
C’est l’histoire de mecs, il y a fort longtemps, qui se sont amusés à répertorier des centaines de couleurs, sur des centaines de pages, à la main, pour le plus grand plaisir de nos yeux.
En 1963, la société Pantone lance son premier système de classement des couleurs. Aujourd'hui, elle fait référence. Mais elle était loin d'être la première sur le créneau !
Le « traité de couleurs » (1692), un ouvrage pour maîtriser l'art de l'aquarelle
En 1692, soit 271 ans plus tôt, un certain A. Boogert, venu des Pays-Bas, s’initie à la même tâche. Il explique, dans un ouvrage de plus de 700 pages, comment faire de l'aquarelle. On y apprend comment mélanger les couleurs et changer leur ton en y ajoutant des portions d’eau. Au fil de ses explications, les différentes nuances qu’il décrit sont illustrées au sein d’un index exhaustif. Une petite perle qu’il est aujourd’hui possible d’admirer sur e-corpus.org (même si le site est momentanément indisponible).
« Au 17ème siècle, âge d'or de la peinture hollandaise, ce manuel aurait dû faire sensation », explique l’historien hollandais Erik Kwakkel, l’un des premiers à faire écho de son existence en ligne. « Il est donc logique que l'auteur explique dans l'introduction qu'il a écrit ce livre à des fins éducatives. Et de façon remarquable, parce que le manuel est écrit à la main. Il est littéralement unique en son genre. Pour autant, il n’a pas eu la portée ou l’attention qu’il mérite parmi les peintres et les historiens d’art moderne de l’époque ».
Spécialiste de la période médiévale, l’historien a traduit une partie de cette introduction. Le livre est actuellement conservé à la Bibliothèque de Méjanes, à Aix-en-Provence.
« La Nomenclature des couleurs de Werner » (1814), l’équivalent de votre palette de couleurs sur Photoshop
Publié à l’époque « pré-photographique », cet ouvrage était le guide de référence ultime des artistes, scientifiques, anthropologues et naturalistes du 19ème siècle. Charles Darwin l’aurait même consulté lors de ses voyages à Madère, aux îles Canaries et au Cap-Vert… Détaillée à l’extrême, chaque nuance possède son ou ses équivalences dans le monde réel. Un rouge carmin sera par exemple associé à la crête d’un coq, à une framboise ou encore à un rubis !
Originellement conçue par le minéralogiste Abraham Gottlob Werner à la fin du 18ème siècle, la classification sera par la suite étayée par l’artiste écossais Patrick Syme. Sa première réédition est publiée en 1814. Elle est aussi consultable sur Internet Archive. Sur un site dédié, le designer Nicolas Rougeux propose sa propre réédition de l’ouvrage sous la forme d’infographies et de posters. Quant à la réédition de Patrick Syme, elle est disponible sur Amazon.
(Photo : A.Boogert)
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