
Le nouveau réseau social de Meta a des airs de café du commerce où l’on peut déverser ses doléances vis-à-vis du métier d’influenceur et d’Instagram.
« Ça démarre fort janvier », lance Fanny B sur son compte Threads, la plateforme de microblogging Meta (propriétaire de Facebook et Instagram) pour concurrencer X. Le message introduit la capture d’écran d’un mail lui proposant un partenariat. Le deal en question : une galette des rois contre deux stories Instagram et un post, pour zéro rémunération. Son post suscite un petit engouement (84 réponses et 200 j’aime). Elle réitère quelques jours plus tard avec ce post-ci : « visiblement, les marques ne sont pas au courant des textes de lois concernant les giftings, ça envoie des briefs complets comme ci on avait signé une collaboration rémunérée.»
Un feed de plaintes
Fanny B, suivie par plus de 100 000 personnes sur Instagram est venue, comme d’autres sur Threads, par curiosité. C’est l’ambiance générale de cette nouvelle plateforme qui la pousse à opter pour une ligne un peu tranchante (qui n’est pas franchement celle de son compte Insta, où l’on trouve majoritairement des photos léchées et des looks pointus). « Dans les premières versions de mon feed, c’était très "Bisounours" puis rapidement j’ai vu des posts autour des coulisses de mon métier, l’envers du décor qu’on ne raconte qu’entre nous pendant un café dehors, j’ai clairement été influencée par le feed que Threads m’a proposé. Je me suis dit que j’avais aussi pas mal de choses à raconter ! »

Pourtant Fanny se dit « assez tranquille avec ce métier », ne pas « être dans les embrouilles ». « J’ai cru tomber dans un feed où tout le monde râle et tout le monde hurle. » Sans lancer de rumeur, elle tient à relever les demandes aberrantes, et pas toujours légales, en prenant soin de masquer le nom des marques.
L’arrière-cuisine d’Instagram
Fanny n’est pas la seule à faire part de cette ambiance. Delphine Desneige dit « Deedee sur Insta » (où elle est suivie par 80 000 personnes), parle de « bistrot à ciel ouvert », ou d’ « antichambre » au sujet de Threads. « On y partage son ressenti de manière très spontané, un peu comme ce que l’on pouvait lire aux premières heures de Twitter », explique la journaliste et « dinobloggeuse », dixit sa bio.
La particularité de Threads – qui accumulait déjà 440 000 téléchargements mi-décembre 3 jours après son lancement – c’est que ce réseau accueille en premier lieu des personnalités venant d’Instagram, et notamment des comptes de créateurs de contenu. Un public qui n’était d’ailleurs pas forcément connecté à Twitter. Delphine explique l’avoir déserté depuis longtemps. Et Fanny ne l’utilise qu’en tant que spectatrice.
L’aspect « bistrot » de Threads encourage les influenceuses et influenceurs à partager ce qu’ils connaissent : à savoir les tourments de leurs métiers. Dans le cas de Delphine, qui partage ses looks, la rénovation de sa maison et de temps en temps son quotidien de parent, c’est l’algorithme de la plateforme rose qui l’a incitée à y aller. La créatrice de contenu se dit usée par « le monde ultra-opaque d’Instagram ». Les changements intempestifs de l’algorithme ont des conséquences directes sur son taux d’engagement, qu’elle a vu chuter ces derniers mois. « Quand on travaille 10 heures par jour à se décarcasser pour ce réseau, on a envie que ça paye. » Dernier exemple en date : sa publication annuelle sur le classement des galettes des rois a obtenu péniblement 1000 likes, contre 25 000 l’an dernier. Face à ces aléas elle se sent « démunie ». Car en face, Instagram est une boîte noire à qui il est impossible de demander des comptes. « Quand mon compte s’est fait hacker en 2019, je n’ai jamais réussi à avoir une personne pour m’aider. Tout bonnement hallucinant », se souvient-elle. Cet état d'épuisement rappelle celui des vidéastes de YouTube qui ont, pour certains décidé d'arrêter ou ralentir leur production face la pression mise par la plateforme.

Briser l’omerta
Valérie Tribes, créatrice du podcast Chiffon suivi par 157 000 abonnés sur Instagram, parle de Threads comme d’un « défouloir » où l’on peut s’exprimer. « Contrairement à Instagram, où l’on est tenues, voire muselées par les marques. : si vous prenez trop la parole, on vous reproche de trop en dire. » Pour elle, il flotte une forme d’omerta sur ce réseau social. Threads fait donc office d’espace de parole plus libre « parce que la majorité des marques n’y sont pas encore, et qu’il n’y a pas encore de modèle économique », dit-elle. Dans une publication particulièrement à charge contre le monde d’Insta, elle évoque la proposition d’un éditeur (finalement refusée) pour dévoiler les dessous de l’influence, « pour balancer les tarifs pour un post, les petits arrangements entre amies, les noms des attachées de presse qui “jouent” avec l’argent de leurs clients en rémunérant des personnes qui ont des comptes totalement fake (achats de followers et de likes) pour être plébiscitées par un petit cercle de femmes puissantes qui FONT Instagram », écrit-elle.

Pour Valérie Tribes, celles qui s’expriment sont celles qui subissent de plein fouet les changements d’algorithme et les restrictions budgétaires. Elle estime qu’il existe deux types de comptes sur Instagram. « Celles qui raflent tous les partenariats, mais pour qui souvent Instagram n’est qu’une cerise sur le gâteau, car elles ont des revenus par ailleurs, et attirent les marques par leurs noms qui sont célèbres. Et les autres, qui ont de vraies communautés, de l’engagement, mais qui sont de moins en moins plébiscitées par les marques, qui restreignent leur budget.» Autrement dit pour caricaturer : l’élite et la classe travailleuse d’Instagram.
« C’est aussi un monde où l’on se sent très seul, et en concurrence avec les autres. Tout le monde s’espionne sur Instagram, on observe qui est invité où, précise-t-elle. Sur Threads, on a l’impression de voir au contraire une certaine solidarité entre celles qui critiquent le système. »
Fanny et Delphine sont moins virulentes. Mais elles estiment aussi qu’il est effectivement plus délicat de faire part de ses peines sur Instagram. « C’est moins évident, car les ¾ de nos communautés s’en fichent complètement de ce qu’il se passe dans les coulisses de ce métier. Sur Threads, j’ai l’impression qu’on touche les gens qui sont concernés et on en revient aux discussions qu’on peut avoir en IRL avec les "collègues". Le problème c’est que sur Instagram, les gens sont là pour se divertir. Et si vous postez quelque chose en story, vous leur imposez en quelque sorte votre plainte en plein écran. Sur Threads, vous pouvez vite zapper, passer à autre chose, si ça ne vous intéresse pas », observe Delphine Desneiges.
Un peu plus de temps passé dans la « galaxie Meta »
Mais possible que la récré qu’offre Threads ne s’éternise pas. Valérie Tribes pense que d’ici quelques mois, il est possible que la liberté de ton soit moins d’actualité, une fois que les marques se seront installées.
Et puis comme le souligne Delphine Desneiges, ce défouloir sert en réalité surtout à Meta, propriétaire d’Instagram et de Threads. « Il faut rester lucide. On publie du contenu supplémentaire, de quoi multiplier le temps passé des abonnés dans la galaxie Meta.»
complètement inutile à la société et sans intérêt
des gens inutiles qui se plaignent de meta sur un autre site de meta, c'est très meta