Déchiffrer les ondes électromagnétiques des arbres, numériser la pollution, connecter les toiles d’araignées : on vous emmène pour un détour poétique dans l’Internet des plantes, un espace qui tient autant de la friche artistique que de l’utopie politique.
Connaissez-vous le Wood Wide Web ? Il s’agit du réseau le plus répandu et le plus primal, celui-ci qui relie entre elles toutes les espèces animales et végétales de nos forêts. Champignons, mycorhize, micro-organismes… Tous ces organismes communiquent dans un enchevêtrement sidérant de complexité et d’équilibre. Le Wood Wide Web a inspiré nombre d’artistes qui s’attachent aujourd’hui à déchiffrer les possibilités offertes par l’Internet des plantes, c'est-à-dire la possibilité de relier le végétal à Internet de la même manière que l'on connecte un ordinateur au web. Une exploration artistique qui s’ouvre vers une réflexion plus politique sur les possibilités d’un Internet alternatif.
A STUDY OF SCARRED LANDSCAPES d’Amanda Lewis (2022)
QUOI : Dialoguer avec le végétal, c’est aussi prendre conscience des effets des comportements et techniques humaines sur le vivant. L’artiste Amanda Lewis s’appuie sur le numérique pour rendre palpable cette réalité difficilement perceptible. En proposant de capter puis de mettre en musique les données sur les effets de la pollution environnementale, elle crée un pont entre pratique artistique, réflexion scientifique et pensée écologique. Son dispositif propose des sons électroniques plus ou moins stridents en fonction du niveau de pollution de l’air.
QUI : Amanda Lewis s’intéresse aux relations que nous nouons avec le non-humain, et particulièrement les plantes. L’objet de son travail est de proposer des outils et des pistes de réflexion pour nous permettre d’entamer des dialogues fertiles, et non pas prédateurs, avec le vivant.
www.amandalewis.fr/scarred-landscapes/
ARBOREAL RECEPTORS N1 et N2 de Ioana Vreme Moser (2021)
QUOI : Peut-on dialoguer avec un arbre ? L’artiste Ioana Vreme Moser a imaginé un dispositif radiophonique qui permet d’écouter la parole des arbres en décryptant les signaux qu’ils émettent. Son installation est pensée pour retransmettre les champs électromagnétiques émis par les végétaux et les convertir en fréquence sonore. Celles-ci passent souvent sous les radars de nos récepteurs saturés par la multiplication des écrans et autres artefacts technologiques. Et pourtant, les arbres réagissent ; en extrapolant, on pourrait même considérer qu’ils parlent. Avec ce travail, Ioana Vreme Moser nous ouvre un nouveau canal d’écoute.
QUI : Ioana Vreme Moser est une jeune artiste transmédia d’origine roumaine. À l’intersection entre pratique sonore, numérique et esthétique, son exploration de l’Internet des plantes est marquée par une approche do it yourself et expérimentale.
www.ioanavrememoser.com/arborealreceptors
TRADESCANTIA de Bérénice Serra (2021)
QUOI : 1971. L’année de l’envoi du tout premier email sur le réseau Arpanet, l’ancêtre d’Internet imaginé par l’armée américaine. 1971 est aussi l’année où l’Américain David Latimer commence à faire pousser une herbe amérindienne du nom de tradescantia. Cette plante a la particularité de pousser dans des milieux clos, sans air frais ni eau. L’artiste Bérénice Serra s’est inspirée de cette plante qui croît au rythme d’Internet et possède ce procédé de photosynthèse unique. Pour le projet Tradescantia elle imagine une page Internet alimentée par la photosynthèse de la plante. Le point de départ d’une réflexion sur l’autonomie et la subsistance dans les marges d’Internet.
QUI : Artiste française basée entre Caen et Zurich, Bérénice Serra explore les relations entre les éditions numérique et physique. Elle enseigne les arts digitaux et l’édition d’art en Normandie.
http://berenice-serra.com/tradescantia/
LIFE SUPPORT SYSTEM (aka THE FARM) de disnovation.org et Baruch Gottlieb
QUOI : Cette installation s’attache à montrer tout ce qui est nécessaire pour cultiver 1 mètre carré de blé. Alors que la sphère économique renvoie la nature à une forme d’altérité tout juste bonne à nous rendre des « services écologiques », ce projet s’attache à rendre visible la complexité du vivant et de son équilibre. Grâce à des capteurs numériques, tous les intrants et les extrants sont quantifiés de manière à rendre justice au travail de la nature. Un travail dont les fruits sont le plus souvent confisqués de manière à alimenter des logiques marchandes.
QUI : Disnovation.org est un centre de réflexion critique sur le numérique qui se situe à l’intersection entre art contemporain, recherche et hacking. Les projets soutenus s’attachent à questionner nos imaginaires technologiques pour donner à voir ce que pourrait être une société libérée de l’obsession de la croissance économique.
http://disnovation.org/lss.php
ON AIR de Tomás Saraceno au Palais de Tokyo (2018)
QUOI : Web et toile d’araignée. L’analogie peut paraître évidente, et pourtant personne ne s’en était emparé avant Tomás Saraceno. Il est l’un des premiers à explorer le potentiel artistique des toiles d’araignées. Aussi délicates que robustes, celles-ci sont des réseaux destinés à transmettre des informations. L’envoi d’un signal sonore transforme la toile en instrument de musique. Et si l’on connecte une interface numérique à ce réseau organique, alors il devient possible d’entrer en communication avec les araignées. L’artiste argentin s’attache à explorer toutes les possibilités de ces interfaces animal-machine. Il le raconte au micro de Xavier de La Porte, dans l’un des épisodes de son émission Le code a changé.
QUI : Artiste argentin, Tomás Saraceno se passionne depuis toujours pour les araignées. Dans ses filets, il rapporte quantité de connaissances scientifiques sur la manière avec laquelle celles-ci ressentent, communiquent et interagissent.
Aller plus loin : Pour approfondir ces enjeux, rendez-vous à la Gaîté Lyrique pour suivre la programmation du NØ LAB de Dasha Ilina et Benjamin Gaulon !
Passionnant!