un youtubeur tatoué

« Gérer les filles comme des gamines de 12 ans » : Sur YouTube, l’obscur business des managers OnlyFans

© Anthony Sirius

Après les cryptomonnaies et le dropshipping, la nouvelle mode chez les entrepreneurs de YouTube, c’est de jouer aux macs pour les modèles OnlyFans.

« Ils rigolaient quand j’ai arrêté l’école… Aujourd’hui, je suis manager OnlyFans et millionnaire à 22 ans ! ». Visiblement, Anthony Sirius, influenceur entrepreneur de son état, a une revanche à prendre sur la vie. Dans ses vidéos YouTube et sur son site de vente de formation, il rabâche le même argument. Lui, le cancre, a réussi à devenir millionnaire grâce à une méthode inédite. Il lui a tout simplement suffi de faire le souteneur de travailleuses du sexe sur la plateforme OnlyFans.

Manager OnlyFans, la nouvelle tendance des hustle bros

Du dropshipping au minage de cryptos en passant par la vente de livres écrits par ChatGPT, les margoulins de YouTube ont tout testé pour tirer quelques euros. Et comme le dit Anthony Sirius, « rien ne fonctionne vraiment sur le long terme ». Mais c’est au moment où cet expatrié à Dubaï allait tout quitter qu’il découvre, sans vraiment savoir le nommer, le second plus vieux métier du monde. Mais on ne parle bien évidemment pas ici de « proxénète », ou de « mac ». Le terme actuel est OFM pour OnlyFans Manager et cela fait quelques mois qu’il est mis en avant par les influpreneurs. Leur argument est imparable : il existe 1,25 million de comptes actifs sur la plateforme et seulement une dizaine de milliers « d’agences » qui seraient dans ce business. Pour ces entrepreneurs, c’est donc l’affaire du siècle, une sorte de territoire vierge qu’il s’agit de conquérir. L’activité de manager coche d’ailleurs d’autres cases bien utiles pour ces vidéastes qui sont à la frontière du coaching de vie. Dans la vidéo qu’il utilise pour convaincre ses clients d’acheter sa formation, Anthony parle évidemment de l’argent mais aussi de sa relation avec les femmes. « Comme je leur parle tous les jours, je suis beaucoup plus à l’aise », explique-t-il en se faisant servir un verre par une jeune femme dont on ne voit pas le visage. Cette connexion entre le business et la rhétorique des coachs en séduction voire des masculinistes n’est pas fortuite puisque d’autres youtubeurs comme Alex Hitchens ou Stephan Edouard s’y adonnent déjà. Et cette promesse de « voir du contenu qui va foutre la merde dans ton couple » semble être un argument de plus pour attirer des profils de « jeunes geeks mal dans leur peau », comme le dit notre vidéaste avec un sourire.

Les contraintes d'OnlyFans

Aux dernières nouvelles, OnlyFans se présentait comme la plateforme parfaite pour les travailleuses du sexe. Elle garantissait une diffusion payante et sécurisée d’un contenu fétichiste ou pornographique contre une commission de 20 %. Pourquoi les modèles auraient donc besoin d’ajouter des souteneurs numériques qui réclament 50 % de leurs revenus ? La plus grosse raison vient de l’environnement très concurrentiel d’OnlyFans mais aussi des autres réseaux sociaux. La plateforme ne possède pas de fil d’actualité ou d’algorithme de recommandation et il faut donc être déjà très visible et connu sur Instagram, TikTok ou Snapchat pour espérer « transformer » son audience en abonnés payants et, mieux encore, en clients demandeurs de contenus personnalisés. Pour pallier ce problème, un système de recommandation appelé story for story ou share for share et qui consistait à poster des photos d’autres modèles sur son propre compte. Les filles qui avaient une plus grosse communauté finissaient par demander de l’argent en échange de visibilité. S’ajoutent à cela tout un tas d’activités créatrices et commerciales comme faire des photos, répondre aux DM ou finaliser des ventes qui toutes demandent beaucoup de temps.

Le dur métier de parasite

C’est à cause de ces contraintes que l’activité de manager, calquée sur les pratiques des agences que l’on trouve déjà pour les influenceurs classiques, est devenue « utile ». D’après Anthony Sirius, son travail consiste à manager des filles déjà dans le business, et notamment à les aider à produire du contenu pour les réseaux sociaux. Sur ce point, il indique envoyer des calendriers de production avec le type de photos soft et hard à produire pour « la prendre par la main, comme une enfant de 12 ans ». Il intervient aussi sur la partie « vente » de vidéos personnalisées, en faisant appel à des « chatters », des travailleurs du clic que l’on trouve sur les plateformes de freelances et qui vont échanger des DM avec des abonnés payants à la place de la créatrice ( « y a rien de plus simple que de vendre du contenu à un mec en chien » ). Parmi les éléments perturbants de ce discours, on trouve aussi la partie « recrutement ». Si Anthony Sirius insiste sur le fait de manager des femmes consentantes et ayant déjà un pied dans ce travail, il précise qu’il faut aussi aller prospecter parmi les filles de son entourage ( « surtout des filles que tu connais qui étaient dans ton école, et qui ont déjà un insta bien fourni » ) ou des débutantes qui sont encore nouvelles dans le métier. Il met d’ailleurs à la disposition de ses futurs clients des scripts argumentaires permettant de convaincre ces femmes à donner la moitié de leur revenu. De là à y voir de l'incitation à la prostitution..., il n'y a qu'un pas.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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