À la Gaîté Lyrique, le festival Les Ailleurs expose une dizaine d'œuvres immersives jusqu'au 18 juillet 2021. Parmi elles, les expériences What Is Left of Reality? et The Smallest of Worlds, qui plongent dans la détresse existentielle d’éco-anxieux et d’anonymes confinés.
On ne penserait pas spontanément à la réalité virtuelle pour se reconnecter aux autres, en particulier après plus d’un an de distanciation physique. Pourtant à la Gaîté Lyrique, on redécouvre le médium, son pouvoir d’évocation et la facilité avec laquelle il réussit à décentrer notre perception.
Jusqu’au 18 juillet 2021, une dizaine d'œuvres immersives mêlant réalité virtuelle et augmentée, spatialisation sonore et écrans interactifs, sont exposées dans le cadre du festival de création numérique Les Ailleurs. Pensé en association avec les magazines Fisheye et Fabbula, le parcours, entièrement plongé dans le noir, est dès le départ propice à une forme de contemplation solitaire.
Direction… ailleurs
On y déambule en chuchotant, guidés par une poignée de médiateurs, le long d’un parcours découpé en trois temps : « voyages sauvages », pour entrer en symbiose avec le monde animal, « dimensions parallèles » pour goûter à des trips plus expérimentaux et enfin « transports intimes » qui plonge dans les eaux troubles de nos psychés.
Solitude liée au confinement et mémoire collective, détresse existentielle liée au réchauffement climatique, immigration et désenracinement… C’est peut-être ce dernier qui aura le plus attiré notre attention, pour la diversité des sujets traités et leur résonance avec l’actualité et l’époque trouble que nous traversons.
À la frontière de nos identités
Pas question ici de sortir les violons, mais de plonger à l’intérieur de ressentis humains résolument contemporains.
Avec The Smallest of Worlds, sortes d’archives immersives en réalité virtuelle, on saute à pieds joints dans le salon ou le lit défait d’anonymes du monde entier durant leur période de quarantaine et d’isolement. Au creux du casque, les témoignages s’accumulent dans toutes les langues : « Les jours défilent et je me souviens rarement de ce que j’ai fait la veille », « le fait que mes collègues voient mon intérieur m’angoisse, je ne sais plus dissocier vie pro et vie privée », « j’ai arrêté de rêver »... bref, une collection de souvenirs et de paroles intimes liées à la pandémie qui prennent la forme d’une mémoire collective à visiter en 3D.
À deux pas, l’expérience documentaire What Is Left of Reality? est projetée sur un écran interactif. Ici, pas besoin de casque : il faut bouger devant une caméra pour influer sur le film et ses envoûtants scans volumétriques. D’une forêt verdoyante construite en nuages de points à la vision d’un monde hyper-industrialisé sur le point de s'effondrer, on entre en contact avec des hommes et des femmes atteints de solastalgie ou d’éco-anxiété, cette angoisse liée à l’action de l’être humain sur la planète et à la menace du réchauffement climatique.
On boucle finalement le parcours avec le film en réalité virtuelle The Book of Distance, un voyage dans le temps interactif plongeant dans l’émouvante histoire d’immigration d’une famille japonaise. En 1935, Yonezo Okita quitte sa maison d’Hiroshima et commence une nouvelle vie au Canada. Mais la guerre et le racisme cautionné par l’État viennent tout changer : il devient l’ennemi du pays qui l’a accueilli.
Participer à la conversation