
Les propagateurs de fake news espèrent avant tout trouver un statut social à travers la dissémination du chaos.
Brigitte Macron dénoncée comme une personne transgenre, le cancer de Kate Middleton ou l’existence d’un lien entre vaccin ARN et maladie de Creutzfeldt-Jakob. Si l’on trouve autant de fake news sur le web, c’est parce qu’il y a des internautes suffisamment motivés pour les créer et les partager à l’infini. Souvent peu connus du grand public (à l’exception de certaines célébrités comme le rapeur Booba), ces internautes ont longtemps été catégorisés par les chercheurs comme des partisans politiques extrêmes. Mais une méta-étude (basée sur huit autres études) publiée dans la revue américaine de science politique de Cambridge apporte un éclairage nouveau sur ce qu’elle appelle les « ingénieurs du chaos ».
Allumer le feu
D’après les chercheurs Michael Bang Petersen, Mathias Osmudsen et Kévin Arcéneaux, Ies internautes qui partagent des « rumeurs hostiles » sont plus motivés par une envie de perturber et même détruire l’establishment social et politique plutôt que de soutenir un camp politique. Pour appuyer leur hypothèse, les chercheurs expliquent que les individus faisant preuve de comportements agressifs en ligne sont généralement ceux qui subissent le plus de déclassement social. Cette marginalité subie pousse les internautes vers un désir de domination, désir qui peut être comblé par « une agression ciblée contre des individus spécifiques [et] des tactiques aveugles qui sèment le chaos comme moyen de perturber le système et de progresser dans la hiérarchie sociale. » En d’autres termes, les « ingénieurs du chaos » font tout pour déstabiliser le système politique établi, non pas dans l’espoir d’un « grand soir » collectif, mais plutôt pour atteindre un statut social individuel plus élevé. De ce fait, beaucoup de ces internautes ne basent pas leur partage de fake news sur leur allégeance aux partis républicain ou démocrate. Les deux camps sont considérés comme hautement corrompus, ce qui refléterait leur sentiment d’abandon de la part de la classe politique.
Il faut prendre au sérieux les amateurs de fake news
L’étude conclut que la désinformation reste un problème relativement localisé, conclusion qui rappelle un rapport du Center for Countering Digital Hate publié en 2021 et qui indiquait que 70% de la désinformation climatosceptique sur Facebook venait d’une dizaine de médias seulement. Si aussi peu d’individus peuvent être qualifiés d’ingénieurs du chaos, ces derniers gagnent toutefois en force et en impact grâce à la connexion sur les réseaux sociaux et peuvent être amenés à s’engager dans des actions violentes pour aller au bout de leur logique. L’insurrection du Capitole du 6 janvier 2021 en est l’exemple parfait. Pour contrer cette menace, les chercheurs estiment que le fact checking est inutile et que seule une politique de réduction des inégalités économiques et culturelles peut avoir de l’effet sur le long terme. Le silence, la moquerie et l’exclusion de ces internautes ne font qu’exacerber leur sentiment de marginalisation et alimenter leur opinion antisystème. En d’autres termes, ériger des camps de la vérité contre ceux du mensonge sur les réseaux, comme peut le faire toute une frange de spécialistes du factchecking, ne fait qu’augmenter le problème.
Merci encore une fois pour cette analyse fine et sociétale, dans un article si court ! Oui, il ne sert à rien de se battre avec eux sur les réseaux, de leurs balancer des chiffres, ils sont surtout désespérés par leur vie et l'état du monde, comme nombre d'entre nous sur ce dernier point. Mon sujet est d'aller échanger avec eux pour percer justement cette souffrance, sans l'attiser ou dénoncer ce qu'elle produit. Et bien souvent, ça marche ! Parler, plutôt leur écrire, les comprendre sans accepter, mais recréer une relation m'a souvent permis de faire de belles rencontres avec des gens que j'avais pu juger au préalable comme des gr.. c.. racistes ou fachos. Ce monde, digital en particulier, a besoin d'amour, pas bisounours, mais "extrémiste" comme le disait Abd Al Malik ce matin à la radio.
Cette étude évoque-t-elle le fait que certains de ces individus propagateurs de fake news - et si oui, les range-t-elle également dans la catégorie "ingénieurs du chaos" - sont parfois des responsables politiques et/ou médiatiques : Gérald Darmanin ou Olivier Véran (ici), le porte-parole de Tsahal (là-bas), etc ?