
Après avoir annoncé à l’unisson et à tort l’arrestation de Xavier Dupont De Ligonnès, la presse a dû faire machine arrière. Retour sur un mea culpa généralisé.
Le dénouement de l’affaire criminelle de la décennie ne fut qu’un énorme flop médiatique. Après que Le Parisien a annoncé l’arrestation de Xavier Dupont De Ligonnès vendredi 11 octobre 2019, l’AFP puis une grande partie des médias français s’est engouffrée dans la brèche. Mais rapidement, l’information retombe comme un soufflé. Le lendemain, à 10h50, l’AFP publie une dépêche indiquant qu’il y a un doute sur l’identité du suspect arrêté à Glasgow. Les empreintes ne possèdent que 5 points de correspondance sur les 12. Vers 13h, l’histoire se termine avec un test ADN négatif.
Les médias publient leur autocritique
Dans la foulée, les principaux médias ayant sorti l’information comme Le Parisien, l’AFP, Libération ou bien Le Monde vont se livrer à un exercice d’autocritique et de transparence sur cette affaire. Au Parisien, un article signé par le Service des Informations Générales raconte comment la désignation et l’arrestation d’un suspect par la police écossaise vont être confirmées par 5 sources policières différentes. Ces dernières ne donneront pas l’identité réelle du suspect (Guy J), mais seulement l’information selon laquelle son passeport serait volé. Certain de la véracité de l'information, le journal publiera l’information sans employer le conditionnel d’usage ( « Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté ce vendredi en Écosse » ). Même chose pour l’AFP, qui avait vérifié l’information auprès de quatre policiers proches de l’enquête et qui avait donné un titre de dépêche très affirmatif.
Sources policières et suivisme de l'AFP : les deux suspects d'une infox
La faute reviendrait donc aux policiers de Glasgow qui auraient « intoxiqué » la Police Française. Pourtant de rares médias ont préféré utiliser le conditionnel pour annoncer la nouvelle. Ce fut notamment le cas de La Provence qui a titré « Arrêté ? » avec un point d’interrogation.
A lire ce samedi dans @laprovence pic.twitter.com/wcbQHAlwdD
— Guilhem RICAVY (@guilhemricavy) October 12, 2019
Pour le journaliste et Premier Secrétaire général du SNJ, Vincent Lanier, la surreprésentation des effectifs de police dans les sources des journalistes ainsi que le suivisme derrière l’AFP représentent de réels problèmes dans le traitement de l’information. Rien d'étonnant à ce que la majorité des rédactions n'ait pas vérifié l'information après la dépêche de l'agence de presse. Cette dernière est considérée comme étant d'une fiabilité à toute épreuve. Mais ce n'est pas tout : à force de faire du « desk » toute la journée, les journalistes ont parfois peur de passer à côté de l'info du siècle, et d'un article « aspirateur à clics ».
Ces quatre ou cinq sources... policières, étaient polluées par la même information erronée fournie par les services écossais. Toute source peut être polluée, c'est bien pour ça que le principe de base est de vérifier et recouper.
— Vincent Lanier (@vinclanier) October 13, 2019
Quand l'AFP tuait Martin Bouygues
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’AFP provoque un emballement médiatique sur une info bidon. En 2015, l’Agence France Presse avait annoncé le décès de Martin Bouygues après un quiproquo improbable entre le journaliste responsable de la vérification de l’information et le maire de la ville La Roche-Mabile, lieu de résidence de l’industriel. Ce dernier avait alors confirmé la mort d’un certain « monsieur Martin », engendrant malgré lui une infox de première classe. Après un démenti publié sur les sites du groupe TF1, l'AFP et le reste de la presse s'étaient empressés de faire un mea culpa généralisé avec excuses aux lecteurs et à la famille Bouygues.
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