
Où l'on découvre qu'Apple n'aime pas le cinéma indépendant ukrainien spécialisé dans les parodies et que la firme n'a ni le sens de l'humour ni celui des proportions.
Pour Apple, défendre son territoire de marque est un combat de chaque instant. Ici, l'ennemi d’Apple s’appelle Vasyl Moskalenko. Jeune réalisateur ukrainien, inconnu en Europe, mais populaire dans son pays pour ses dystopies satyriques et ses comédies à message. En 2020, Moskalenko a lancé un étonnant court métrage. Un super-héros était capable de vaincre le mal en utilisant le pouvoir des fruits. Évidemment, rien ne semble avoir un rapport avec la marque à la pomme. Si ce n'est le nom du héros : Apple-Man. Cette simple homonymie aura suffi pour déclencher les foudres de l’entreprise. Depuis le mois de juin 2021, Apple fait tout ce qui est en son pouvoir pour combattre Apple-Man. Sur les réseaux, Vasyl Moskalenko bataille pour démontrer l’absurdité d’une telle procédure. Récit d’une bataille juridique pour le moins insolite.
Apple-Man contre Apple, la pomme de la discorde
Commençons par le commencement. De quoi parle Apple-Man ? Ni de Mac, ni d’Airpods. Dans la bande du projet, on découvre un monde plongé dans la tourmente. Un mage maléfique, Burgerman veut réduire l'humanité en esclavage avec son équipe de truands. Chacun incarne un vice de la surconsommation – on découvre entre autres un très méchant Whisky-Man et un horrible Doc Saucisse. Pour sauver le monde, le réalisateur ukrainien a donc imaginé un héros, qui pour seule arme, peut lancer des pommes. Le film parodie les blockbusters type Marvel, tourne en ridicule toutes les outrances des scénarios des films d'action, et s'attaque à la société de consommation. Mais rien ne vise le marché de la high-tech.
Aujourd’hui bouclé et produit, le projet a entièrement été financé de manière participative après avoir réuni 120 000 $ sur la plateforme Kickstarter. Afin de l’exporter, le brevet du film a même été déposé et approuvé par le PTO (office des brevets et des marques américain). Et c’est là qu’Apple est entré dans la danse. Furieuse de voir son fruit défendu associé à cette parodie, l’entreprise a lancé une requête juridique agressive, stipulant qu’un titre pareil avait certainement le pouvoir de tromper l’imaginaire collectif de ses clients. Un dossier de presque 500 pages a donc été construit pour lancer les hostilités.
Un procès contre-productif
Au premier abord, un tel coup de pression a de quoi faire trembler. Pour Vasyl Moskalenko, s’engager dans la défense juridique de son projet reviendrait à transférer a minima tout le budget du film dans des frais d’avocat. Pour le moment, le réalisateur a donc opté pour un appel sur les réseaux, contre ce qu’il considère comme un phénomène « d’intimidation de marque ». Il faut dire qu’en l’occurrence, la ressemblance avec Apple ne tient à rien, si ce n'est au titre du film. Aucun élément du scénario ne semble lié aux produits de l’entreprise.
Ce qui semble assez contradictoire, c’est que jusqu’ici, l'affaire profite bien plus à Vasyl Moskalenko. Au fil des articles mentionnant l’affaire et grâce à l’écho que tout cela rencontre sur Internet, un film qu’Apple souhaitait faire taire a pris une dimension beaucoup plus grande, alors qu’il avait au départ l’étoffe d’un phénomène de niche. Pour gagner en visibilité, le réalisateur a astucieusement rebaptisé la bande-annonce de son film sur YouTube : « Apple-Man, le film qu’Apple traîne en justice ». En à peine un mois, la bande-annonce est passée de 1000 à plus de 100 000 vues, et reçoit chaque jour de nombreux commentaires de soutien. Affaire à suivre.
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