Le géant du streaming vient de faire l’acquisition du studio de jeux vidéo Night School Studio pour bâtir son propre catalogue de jeux. L’annonce fait suite au lancement de New World, le premier jeu en monde ouvert d’envergure de son concurrent Amazon.
Jouer à un jeu vidéo après avoir avalé une série sur Netflix ? Cela pourrait arriver plus vite qu’on ne le croit. La plateforme de SVOD a annoncé le 28 septembre le rachat du studio indépendant Night School Studio, développeur et éditeur du jeu Oxenfree. Une annonce attendue qui confirme la volonté de Netflix d’investir durablement le monde du jeu vidéo… tout comme ses concurrents.
« Son souci d’excellence artistique et son expérience avérée du secteur en font un partenaire inestimable à l’heure où nous entreprenons de bâtir ensemble une équipe créative et un catalogue de jeux Netflix », a déclaré Mike Verdu, vice-président du développement de jeux chez Netflix dans un communiqué. Ancien du géant Electronic Arts, le producteur américain a été débauché de chez Facebook il y a quelques mois. Il y pilotait les contenus en réalité virtuelle et augmentée de la plateforme. « Comme nos séries et films, ces jeux feront partie de l’abonnement Netflix, sans publicité ni achats intégrés », a précisé ce dernier.
« Le gaming n’est plus seulement un jeu, il est en train de glisser au centre de l’industrie du divertissement »
Pour Fabien Gaëtan, spécialiste du jeu vidéo et du divertissement social chez We Are Social, l’annonce n’est pas surprenante, mais elle en dit long sur le futur de l’industrie. « Le gaming n’est plus seulement un jeu, il est en train de glisser au centre de l’industrie du divertissement. C’était attendu, surtout depuis que Netflix a admis publiquement craindre un phénomène comme Fortnite. »
Début 2019, le CEO de Netflix Reed Hastings avait en effet prévenu ses actionnaires qu’il fallait davantage craindre le jeu vidéo à succès d’Epic Games que HBO et Disney pour des raisons de temps d’écran. Il faut dire que l'industrie vidéoludique, qui génère près de 300 milliards de dollars de recettes dans le monde, pèse désormais plus lourd que celles de la musique et du cinéma combinées, selon le cabinet de conseil Accenture. On comprend donc que Netflix veuille mettre les bouchées doubles.
Netflix veut raconter ses histoires
« On parle d’une plateforme productrice de storytelling, forte d’un énorme catalogue d’histoires, qui s’associe à un créateur de jeux vidéo indépendant, poursuit Fabien Gaëtan. Netflix ne cherche pas à accumuler des licences puissantes comme le fait Microsoft, mais à raconter ses histoires, ses propres productions, au format de jeu vidéo. » Le futur catalogue de la plateforme devrait en effet se baser sur des productions Netflix existantes.
Cela fait plusieurs années que le géant tente de séduire son plus jeune public en adaptant des jeux vidéo, dont The Witcher en 2019, et bientôt Arcane, une fiction inspirée de l’univers du jeu League of Legends. En 2018, la plateforme s’était déjà frottée à l’univers du gaming avec Black Mirror: Bandersnatch, un film interactif de science-fiction adapté de sa série d'anthologie Black Mirror. Récemment, Netflix a aussi commencé à tester deux jeux mobiles tirés de sa série à succès Stranger Things.
Amazon & Co dans la danse
Bien sûr, la société va devoir composer avec d’autres acteurs, et pas des moindres. Le 28 septembre, soit le jour de l’annonce faite par Netflix, Amazon lançait son premier MMO (jeu en ligne massivement multijoueur), New World.
« C’est la dernière tentative d’Amazon dans le domaine après une série d’échecs », commente Fabien Gaëtan. Six mois plus tôt, la branche jeux vidéo du géant dont la création remonte à 2012, avait été contrainte d’annuler la création d’un jeu de rôle en ligne basé sur la saga Le Seigneur des Anneaux. C’est le cinquième jeu vidéo majeur qu’Amazon annule ou interrompt ces dernières années, selon le média Quartz.
De là à penser que Netflix et Amazon se tirent déjà la bourre, peut-être pas donc, mais il est certain que chacun expérimente. « Netflix vend les histoires de son catalogue, alors qu’Amazon va plutôt vendre une expérience de jeu sociale, où l’on se connecte avec plein de gens, explique Fabien Gaëtan. Quand Facebook fait du jeu vidéo, c’est pareil. La plateforme va plutôt miser sur des dynamiques sociales en tirant partie de gens qui sont déjà connectés entre eux. On est sur des territoires différents. »
À noter que d’autres grandes marques, du cinéma notamment, sont passées par là. « Une entreprise comme la Warner fait autant du cinéma que des séries TV et des jeux vidéo. Idem pour la marque Lego, poursuit-il. On vit une période où tout s’accélère. Il devient “organique” pour les entreprises du divertissement d’évoluer à la décennie. Netflix s’est lancé il y a plus de 10 ans en vendant des DVD. Quoi de plus logique que la plateforme se mette aux jeux vidéo aujourd’hui ? »
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