
L’ancienne actrice de Troom Troom, Treisi, raconte son passage dans la célèbre chaîne YouTube ukrainienne aux millions d’abonnés. Entre révélations dérangeantes et souvenirs plus légers, elle dévoile les coulisses d’une « ferme à contenus » devenue culte dans les années 2010.
Chewing-gum XXL, bouquet de papier toilette, cachette à saucisses pour les cours… Si vous traîniez sur YouTube à la fin des années 2010, vous êtes forcément tombé sur une vidéo Troom Troom. Depuis 2015, la chaîne aux presque 24 millions d’abonnés publie des tutos tous plus déjantés (et inutiles) les uns que les autres. Ils sont reconnaissables par leurs intros musicales boostées à l’EDM, leurs couleurs ultra-saturées, leur voix off suraiguë et leur flopée d’acteurs (plus ou moins bons).
Parmi eux, une certaine Jessica, Treisi de son vrai nom. Cette dernière s’est récemment exprimée sur son expérience au sein du studio, à coups de storytimes TikTok. Son récit, visionné plusieurs dizaines de millions de fois, nous montre une chose assez rare : les coulisses d’une ferme de contenus viral.
« Ils cherchent une fille noire »
Treisi rêve de devenir chanteuse en Ukraine, mais une extinction de voix stoppe net ses plans de carrière. C’est là qu’elle reçoit un coup de fil : une chaîne YouTube « cherche une fille noire » … Et même pas besoin de parler. « J’ai regardé une vidéo Troom Troom au hasard et je me suis dit : “ Oui, je peux faire ça ! ” » Elle accepte et joue la comédie dans plusieurs vidéos entre octobre 2018 et décembre 2019, pour un salaire mensuel avoisinant les 1 000 euros. Mais selon Treisi, elle est loin d’être la favorite du studio. « Je n’étais pas la fille la plus populaire de Troom Troom, explique-t-elle. Je crois que j’étais la sixième en termes de popularité [...] D’autres filles avaient plus de chances de percer sur Troom Troom. »
D’origine ukrainienne et angolaise, elle dévoile aussi le racisme latent qu’elle subissait pendant les tournages et son expérience en tant que seule membre racisée du collectif. Elle a dû mimer plusieurs scènes dégradantes qui se moquaient de ses cheveux texturés. « C’est moi qui vous ai tout appris sur les cheveux afros, affirme-t-elle à propos d’une vidéo “humoristique” de la chaîne sur les différents types de cheveux. Vous ne saviez même pas que les cheveux afros existaient ! » Elle se retrouve à devoir extraire toutes sortes d’objets de ses cheveux, des petites fleurs jusqu'à une guitare, en passant par un skateboard… Ou à se faire comparer à un lampadaire quand elle enfile un bonnet.
L’affront de la carrière solo
Les choses se corsent encore quand elle refuse d’apparaître dans la vidéo 21 astuces pour sauver des vies pendant vos règles. L’idée de fourrer une culotte de rechange, des serviettes hygiéniques et des tampons dans une boîte de pâte à modeler la met mal à l’aise. « Cette idée me paraissait…, un peu bizarre. » Résultat : elle manque de se faire renvoyer.
C’est finalement en décembre 2019 qu’elle tourne sa dernière vidéo avant de quitter le projet pour se lancer dans la création de contenus. Elle rejoint une TikTok House en 2020 avec un autre acteur du collectif, Ben (Maxim dans la vraie vie).
La chaîne voit d’un très mauvais œil son départ, craignant qu’elle ne révèle les coulisses des tournages. Elle est d’ailleurs persuadée que ses anciens collègues la détestent. « C’est pour ça que la plupart des acteurs gardent le silence, explique-t-elle. Mais je ne suis pas d’accord. » Mais qu’importent les accusations de plagiat ou les critiques : cette expérience fut un incroyable tremplin.
Une ferme à contenus, oui, mais pas une prison
Treisi en profite pour rétablir quelques vérités. Contrairement à certaines légendes, les actrices et acteurs de Troom Troom n’étaient pas enfermés et forcés de tourner des vidéos toute la journée. Elle insiste au contraire sur la bonne ambiance sur les tournages, les bonbons et gâteaux à gogo, et pardonne même à un cameraman à l’air si sombre et méprisant qu’il aurait fait « pleurer des actrices sur les tournages. »
Concernant les accusations de fétichisme, elle explique : selon elle, seuls des « adultes à l’esprit tordu » peuvent imaginer des choses pareilles. « L’équipe de Troom Troom tenait toujours à créer du contenu amusant, explique-t-elle dans une autre vidéo plus détaillée sur YouTube. Ils ont vraiment fait beaucoup d’efforts pour que le contenu soit intéressant et engageant pour un jeune public. »
Aujourd’hui, Treisi est créatrice de contenus en ukrainien et en anglais et cumule plus de 600 000 abonnés toutes plateformes confondues. Les 18 chaînes YouTube Troom Troom, elles, continuent de poster quasi quotidiennement, en arabe comme en coréen, en passant par le portugais. Mais les vignettes « clickbait » semblent avoir perdu de leur aura : les vidéos n’affichent plus que quelques dizaines de milliers de vues, bien loin des centaines de millions de 2018.
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