
Les plus riches ne veulent pas de vos programmes de fidélité, merci. Parce qu’une clientèle aisée a des attentes spécifiques, le luxe doit proposer des programmes de fidélité différents. Le point de vue de Sebastian Cuturi Cameto, Chief Strategy Officer chez Leo Burnett / Chemistry.
La fidélité, ça s’entretient. De nombreux programmes existent pour récompenser les clients qui restent fidèles à une marque, en leur proposant des services, des promotions ou du contenu. Objectif : donner aux consommateurs un sentiment d’exclusivité, d’être plus qu’un simple acheteur.
C’est par ce sentiment d’exclusivité, d’impression que nulle part ailleurs ils ne trouveront un meilleur accompagnement, et qu’ils appartiennent à un groupe restreint, qu’un programme peut fidéliser ses clients. Les plus efficaces offrent ce qui ne se trouve pas (facilement) autrement. Généralement, le caractère « gratuit », ou en tout cas « bonus », du programme est un levier fort pour recruter.
Que veulent les riches ?
Mais qu’offrir alors à une clientèle très aisée qui a déjà tout ? Que lui proposer lorsqu’elle peut obtenir, seule, tout ce qu’elle veut en termes de services, d’expérience, de personnalisation, de produits ? On le voit, les programmes de fidélité peinent à recruter les clientèles très aisées. Ce qui ne signifie pas que cette clientèle rejette forcément les programmes fidélité. Il faut lui proposer autre chose. Il faut lui donner quelque chose qu’elle ne peut pas s’offrir elle-même avec de l’argent. Parce qu’on n’attrape pas Bernard Arnault avec des points Esso.
Nous avons mené pour un de nos clients de l’industrie du luxe une étude sur les attentes de cette clientèle. Et leur profil va bien plus loin que la taille de leur pouvoir d’achat :
- Ils se sentent responsables de leur entourage (direct et indirect).
- Ils ont une âme de pionniers quand ils sont investis d’une mission et qu’ils ont les moyens adéquats.
- Ils ont un état d’esprit orienté « croissance ». Ce qu’ils font doit construire et faire grandir.
- Ce qui les intéresse le plus n’est pas tant l’expérience du présent que l’héritage qu’ils vont transmettre.
Laisser sa trace sur le monde
Ce qui les animent le plus est de comprendre l’empreinte qu’ils laissent sur le monde. Les consommateurs très aisés veulent percevoir ce qui restera après leur passage. Un programme de fidélité est une opportunité de leur offrir ce sentiment ! À condition de savoir comment les adresser.
Un programme de fidélité classique ne touchera pas une clientèle très aisée, car il est fondé sur ce que la marque veut donner gracieusement à sa clientèle fidèle. Pour notre cible, il faut inverser la dynamique. Plutôt que d’offrir, il faut les aider eux-mêmes à offrir à leur entourage et à leur environnement, pour qu’ils puissent laisser une empreinte durable sur le monde.
Pour cibler les plus aisés, un bon programme de fidélité se doit donc de proposer :
La dimension relationnelle devra mettre en avant leur capacité à être les premiers à faire quelque chose. Ce sont des pionniers. Il faut éviter de choisir des offres et services partenaires déjà existants et se risquer à créer de nouvelles expériences à vivre. Plutôt que deux tickets à l’opéra, c’est une rencontre avec la cantatrice pour parler d’opéra.
L’approche expérientielle devra mettre l’accent sur ce qu’ils font et non ce qu’ils reçoivent. Ce sont des bâtisseurs avant d’être des bénéficiaires. Ces expériences doivent clairement montrer comment ils y participeront de manière active. Plutôt que d’accumuler des points au travers de leur consommation, faites-leur accumuler des points au travers de leurs activités dans le programme.
La personnalisation devra s’adapter à leur profil en dehors de la marque, et non au sein de celle-ci. Ce sont des acteurs de leur monde, avant d’être clients d’une marque. Moins se poser la question de quel impact a la marque sur eux que l’inverse. Plutôt que de proposer des offres personnalisées, faites-les participer à la définition et à l’évolution même du programme.
L’évolution devra tenir compte de ce qu’ils construisent au sein du programme. Ce sont des explorateurs. Le programme étant l’interprétation de la marque qu’ils laissent sur le monde, il faut que ça se voie. Plutôt qu’un dashboard d’activités, proposez des bilans sur l’impact de leurs actions avec des points d’étapes importants.
L’incarnation des valeurs devra être un reflet de leurs propres valeurs. Ce sont des philanthropes. Dites-vous que ce programme est moins pour les servir que pour les aider à aider. Plutôt qu’un cours de dessin, proposez le sponsorship d’une étoile montante de l’art.
Finalement, cette clientèle n’attend pas d’être récompensée. Il faut l’aider elle-même à offrir à son entourage et à son environnement, pour qu’elle puisse laisser une empreinte durable sur le monde. Avez-vous de quoi lui donner envie de s’engager ?
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