
Réfléchir à son avenir, au sens de son travail ou tout simplement donner des conseils pour aider les autres à sortir du labyrinthe administratif de France Travail. Sur TikTok, les « influchômeurs » prennent la parole.
« J’ai 33 ans, je suis au chômage à cause d’un licenciement économique et je me disais que (…) les 7 ans que j’ai passés à travailler, je n’ai pas fait un seul projet qui soit utile. » Sur TikTok, Ninon est une jeune femme qui chronique depuis quelques mois sa vie après une longue période de travail dans le milieu de la « startup nation ». Cette ancienne product designer a réalisé de nombreuses vidéos qui reviennent sur son sentiment d’inutilité dans le milieu de la tech, l’aspect bullshit job de son travail, et les embauches inutiles qui en résultent.
Mais surtout, Ninon explique pourquoi elle a décidé de ne pas répondre aux offres d’emploi qu’elle reçoit et pourquoi elle a décidé de vivre pleinement son chômage. « Pourquoi est-ce que je refuse ces offres d’emploi : parce que rien que l’idée de l’entretien me dégoûte. C’est extrêmement répétitif et aliénant. Je me demande si cette lassitude n’est pas un burn-out. Je me demande si tout ce théâtre de la vie en entreprise ne m’évoque pas que du vomi. »
Tous les jours ou presque, elle répond aux commentaires, pas toujours très sympathiques, de ses viewers qui la préviennent que le chômage est une impasse, qu’elle devrait plutôt se trouver un mari ou un emploi rapidement. Mais Ninon n’hésite à répondre avec classe et bonne humeur aux haters.
Le monde merveilleux des influchômeurs
Ninon n’est pas la seule à créer ce type de contenu qui mélange à la fois réflexion sur le travail, vlog lifestyle et monologue sur l’arrêt (plus ou moins long) de travail. Sur TikTok, le terme #chomage cumule plus de 573 millions de vues et offre une porte ouverte vers des centaines d’influchômeurs qui tentent de rendre cette période de transition plus supportable. C’est notamment le cas de Lea Lofman qui ironise sur son parcours prestigieux et son arrivée à France Travail (anciennement Pôle emploi).
On retrouve la même ironie chez @gigioncamera qui nous décrit sa meilleure morning routine de chômeuse, sans omettre la balade finale sur la plage.
De son côté Cal20, qui se décrit comme un « chômeur professionnel », réalise des séances de coaching ironiques à partir d’autres vidéos, montrant des gens totalement effondrés par la perte de leur emploi, ou d'autres qui entament leur métamorphose en « entrepreneurs ». À chaque fois, il tente de manière plus ou moins sérieuse de valoriser cette période en expliquant qu’un chômage est bien plus épanouissant que le travail.
L’arbre qui cache une forêt d’angoisse
Ce qui frappe en premier lieu, c’est la manière dont les comptes tentent de faire de cette période plutôt angoissante, un moment où l’on peut se permettre de réfléchir à sa place dans le monde du travail ou tout simplement se la couler douce sans trop dramatiser. On pense bien évidemment au phénomène de la « grande démission » ou de « quiet quitting » qui avait décollé dans la période post-pandémie. La plupart de ces vidéos revendiquent d’ailleurs un rapport distancié au travail, avec une forte désillusion sur ce qu’il peut apporter comme valorisation. Ninon évoque ainsi les relations avec les collègues « qui ne sont pas vos amis », la montée des personnes incompétentes dans des fonctions de management ou le bullshit derrière le terme « d’entreprise à valeurs ».
Mais ces influchômeurs qui assument totalement leur inactivité font aussi un travail de soutien psychologique. Derrière les vidéos bravaches qui prônent le « lever à 12h » et les « visites de musée un mercredi matin », on comprend qu’il s’agit aussi de remonter le moral des autres utilisateurs qui sont dans la même situation et pour qui ça ne va pas fort. Derrière le même hashtag #chomage se trouvent de nombreuses vidéos montrant des jeunes diplômés, désemparés et isolés, dans une période de recherche d’emploi plus ou moins longue.
C’est ce qu’explique notamment Gwen dans une vidéo qui a été likée 26k fois. « J’ai eu envie de dédramatiser, mais aussi de montrer la réalité d'une situation où l’on cherche un emploi », explique la jeune femme qui raconte qu’elle pensait plutôt partir faire un tour en Australie avant d’être rattrapée par la réalité du manque d’argent. « La vérité, c’est que c’est dur mentalement, car vous n’avez pas conscience de la valeur que vous avez sur le marché du travail et vous êtes en dépression, car vous n’avez personne à voir, tout le monde bosse. »
Dans ce cas, les vidéos TikTok de chômeurs peuvent être vues comme autant de petites pages de journaux intimes où l’on vient chercher du réconfort, ou bien parfois du conflit, dans les commentaires.
Ce sont nos nouveaux Le Corbeaux et le Renard de la fable et la fontaine... Les uns dépendent de qui regardent leur Vidéo souvent pas trop évolué. Ce serait bien que chacun fasse son propre expérience. Mais il est vrai que c'est plus simple pour beaucoup de suivre Bêtement les autres, cela évite de réfléchir. Les uns gagne de l'argent sur la betise et l'ignorance des autres...