Stanislas Motte, PDG de Storyzy, une plateforme de détection de fausses informations affirme que le gouvernement finance des sites de « fake news », sans le vouloir. Un pavé dans la marre au moment où un texte de loi visant à endiguer le problème vient d'être présenté par la ministre de la Culture Françoise Nyssen.
Pour Stanislas Motte, PDG de Storyzy, une plateforme qui détecte les fausses informations, la proposition de la ministre de la Culture ne prend pas le problème à la racine. D'autant que, l'État en participant au système de publicité programmatique contribuerait, lui aussi, à financer les sites de « fake news », un comble. Explications.
L'État français finance-t-il les fake news ?
STANISLAS MOTTE : C'est probablement involontaire à cause de l'opacité de la diffusion de la publicité sur les sites. Mais oui, et c'est un gros problème. D'un côté Emmanuel Macron veut combattre les « fake news », de l'autre l'État finance les sites qui la produisent.
Comment vous en êtes-vous rendu compte ?
S. M. : Notre métier est de détecter les « fake news ». Tous les jours, nous « crawlons » (indexer des pages sur le net, NDLR) le web à la recherche de sites qui produisent de la fausse information. En neuf mois, notre base s'étend à 3 400 sites en langue anglaise et française. 10% des annonceurs ne savent pas où ils mettent leur pub. Le gouvernement français, à titre d'exemple, a arrosé au moins 31 sites de « fake news » au mois de décembre (À titre d'exemple, capture d'écran réalisée le 15 février 2018, comme sur la photo, NDLR).
Capture d'écran du site info24 qui relaie une fausse information sur Emmanuel Macron, prétendument allié à un islamiste radical. On y voit un encart de la Marine nationale, probablement amené par « retargeting ». C'est-à-dire qu'un individu étant allé au préalable sur le site de la Marine nationale est marqué par un « cookie », sorte de marqueur qui détermine la publicité vue en arrivant sur un site.
S. M. : Le problème vient de la publicité programmatique. Un annonceur achète de la publicité aux enchères sans savoir où va être diffusé l'encart. Le ciblage peut être extrêmement précis. En revanche, le contexte dans lequel la publicité va s'afficher, beaucoup moins.
Le texte proposé par Françoise Nyssen est-il efficace dans la lutte contre les « fake news » ?
S. M. : Le problème de ce texte est qu'il est incomplet. Ce qui manque, c'est de couper le financement de la production de la fausse information par la publicité, publicité en partie financée par l'État français. La ministre de la Culture met le focus sur la promotion de l'information : si un contenu est sponsorisé et par qui. Mais avant de faire la promotion d'un contenu, on le produit. C'est là qu'est le problème.
Que faudrait-il faire pour éradiquer le problème ?
S. M. : L'objectif n'est pas de fermer les sites, ce qui serait de la censure, mais d'agir pour que les sites pourvoyeurs de fausses informations soient fragilisés. Si on agit sur la publicité, en éduquant les annonceurs et en leur disant « s'il vous plaît, n'allez pas mettre vos publicités sur ce site », c'est un premier pas. Il y a un gros travail d'éducation à faire et c'est le rôle de Françoise Nyssen. Il a fallu faire le job pour les sites de téléchargements illégaux. Il faut maintenant éduquer le marché au financement des sites par la publicité. Ce qui serait mieux c'est d'établir une charte éthique entre les annonceurs, les régies et les autres acteurs, qui dirait « on ne finance pas les sites de fausses infos ».
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