Il n’y a pas que Fortnite et Minecraft dans la vie ! Dans l'univers du gaming, un certain Roblox grandit lentement mais sûrement. Il permet même de réinventer un nouveau modèle économique en transformant ses joueurs en petits entrepreneurs.
À moins d’avoir des enfants qui ont entre 8 et 12 ans, il est fort probable que vous n’ayez jamais entendu parler de Roblox. Quasiment inconnu du grand public, ce jeu vidéo britannique sorti en 2006 est en train de se hisser au même niveau que le géant Minecraft en atteignant le chiffre historique de 100 millions d'utilisateurs actifs en août dernier. Son secret ? Surtout pas de levées de fonds ou de hype soudaine, mais une progression lente et continue depuis une dizaine d’années maintenant.
Le jeu moche et discret qui monte, qui monte, qui monte...
Un coup d’œil non averti au jeu a pourtant de quoi laisser perplexe. On est très loin du graphisme clinquant de Fortnite. Roblox affiche des personnages semblables à des petits Lego dans des décors 3D plutôt sommaires, voire franchement moches. Face aux jeux multijoueurs récents, on a l’impression d'un voyage dans le temps... en termes de design, on se retrouve 15 ans en arrière. Mais les utilisateurs sont moins là pour la qualité du graphisme que pour les possibilités offertes par le jeu. Dans le jargon du gaming, on appelle ça un jeu « bac à sable » ou Sandbox. Concrètement Roblox propulse les joueurs dans un monde peu esthétique, mais dans le lequel ils peuvent créer d'autres jeux vidéo.
Imaginé par David Baszucki, un ingénieur de Standford qui a débuté sa carrière en créant des logiciels de simulation de physique, Roblox avait au départ un objectif éducatif. Comme il l’explique à Forbes, « il s’agit d’une plateforme gratuite qui s’inspire de Lego, des Sims et qui donne aux enfants un espace unique ou ils peuvent construire, programmer et distribuer leurs jeux à leurs amis. »
La guerre des clones
Et des jeux, il y en a à foison dans Roblox. Plus de 56 millions de titres sont proposés en tout, même si la plupart d’entre eux sont des clones qui ne font que changer de texture. On y trouve des courses d’obstacle, de l’exploration de maisons hantées, des jeux de gestion comme les Sims, des chasses au trésor ou des aventures spatiales. Pour les choisir, les joueurs accèdent à une page d'accueil semblable à celle d’un réseau social simplifié. D’un côté, on y trouve un onglet « amis » sur lequel on peut se connecter avec ses copains situés à proximité ou bien discuter avec d’autres joueurs croisés au hasard dans Roblox. De l'autre, se trouvent les différents titres classés à l'aide d'un algorithme de recommandation. Il s'agit là de la véritable force de Roblox qui ne propose pas seulement un seul type d’amusement, mais bien toute une palette de loisirs accessibles en un clic.
Roblox, bien plus simple que Minecraft
Bien que les créateurs de Roblox insistent beaucoup sur l'aspect « créatif de leur plateforme », on devine que la plateforme est surtout axée sur la consommation de jeux pour enfants. Les thématiques des titres ont tout pour attirer un jeune public. Avec une simple recherche, il est possible de jouer dans l’univers de Spiderman, la Reine des neiges, Star Wars ou Naruto. D’autres créations copient des univers vidéoludiques bien connus comme GTA ou Fortnite. En regardant de près les quelques chiffres que l’éditeur veut bien donner, on se rend compte que les créateurs sont légèrement plus âgés que la moyenne (au-dessus de 16 ans) et surtout beaucoup plus minoritaires. D’après l’entreprise, ils ne représenteraient que 2% des inscrits, soit 2 millions de personnes.
Et à la fin... c'est la monnaie qui dirige le monde
Mais le véritable atout de Roblox, c’est sans doute la « carotte » qui encourage les utilisateurs à créer leur propre jeu. Alors que les fans de Minecraft collaborent ensemble « pour le plaisir », les créateurs made in Roblox sont rémunérés pour leur travail. Pour chaque contenu mis en ligne, la plateforme verse une monnaie virtuelle appelée Robux. C’est autour d’elle que tourne véritablement l’univers de la plateforme.
Les Robux permettent d’acheter des skins qui changent l’aspect du personnage, des armes et des bonus. Certains créateurs peuvent même rendre leurs jeux « payants » en instaurant un petit péage à l’entrée. Grâce aux microtransactions, de nombreux enfants utilisent les cartes bleues de leurs parents pour acquérir des Robux et améliorer leur expérience de jeu. Mais à partir de 100 000 Robux, il est aussi possible d’échanger cette monnaie contre de vrais dollars (350 dollars, selon le cours actuel).
Roblox, un vivier de (très) jeunes entrepreneurs
Avec cette stratégie, certains adolescents sont carrément devenus des game designers professionnels sur la plateforme. C’est notamment le cas de Joshua Wood un jeune développeur de 18 ans qui s’est inscrit sur Roblox en 2013. Depuis, il a créé son propre studio de jeu basé sur la plateforme et fait travailler entre 15 et 20 personnes. S’il reste discret sur ses revenus, il assure que Roblox lui permet de payer ses études. « Roblox est une véritable opportunité pour les développeurs comme moi explique-t-il. Je peux toucher près de 100 millions de personnes à chaque sortie très facilement. Si je devais le sortir sur Steam (la plus grosse plateforme de vente de jeu vidéo), je devrais investir beaucoup d’argent en marketing pour avoir le même succès. Hier j’ai pu voir près de 500 000 joueurs s’affronter sur l’un de mes titres. » En comptant 1 ou 2 Robux par personne, (soit l'équivalent de 1750 à 3500 dollars) on se rend vite compte que l’affaire est rentable.
Les possibilités financières ne s’arrêtent d’ailleurs pas à Roblox. Certains créateurs de jeux comme AlvinBlox prolongent leur business sur d'autres plateformes. Ils proposent des tutoriels sur YouTube à destination d’autres jeunes qui voudraient se lancer sur ce marché juteux. En plus d’accumuler des millions de vues, ce dernier propose aussi de s’abonner à une chaîne privée pour 5 dollars par mois pour profiter de ses conseils.
De son côté, la plateforme espère reverser l’équivalent de 100 millions de dollars d’ici la fin de l’année 2019 à ses « jeunes pousses ». Si elle atteint ses objectifs, elle pourrait bien devenir, à terme, l'équivalent d'une plateforme comme YouTube avec un écosystème de créateurs gravitant autour de joueurs à la recherche de nouvelles sensations... payantes.
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