices sont évidents : il accuse la star d’accomplir des rituels satanistes sur scène, même si d’après lui, « elle ne s’en rend pas toujours compte ». Cette accusation a été reprise par de nombreux comptes Facebook avant d’être debunkée par le média Poynter qui travaille avec Meta pour factchecker les rumeurs.
Michelle se souvient
Dressons une petite liste des artistes ayant été accusés de fricoter avec le diable et de boire du sang d’enfant les soirs de pleine lune. On y trouve Lil Nas X qui twerk avec Satan dans Montero, Sam Smith qui aborde des cornes sur son chapeau haut de forme durant les Grammy, Rihanna ou Beyoncé qui font des triangles Illuminati avec les mains, les groupes de métal Black Sabbath, Mötley Crüe, Ozzy Osbourne accusés de pervertir la jeunesse ou Slayer dont l’album Hell Await commençait par une phrase scandée à l’envers disant « rejoins-nous ». Vous l’avez compris, depuis les années 80, les artistes ont toujours joué avec l’imagerie sataniste si chère aux complotistes. Il faut dire qu’à cette époque, une grande panique morale touchait les États-Unis. Après la sortie du livre Michelle Remembers, un ouvrage racontant les souvenirs refoulés d’une jeune femme qui aurait subi des rituels satanistes durant l’enfance, de nombreux parents vont accuser des personnelles de crèche et d’écoles maternelles de mener les mêmes sévices sur leurs enfants. Peu importe que les souvenirs de Michelle Smith aient été inventés et suggérés par son psychanalyste et coauteur Lawrence Pazder, l’Amérique va vivre un nouvel épisode de chasse aux sorcières, ou plutôt de chasse aux satanistes surréalistes au sein de laquelle les artistes vont être impliqués. Dans un article consacré au phénomène, le New York Times évoque près de 200 accusations et des dizaines de condamnations injustes qui se sont soldées par des années de prison pour des personnes innocentes.
Pourquoi tant de diableries ?
Si les années 80 semblent lointaines, cette peur du diable qui s’en prend aux enfants ne s’est jamais évanouie. En 2016, la théorie autour du pizzagate reprenait encore ces histoires invraisemblables liant des élites politiques du camp démocrate à des rituels satanistes consistant à torturer des enfants pour leur extraire de l’adrénochrome. C’est cette histoire que l’on retrouvera en 2020 pendant la montée du mouvement Qanon. Durant ces périodes où les peurs se cristallisent, les artistes queers qui performent l’ambiguïté de genre et sexuelle, ou les stars absolues qui entraînent des millions de fans très jeunes feront toujours les frais de cette panique.
Pourquoi les stars de musique (ou même toutes les musiques de la branche du rock et du blues depuis ses origines) sont accusé de satanisme ? Tout simplement car ce sont des musiques païennes, qu'avant elles la religion catholique condamnait d'hérésie tout ce qui s'opposait ou remettait en cause les dogmes de l'église catholique. Depuis, c'est resté, généralisant ces postures païennes comme ennemies de la morale. Sexe, drug & rock'n'roll sont le Veau d'or des croyants et des prudes.
Je vous conseille Phantom Of The Paradise (1974), de Brian De Palma. Dans ce chef d’œuvre partiellement inspiré du mythe de Faust, un producteur musical à gros succès a vendu son âme au diable en échange de la jeunesse éternelle. A son tour, il fait signer des contrats à des compositeurs et chanteurs, les condamnant du même coup. Il est une sorte de sous-traitant du diable dans le commerce des âmes.
Le show-biz en prend pour son grade dans ce film. Les producteurs et impressarii sont des dealers, des voleurs, des assassins. Les compositeurs et chanteurs sont de pauvres hères qui cherchent le succès sans comprendre qu'ils appartiennent corps et âme au show-biz.
Et dans la vraie vie ? Les producteurs musicaux sont effectivement des ordures qui souhaitent juste vendre et qui se carrent dans l'oignon la musique et les artistes, si vous ne me croyez pas cherchez sur google des scandales autour de la kpop par exemple. Les chanteurs et compositeurs sont effectivement de faibles personnalités. Pour le succès, ils acceptent de voir leur art mutilé et retravaillé par des pros du commerce, ils acceptent le vol de leurs œuvres, ils deviennent des loques humaines sous cacheton. Un bon docteur les remonte comme des horloges quand ça ne va pas. Un jour il meurent d'overdose et on organise un grand concert de vautours pour se faire du blé une dernière fois en leur mémoire.
Enfin pas besoin d'être croyant pour voir que le show-biz est intrinsèquement "diabolique" hein (pas littéralement au sens biblique). Pour vendre, il faut du sordide, du cul, de la violence, de la défonce, le culte de la personnalité et de l'argent, des tournures musicales simplifiées au maximum, etc. Exemple ? Taylor Swift faisait un carton auprès d'un public restreint d'amateurs de country grâce à des mélodies travaillées et un style simple de country girl. Comment a-t-elle atteint le succès national puis mondial qu'on lui connait ? Les producteurs lui ont fait simplifier sa musique au maximum et maintenant elle se produit sur scène en tenue de danseuse du crazy horse, porte jarretelles de cochonne, bustier de péripatéticienne et bas-résille de cagole. Une Beyoncé blanche quoi (qui n'aurait pas vendu un album sans être bonnasse soyons honnêtes).
Mais vraiment regardez Phantom Of The Paradise et arrêtez de croire que dans le show biz on puisse trouver autre chose que des commerçants et des déséquilibrés.
Merci pour ce papier tellement "éclairant"... Mais donc, pourquoi autant de diableries comme vous dites dans les clips ou autres visuels de tous les artistes cités dans cet article ? Quelle est la symbolique derrière ? Peut être que ça vaudrait la peine de le comprendre vu la récurrence de ces symboles dans l'univers de l'industrie musicale mainstream américaine. Et d'autant plus quand on écrit un article sur le sujet.